Par Elise Ann Allen
Un missionnaire chevronné estime que la sécularisation occidentale représente un danger plus grand que la persécution physique, car la foi chrétienne se développe rapidement dans les régions où les chrétiens sont persécutés, alors qu’elle décline dans l’Occident traditionnellement chrétien.

S’adressant aux journalistes le 7 septembre, lors d’une table ronde sur l’activité missionnaire catholique dans le contexte de la pandémie de coronavirus, le père uruguayen Martin Lasarte, missionnaire salésien de longue date en Afrique, a déclaré que chaque étape de l’action missionnaire de l’Église avait « ses beautés et ses défis ».
Pour Lasarte, le plus grand défi à cette tâche dans les temps modernes est « la croissance du sécularisme occidental, qui tue la foi ».
« Le plus grand danger auquel nous sommes confrontés… est la société sécularisée sans dimension de transcendance », a-t-il dit, ajoutant que si c’est en Occident que la sécularisation est la plus problématique actuellement, elle va bientôt « aller partout » grâce à la mondialisation, tendance dont il estime qu’elle doit susciter une « très importante réflexion missionnaire ».
Prenant des exemples en Europe, Lasarte a fait remarquer qu’à une époque, en Pologne, l’ordre salésien attirait environ 50 à 60 hommes par an au séminaire, alors qu’aujourd’hui le nombre est plus proche de quatre ou cinq.
L’Amérique latine a également été frappée par une vague de « sécularisation impressionnante », a-t-il dit, ajoutant qu’il existe un large « fossé religieux » qui est de plus en plus comblé par les églises évangéliques.
En ce sens, l’Église catholique « n’a pas été une mère ni un professeur », mais un administrateur, a-t-il dit, ajoutant qu’une fois que l’Église perd le charisme de l’enseignement, de la mission et de la diffusion de la foi, « elle perd son identité ».
La piété populaire donnerait selon lui une opportunité majeure pour l’Église en Amérique latine de retrouver son zèle évangélisateur perdu, alors qu’en Europe l’espoir vient en grande partie des missionnaires d’Afrique ou d’Asie qui apportent à la foi une fraîcheur qui a été perdue sur le Vieux Continent.
Diplômé en Écriture sainte, Lasarte est missionnaire en Afrique depuis 25 ans et a été délégué du pape au Synode des évêques sur l’Amazonie. Ces cinq dernières années, il a fait partie de l’équipe mondiale d’animation missionnaire de la Congrégation des Salésiens, et il se prépare actuellement à retourner en Angola, bien que ses frontières soient encore fermées à cause du COVID-19.
En ce qui concerne l’activité missionnaire, Lasarte a souligné le problème de la persécution anti-chrétienne, notant qu’environ 250.000 personnes dans le monde sont persécutées pour leur foi. Citant le pape François, il a déclaré qu’il y a plus de martyrs aujourd’hui qu’il n’y en avait dans les premiers siècles du christianisme, qualifiant le phénomène de « nouvel œcuménisme, un œcuménisme du martyre », car les chrétiens sont souvent massacrés sans distinction.
Il a mis en garde contre la conception croissante en Inde d’un hindouisme nationaliste, qui conduit à une plus grande discrimination à l’égard des chrétiens et autres minorités ; il a également cité la Chine comme exemple de pays où la situation des chrétiens devient plus précaire.
En Chine, non seulement les chrétiens ont été persécutés pour leur foi, a déclaré Lasarte, mais le problème plus large est que le communisme a conduit à la centralisation du pouvoir et à « la soumission absolue à l’autorité politique ».
« Un chrétien ne peut pas faire passer le gouvernement en premier », a-t-il dit, ajoutant que lorsque l’Association patriotique catholique chinoise dit aux fidèles que le parti vient en premier, et ensuite leur foi, « je dois la remettre en question », ajoutant que d’après ce qu’il a entendu des gens sur le terrain, « la Chine exerce un contrôle croissant sur son peuple ».
