La Pentecôte !
Par Michel Deheunynck
Actes 2, 1-11
Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble. Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie. Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Alors ils furent tous remplis de l’Esprit Saint : ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de l’Esprit.
Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel. Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d’eux les entendait parler sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ? Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d’Asie, de la Phrygie, de la Pamphylie, de l’Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici, Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »
Nous sommes donc venus ce matin fêter notre anniversaire en Église. Pour cela, nous avons osé sortir, sortir un peu de nos fatigues, de nos rancunes, de nos craintes, de nos anxiétés, de tout ce qui peut ronger notre vie. Mais, dans le récit que l’on vient de lire, à Jérusalem, on n’en était pas là… Les gens avaient pris l’habitude de ne pas trop sortir, de ne pas trop se montrer dehors et plutôt de rester entre eux. Ils préféraient ne pas se parler pour ne pas avoir d’histoires, ne pas se mélanger avec les autres, parce que… on ne sait jamais… On réglait soi-même ses petits problèmes ou on les supportait sans rien dire, pour ne pas prendre de risques. Et, s’il survenait un événement, on rentrait chez soi et on attendait que ça se passe. Voilà où on en était à Jérusalem peu de temps après la mort et la résurrection de Jésus. Et dans notre monde d’aujourd’hui, c’est encore un peu trop souvent comme ça…
Mais, ce jour-là, le matin de la Pentecôte, ce n’est pas un jour comme les autres… Qu’est-ce qui se passe ? Voilà qu’il y a du monde partout ! