Les Réfugiés Palestiniens
Par Marilyn Pacouret.
Lorsque nous abordons la question Israël-Palestine, très souvent, nous occultons la question des réfugiés palestiniens.
Qui sont-ils ? Où vivent-ils et quel est leur véritable statut ?
Quand la question a-t-elle émergé ? Et surtout quel est leur sort aujourd’hui ?
Voici les quelques questions auxquelles nous allons tenter de répondre aujourd’hui.
Que dit l’UNRWA (United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in the Near East), l’office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens dans le Proche-Orient ?
“Ce sont des personnes dont le lieu de résidence normal était la Palestine durant la période allant du 1er juin 1946 au 15 mai 1948 et qui ont perdu leur maison et leur moyen de subsistance en raison du conflit de 1948, ainsi que leurs descendants”.
Le conflit cité ici est celui que les Palestiniens appellent la Nakba, « la catastrophe ». Mais des déplacements forcés ont eu lieu également lors de la guerre de 1967, après qu’Israël ait annexé d’autres territoires palestiniens. Ce terme de Nakba est d’ailleurs interdit dans les manuels scolaires israéliens et depuis 2011, une loi autorise le ministère des finances israélien à refuser des subventions aux ONG commémorant cette journée.
En effet, en 1947, un plan de partage de la Palestine est voté à l’ONU, c’est la résolution 181. Cette résolution prévoit deux États, l’un israélien, l’autre arabe, sur la Palestine mandataire. Ce plan a été refusé dans un premier temps par les pays arabes et les forces palestiniennes en présence.
Le 14 mai 1948 est proclamé de manière unilatérale la création de l’État Juif de Palestine qui prendra le nom d’Israël.
Dans le même temps, durant la période de 1947 à 1949, entre 700 000 et 900 000 Palestiniens sont expulsés sous la contrainte et par la force, leurs maisons, leurs villages détruits par l’armée israélienne et les milices sionistes telles que la Haganah et l’Irgoun (responsable du massacre des habitants du village de Deir Yassine), ou Palmah. Au total ce sont plus de 500 villages palestiniens qui sont saccagés, détruits et dont il ne reste que des ruines pour certains, quand ils ne sont pas recouverts par de nouvelles villes israéliennes ou des centres urbains.
Ces réfugiés, 70 % de la population palestinienne, sont « accueillis » en Cisjordanie même, à Gaza, en Jordanie, au Liban, en Syrie ou ailleurs.
L’ONU vote sa résolution 194, accordant le droit de retour à ces réfugiés : « Il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent le retour dans leur foyer le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins ou recevoir des compensations en échange ».
Alors que cette résolution a été acceptée par Israël en 1949, depuis lors, les gouvernements israéliens successifs ont toujours refusé leur retour. Aujourd’hui encore leur droit de retourner sur leur terre, dans leur foyer, leur est dénié par l’État d’Israël.
Mais le droit au retour, au-delà du principe qui doit être réaffirmé, est devenu compliqué à appliquer et son sens doit être redéfini. Il comporte plusieurs éléments distincts : l’interdiction pour ces réfugiés de circuler en Israël sur leur terre d’origine ; de retrouver leur logement d’origine, mais cela a-t-il encore un sens quand on sait que des villages ont été rasés et que l’urbanisation a modifié beaucoup de choses ? Le dédommagement de la spoliation, c’est ce qui risque d’arriver si de réelles négociations ont lieu. Mais cela pose aussi la question de savoir qui sont exactement les réfugiés. S’agit-il seulement des anciens habitants de 1948 ? Beaucoup sont sans doute décédés aujourd’hui. S’agit-il de tous leurs descendants ?
C’est toujours l’UNRWA qui administre les camps de réfugiés palestiniens. Avec des subventions qui sont en baisse, notamment de la part des États-Unis. On se souvient des décisions prises par le gouvernement Trump de lui couper les vivres en 2018. Il privait ainsi l’organisme de 360 millions de dollars de financement.
