
Par Joshua J. McElwee
Le nom du pape à la retraite Benoît XVI est retiré en tant que coauteur d’un nouveau livre controversé défendant la pratique du célibat clérical dans l’Église catholique, après des récits controversiaux de l’implication de l’ancien pontife dans la préparation de l’ouvrage.
Le retrait, confirmé dans un tweet le 14 janvier par le cardinal Robert Sarah, l’autre auteur du livre, intervient après un différend public étrange et dramatique entre Sarah et l’archevêque Georg Gänswein, secrétaire privé de Benoît.
En fait, l’annonce de la modification des noms des auteurs est intervenue 90 minutes à peine après que Sarah ait tweeté une déclaration défendant le choix de nommer Benoît comme coauteur, affirmant que l’ancien pape avait examiné l’intégralité du manuscrit du livre, la conception de la couverture et avait également été consulté sur la date de publication.
Sarah, qui dirige le bureau de liturgie du Vatican, a même cité une conversation du 25 novembre avec Benoît XVI, au cours de laquelle l’ancien pontife lui aurait dit : « Je suis d’accord pour que le texte soit publié sous la forme que vous avez prévue. »
En moins d’une heure, Gänswein avait déclaré aux agences de presse italiennes et allemandes que Benoît pensait seulement préparer un essai pour le volume, et n’avait pas l’intention d’être cité comme coauteur.
« Il n’a jamais approuvé de projet de livre coécrit et n’a jamais vu ni autorisé la couverture », a déclaré l’archevêque à l’agence italienne Ansa [1].
Le livre, qui devait sortir en France le 15 janvier, porte le titre « Des profondeurs de nos cœurs ». L’ouvrage, qui défend le célibat clérical en termes clairs, intervient alors que le pape François envisage la possibilité d’autoriser des hommes mariés plus âgés à être ordonnés prêtres dans la région amazonienne.
L’annonce de l’implication de Benoît a déclenché une tempête parmi les théologiens, qui se sont nquiétés de l’impact d’un ancien pape pesant sur une question activement examinée par le pontife régnant.
La couverture originale identifiait les deux auteurs comme « Benoît XVI » et « Robert Cardinal Sarah » et comportait une photo des deux hommes. Le texte comporte un essai de chacun et une introduction et une conclusion qui étaient à l’origine censées être corédigées. Gänswein dit maintenant que Benoît n’a écrit qu’un essai et qu’il n’est pas impliqué dans les autres textes.
Même pour le Vatican, où l’utilisation de poignards est habituelle dans les fresques qui décorent les couloirs, le différend public entre Sarah et Gänswein a été exceptionnellement dramatique.
Les allers-retours ont débuté dans la soirée du 13 janvier, lorsque plusieurs médias de langue espagnole [2] ont publié des communiqués affirmant qu’une source anonyme « très proche » de Benoît, présumée être Gänswein, niait que l’ancien pontife ait su que Sarah travaillait sur un livre coécrit.
Peu de temps après l’apparition des premiers communiqués, Sarah est allée sur Twitter, partager les scans de trois lettres qu’il avait reçues de Benoît en septembre et octobre alors que les plans du livre prenaient forme.
Dans son premier tweet dans la matinée du 14 janvier, Sarah a déclaré qu’il pouvait « affirmer solennellement » que Benoît avait l’intention de participer au livre et avait examiné les corrections apportées à la création du projet final.
Dans une déclaration plus complète publiée trois heures plus tard, dans laquelle il racontait avoir passé en revue le manuscrit avec Benoît, le cardinal a qualifié la création de controverse sur la question de « profondément méprisable », mais a déclaré qu’il pardonnait à ceux qui l’avaient « calomnié ».
Comme la suppression du nom de Benoît en tant que coauteur du nouveau volume ne résout pas le différend entre Sarah et Gänswein sur l’étendue de l’implication de l’ancien pape, certains demandent à Benoît lui-même d’expliquer ses intentions initiales.
« Est-ce que Joseph Ratzinger s’exprimera de sa propre voix, sans filtre ? » a demandé Massimo Faggioli, historien et théologien à l’Université Villanova, en utilisant le nom personnel de Benoît.
D’autres ont soulevé des questions lors de conversations avec NCR sur l’avenir du rôle du pape émérite.
L’historien Christopher Bellitto, qui a beaucoup écrit sur des siècles de papes, a suggéré que François puisse créer un jour une commission d’experts laïcs et clercs pour créer de nouvelles normes pour les futurs papes qui décident de démissionner.
« Les normes doivent notamment comprendre comment et quand l’ancien pape communiquera avec le monde extérieur, y compris une déclaration de ce qui devrait être évident : en tant qu’ancien pape, ses paroles et ses actions n’ont aucune autorité supérieure à celle d’un évêque en communion avec le pape régnant », a déclaré Bellitto, professeur d’histoire à l’Université Kean dans le New Jersey.
« Un ancien pape ne doit pas publier sous un titre qu’il ne détient plus », a expliqué l’historien. « Ce titre et ce nom donnent à ses écrits une autorité à laquelle il ne peut prétendre. Pour rester poli, ce titre est inexact. »
Natalia Imperatori-Lee, théologienne au Manhattan College, a déclaré que la saga autour du livre sur le célibat « montre que les cardinaux eux-mêmes doivent encore apprendre à travailler avec le bureau du » pape émérite ».
« Peut-être le prochain conclave pourra-t-il fixer des restrictions et des normes pour ce rôle », a-t-elle suggéré.
Notes :
[1] http://www.ansa.it/sito/notizie/topnews/2020/01/14/gaenswein-via-firma-ratzinger-da-libro_1a57aa51-6789-463f-a5b1-30d16e8febd3.html [2] https://www.lanacion.com.ar/el-mundo/benedicto-xvi-nego-haber-escrito-libro-cardenal-nid2323626Source : https://www.ncronline.org/news/vatican/benedict-removes-name-celibacy-book-after-dispute-over-his-involvement?clickSource=email
Traduction : Lucienne Gouguenheim
Contactées par La Croix, les éditions Fayard, indiquaient mardi après-midi avoir eu « des contacts » avec le cardinal Sarah mais que « pour l’instant, le livre sortira tel quel demain ».
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