Banque mondiale, une histoire critique
Des clés pour répondre à une série de questions concernant cette institution mondiale.
La Banque mondiale cherche-t-elle à combattre la pauvreté dans le monde ? Quel est le bilan de son action qui s’étend sur plus de sept décennies ? Qui dirige la Banque mondiale et comment fonctionne celle-ci ? Quels sont ses rapports avec les grandes puissances et en particulier avec les États-Unis ? Quelles relations entretient-elle avec d’autres grandes institutions internationales comme l’ONU, le FMI, l’OMC ? Pourquoi les politiques qu’elle recommande ne garantissent pas aux populations la satisfaction de leurs besoins fondamentaux et de leurs droits ? Pourquoi la Banque mondiale soutient-elle des régimes dictatoriaux ? Pourquoi intervient-elle pour déstabiliser ou aider à renverser des gouvernements qui cherchent une voie originale ? Pourquoi affirme-t-elle qu’une montée des inégalités est nécessaire au développement ? Pourquoi affirme-t-elle que les pays du Sud doivent s’endetter pour se développer ? A-t-elle une responsabilité dans l’éclatement des crises de la dette des pays en développement ? Quel est l’impact de son action sur la sécurité alimentaire, sur l’environnement, sur la santé publique, sur les femmes, sur ceux et celles qui vivent de leur travail ?
Ce livre adopte une démarche chronologique pour analyser la Banque mondiale des origines à 2021.
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Attention, ce livre est important !
Préface de l’édition brésilienne, par Michael Lowy
Attention, ce livre est important ! L’auteur, Eric Toussaint, fondateur du Comité pour l’abolition de la dette illégitime (également connu sous le nom de Comité pour l’abolition de la dette du tiers monde – CADTM), enquête sur les activités de la Banque mondiale (BM) depuis sa création. Son travail est donc le fruit d’années de recherche, et se base principalement sur 15 000 pages de documents produits par la BM elle-même. Ce travail est scientifique, concret, précis, amplement documenté, et inspiré par un point de vue critique, clairement anticapitaliste. Au fil de ses pages, Éric Toussaint démasque les mensonges de la BM, et démystifie cette sinistre et puissante institution, en démontrant, preuves à l’appui, que son action est au service d’un seul objectif : la maximisation des profits des grandes entreprises capitalistes, en particulier des États-Unis. En dernière analyse, la BM est un instrument de domination mondiale de l’impérialisme américain, qui a nommé, depuis ses origines, tous les principaux dirigeants de l’institution.
La BM est un instrument de domination mondiale de l’impérialisme américain
L’un des aspects les plus tristement célèbres de la longue histoire de la BM est son soutien systématique à toutes les dictatures, des fascistes Franco et Salazar au général Al Sissi d’Égypte, en passant par la junte militaire brésilienne, Pinochet, Mobutu et tant d’autres. Par contre, elle a suspendu toute aide au Chili d’Allende, ou au Nicaragua du Front sandiniste dans les années 1980.
En utilisant le mécanisme de la dette, la BM impose notamment aux pays du Sud les mesures néolibérales classiques du consensus de Washington qui aggravent et approfondissent les inégalités sociales : privatisations, coupes budgétaires dans les services publics, réduction des impôts pour l’oligarchie, etc. C’est une stratégie franchement nécropolitique, responsable, entre autres, de la mort de 2,5 millions d’enfants par an, à l’échelle mondiale, du fait de la malnutrition.
Il s’agit également d’une politique écocide, qui subventionne massivement les combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz), contribuant ainsi directement au changement climatique catastrophique. Lawrence Summers, économiste en chef de la Banque mondiale, a déclaré en 1991 que tenter d’imposer des limites à la croissance en raison des limites naturelles est une « erreur », ou plutôt une « stupidité », « purement démagogique ». Ces dernières années, le discours de la Banque mondiale est devenu beaucoup plus « vert », mais la pratique consistant à soutenir les intérêts fossiles du capital a continué comme avant.
La Banque mondiale est l’une de ces idoles de la mort qui exigent des sacrifices humains
Les théologiens latino-américains de la libération ont caractérisé ce type de politique comme une forme de religion perverse : l’idolâtrie du marché, du capital, de la dette extérieure, du profit. La Banque mondiale est l’une de ces idoles de la mort qui exigent des sacrifices humains, comme Baal dans l’Antiquité. Ou comme Mammon, l’idole de l’argent, la plus proche en esprit de la Banque mondiale… Marx a également utilisé des images similaires : dans son discours inaugural de la Première Internationale en octobre 1864, il a comparé le Capital à l’idole antique Moloch, qui exigeait des sacrifices d’enfants. Et dans le premier volume du Capital, il compare le travail des enfants dans les usines d’Angleterre au culte de la divinité hindoue Juggernaut : les victimes du sacrifice étaient jetées sous les roues gigantesques et lourdes qui portaient l’idole.
Peu de gouvernements du Sud, même de gauche, ont tenté de résister à la Banque mondiale : ce fut le cas, pendant une courte période, de l’Équateur de Rafael Correa, ainsi que du Venezuela d’Hugo Chaves, qui a essayé de créer la Banque du Sud. La plupart des gouvernements du Sud sont au service des classes dirigeantes locales, qui s’alignent sur les préceptes du consensus de Washington.
La Banque mondiale, comme le FMI, ne sont pas réformables. De nouvelles institutions sont nécessaires, inspirées par une logique internationaliste, en rupture avec le capitalisme. Éric Toussaint est un socialiste révolutionnaire, mais il indique des mesures immédiates, qui pourraient être prises dès maintenant : un audit de la dette, conduisant à l’annulation de sa partie illégitime ; un impôt de crise sur les plus riches ; la réduction radicale de la journée de travail, pour mettre fin au chômage ; l’augmentation des dépenses de santé et d’éducation ; la socialisation des banques, des entreprises pharmaceutiques et du secteur énergétique.
Des livres comme celui d’Éric Toussaint sont indispensables : ils constituent des armes précieuses pour combattre l’idéologie dominante, des outils précieux pour comprendre et transformer le monde.