Il a également souligné que la sécularisation est un problème en Chine, en disant que le phénomène de l’urbanisation dans le pays conduit à égarer de nombreuses familles, car il y a moins de points de référence dans les grandes villes où elles peuvent pratiquer leur foi.
Notant que le Vatican est actuellement sur le point de renouveler un accord provisoire de deux ans avec la Chine sur la nomination des évêques, Lasarte a déclaré qu’il fallait examiner attentivement cette tentative de séduction, car lorsque le mot « dialogue » est mentionné, il pourrait avoir pour les Chinois une interprétation différente, qui reste à comprendre.
Lasarte a déclaré finalement qu’il est « un ami de la Chine, parce que le christianisme s’y développe ». Bien que le protestantisme se développe actuellement plus rapidement que le catholicisme en Chine, cela reste positif, a-t-il dit, parce que « le christianisme met beaucoup plus l’accent sur les droits de l’homme (et) la dignité de la personne ».
Lasarte a souligné l’ironie de la situation où c’est précisément dans ces pays où règnent des régimes communistes ou d’autres régimes autoritaires, y compris le Laos, que l’Église catholique « se renforce ».
« La vie chrétienne, la présence de l’Église, se développent beaucoup en Afrique et en Asie, en Asie de l’Est et du Sud », ainsi que dans quelques petits pays d’Océanie, a-t-il dit, notant qu’au cours des dix dernières années, les salésiens ont envoyé environ 150 missionnaires au Vietnam – où réside le cardinal Francis-Xavier Nguyễn Văn Thuận, qui a passé 13 ans dans un camp de rééducation après la prise de contrôle de Saigon par les communistes.
« Au Vietnam, qui est communiste, l’Église a une énorme vitalité », a déclaré Lasarte, qui l’a qualifiée de « très vivante, très missionnaire ».
Les chrétiens au Vietnam sont une minorité « avec une forte identité qui imprime sa marque sur une société pluraliste », a-t-il dit, notant que le christianisme se développe aussi rapidement dans d’autres pays où ils sont une petite minorité, comme le Népal et le Bangladesh.
Il a comparé cela aux craintes souvent exprimées en Occident que bientôt l’Europe, de culture traditionnellement chrétienne, soit dominée par les musulmans, « non pas à cause des conversions, mais à cause des naissances », car les migrants musulmans ont tendance à avoir plus d’enfants que les ressortissants européens.
Le paradoxe ici, dit-il, est qu’il y a une croissance du christianisme dans les pays traditionnellement islamiques et une croissance de l’Islam dans les pays d’ancienne tradition chrétienne.
Il a cependant insisté sur le fait que les problèmes des chrétiens en Occident ne sont pas dans ces chiffres, mais que « le plus dangereux c’est que lorsque les chrétiens meurent, ils le font à cause d’une maladie (appelée) sécularisation », ce qui est une menace qui ne vient pas de l’extérieur, mais de l’intérieur.
Lasarte a précisé que si le fait d’avoir un état laïque en soi n’est pas dangereux, et peut même être une bonne chose, le risque vient de « cet accent presque combatif envers l’Église ».
En Europe, « une ré-évangélisation est nécessaire », a-t-il déclaré, notant que dans la société mondialisée d’aujourd’hui, « il n’y a pas de frontières à l’activité missionnaire ».
Il a plaidé en faveur de la « vision plus large » qui découle d’une perspective multiculturelle, insistant sur le fait que « lorsque vous avez une communauté chrétienne et missionnaire, c’est-à-dire multiculturelle, vous avez une communauté qui est plus riche ».
« L’Europe continuera à avoir besoin de plus de missionnaires, ce à quoi nous continuerons à répondre », a-t-il dit, et il a mis en garde contre le fait de tomber dans la « maladie de l’autoréférence qui peut mettre en danger l’Évangile », la qualifiant de « condamnation à mort ».
Source : https://cruxnow.com/vatican/2020/09/longtime-missionary-says-secularism-is-greatest-threat-to-christians/
Traduction : Lucienne Gouguenheim