Mais le Royaume-Uni a réduit de moitié son financement ainsi que les Émirats Arabes Unis (qui rappelons-le ont signé des accords de normalisation avec Israël) et qui sont passés d’une enveloppe de 200 millions à 20 millions de dollars. L’Union Européenne a quant à elle signé un contrat de 90 millions d’euros. Le manque de moyens octroyés à l’UNRWA met en péril la survie de populations déjà marginalisées et abandonnées sans droits identiques aux populations des pays qui les hébergent.
En novembre dernier, l’UNRWA, par l’intermédiaire de son commissaire général, indiquait être proche de « l’effondrement », malgré le retour de la participation américaine. Elle souffre d’un déficit de 100 millions de dollars.
On peut s’étonner de l’importance de l’aide financière à accorder aux réfugiés dans les camps. Cela tient à leur statut qui les empêche d’avoir un travail normal, de développer des entreprises qui les feraient tendre vers l’autonomie financière.
Quelques chiffres de 2020
Les réfugiés sont plus de 5 millions et demi à être enregistrés par les agences de l’ONU :
- 2 300 000 en Jordanie
- 1 500 000 à Gaza
- 850 000 en Cisjordanie
- 560 000 en Syrie (chiffres instables en raison du contexte syrien)
- 470 000 au Liban
Mais hors des comptes de l’UNRWA il y a aussi :
- Plus de 1 million de réfugiés de 1948 non enregistrés
- Sans oublier le 1,1 million de réfugiés de la guerre de 1967
- Plus toutes celles et ceux, des centaines de milliers, déplacés de territoire en territoire suite à l’occupation en 1967, occupation qui perdure aujourd’hui plus que jamais
Au total 32,8 % des Palestiniens se trouvent dans des camps de réfugiés organisés par l’UNRWA.
Les camps de réfugiés, 58 au total dans tout le Moyen-Orient
- 19 en Cisjordanie dont Balata (17 700 habitants) près de Naplouse, Dheisheh (15 000) et Aïda près de Bethléem
- 8 dans la bande de Gaza dont Rafah (125 000 habitants) et Jabalia (presque 114 000)
- 12 au Liban
- 10 en Jordanie
- 9 en Syrie
Selon les pays où ils vivent, leur statut varie, mais surtout ils vivent de manière très précaire, la plupart sont sous le seuil de pauvreté.
Les réfugiés en Syrie ont plus de droits que ceux du Liban, qui y sont considérés comme des étrangers résidents temporaires. Mais ils vivent dans un contexte de guerre qui les force à un nouvel exil vers les pays voisins. Les réfugiés palestiniens qui ont fui la guerre de Syrie se sont vu refuser l’entrée en Jordanie, par exemple.
Ils vivent privés des droits humains fondamentaux, droit au travail, à la nationalité, à la propriété et à l’éducation. Sauf en Jordanie, où les réfugiés peuvent prendre la nationalité jordanienne. L’éducation n’est dispensée que par des professeurs rétribués par l’UNRWA, dans les écoles situées à l’intérieur même des camps.
Les réfugiés ont toujours chevillé au corps l’espoir d’un retour dans leur foyer, et gardent sur eux la clef de leur maison. Cette clef est le symbole de tous les réfugiés palestiniens qui attendant le retour sur leur terre, la terre de leurs ancêtres.
Cette tragédie humaine, ce nettoyage ethnique comme l’a nommé Ilan Pappé, historien israélien, touche aujourd’hui plus de 5 millions et demi de personnes. C’est pourquoi il est temps d’y mettre fin et de reconnaître l’urgence d’appliquer la résolution 194 de l’ONU leur accordant le droit au retour.
Malheureusement, depuis plus de 70 ans, ce déni de justice prive les réfugiés palestiniens de leurs droits humains, et la question du « droit au retour » est absente de de bien hypothétiques négociations de paix…
Paix dont la perspective semble s’éloigner alors que, comme l’indique la résolution numéro 194, l’objectif est pour eux de « regagner leurs foyers le plus tôt possible et vivre en paix avec leurs voisins ».
Le retour des réfugiés serait-il constitutif de cette paix tant désirée ?