Par Lucienne Gouguenheim.
La fidélité créatrice à l’Évangile balise le cheminement de Jacques Musset. Dans un premier ouvrage majeur, « Être chrétien dans la modernité » (éd. Golias, 2012), qui a marqué nombre d’entre nous, il se livrait à une réinterprétation de notre héritage chrétien, que nécessite sa crédibilité même dans notre monde contemporain. Puis, dans une approche du mystère de Dieu, « Repenser Dieu dans un monde sécularisé » (Karthala, 2015), il dessinait les grandes lignes d’une démarche ancrée dans la recherche de nos contemporains du sens de leur vie.

Ce nouveau livre est centré sur la personne de Jésus, dépoussiérée des images et doctrines qui ont fait de lui un personnage hors sol, Dieu « déguisé en humain ». Le titre « Jésus a fait sa part, faisons la nôtre ! » lui en a été soufflé par Bernard Feillet qui en fit sa réponse à la question posée à propos d’une question d’actualité dont la solution n’avait rien d’évident, « Si Jésus vivait de nos jours, que dirait-il, que ferait-il ? » La question sous-jacente et fondamentale qui ouvre ainsi l’ouvrage peut se résumer en « comment vivre en disciple de jésus dans un monde qui n’est plus le sien ? »
Le livre se compose de 7 parties qui peuvent aussi se lire séparément, et dans le désordre, au gré de l’intérêt et de la sollicitation qu’elles suscitent pour chacun.
Dans une première partie, « J’ai essayé de faire ma part », l’auteur explicite d’où il parle, à partir du chemin de sa vie.
La deuxième partie s’interroge sur la fidélité au témoignage de Jésus face à l’évolution des connaissances et d’un monde qui ne sont plus les siens, le contre-exemple d’une fidélité créatrice ratée étant la crise du modernisme.
On entre alors dans le cœur du travail et du chemin à parcourir : retour à Jésus de Nazareth, au-delà des doctrines élaborées sur lui (partie 3). Les 16 petites pages de « La vraie vie selon Jésus » sont celles par lesquelles je suis entrée dans l’ouvrage, et auxquelles je reviens, qui alimentent ma méditation.
La quatrième partie « Actualiser le christianisme évangélique de notre temps » fait une grande place à deux auteurs majeurs, John Shelby Spong « témoin de l’inculturation du christianisme » et Joseph Moingt « artisan actuel de cette inculturation », qui prennent au sérieux dans le même mouvement la lecture contextualisée de la Bible et des Évangiles et la conception moderne du monde et de l’homme, intégrant les découvertes scientifiques de tous ordres. Elle nous ouvre sur l’exigence de se réapproprier l’héritage de Jésus, qui ne relève pas des seuls théologiens, mais interpelle chacun de nous, individu ou en groupe (partie 5). Les trois premiers chapitres en sont le cœur : « Éloge de la prise de risque », « Plaidoyer pour l’intelligence » et « L’exigence de liberté intérieure pour résister à l’inacceptable ». Ce sont, je pense, les questions les plus fondamentales qui se posent à nous aujourd’hui. J’y retrouve autant mes interrogations et réflexions personnelles que celles échangées au sein de l’association NSAE.
La sixième partie nous invite aux « points d’application », dont plusieurs sont ébauchés et l’ouvrage se termine par un « envoi » dont nous retiendrons cette forte conclusion : La fécondité du témoignage chrétien n’appartient pas au témoin. Elle n’a d’ailleurs pas forcément une apparence chrétienne. Si elle se manifeste seulement par le goût et le souci de vivre vrai, elle aura aussi atteint son but. Le Jésus de l’évangile de Jean ne résume-t-il pas ainsi sa mission : « Je suis venu pour que les hommes aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10) ?
Si la fécondité du témoignage chrétien se manifeste seulement par le goût et le souci de vivre vrai, cette fécondité aura aussi atteint son but, autrement dit, cette fécondité sera contagieuse.