Qu’est-ce qui doit mourir dans le christianisme, aujourd’hui ?
Une grande partie de la forme de christianisme que les Européens ont longtemps considérée comme acquise est en train d’expirer irrévocablement. Les théologiens et les pasteurs de l’Église d’aujourd’hui ont besoin du courage de saint Paul, qui a permis au christianisme primitif d’entrer dans le contexte nouveau et plus large de la civilisation hellénique et romaine, en déclarant dépassée ou même nuisible une grande partie de ce que les chrétiens de l’époque, y compris les principales autorités parmi les Apôtres, considéraient comme des caractéristiques essentielles de leur identité religieuse, en particulier la circoncision et d’autres règles de la loi de Moïse.
Pendant plusieurs siècles, le christianisme a pris la forme d’une religion – religio dans le sens d’une force intégrant la société. En ce sens, le substantif religio est dérivé du verbe re-ligare, « réunir ». À l’époque moderne, à l’ère de la fragmentation du monde, la foi chrétienne a perdu cette « fonction religieuse », le christianisme et la religion étant considérés comme une « vision du monde » parmi d’autres. Je pense que la forme future du christianisme sera la religion au sens de re-legere, « relire ». Nous devons relire attentivement et de manière critique les deux « sources de la foi », la Bible et la tradition.
Je suis convaincu que la forme traditionnelle de l’Église et de son rôle pastoral, le réseau de paroisses territoriales, est en train de devenir une chose du passé. Je crois que les centres de la foi (les diverses communautés chrétiennes, les paroisses, les communautés religieuses, les mouvements ecclésiaux, etc.) doivent devenir des « écoles de sagesse chrétienne », des lieux de rencontre pour les « nouvelles lectures », la méditation commune, l’écoute et le partage des expériences de foi.
Je suis convaincu que le ministère de l’accompagnement spirituel, qui a une dimension à la fois pédagogique et thérapeutique (au sens le plus large), sera une forme cardinale du travail de l’Église à l’avenir. Il sera probablement plus nécessaire que les deux activités dans lesquelles l’Église s’est engagée jusqu’à présent, à savoir le ministère paroissial et l’activité missionnaire au sens classique du mot. Le ministère de l’accompagnement spirituel s’adresse à tous et pas seulement aux croyants. Cela s’applique aujourd’hui au ministère des aumôniers dans les hôpitaux, les prisons, l’armée et l’enseignement. Je suis convaincu que cela doit s’appliquer dans un avenir proche au ministère de l’Église en tant que telle. Si l’Église doit être une Église et non une secte repliée sur elle-même, elle doit subir un changement radical dans la perception qu’elle a d’elle-même et de son ministère auprès de Dieu dans ce monde.
Extrait d’un entretien de Mgr Tomáš Halík avec François Euvé (Revue Études, janvier 2022, p. 79-80)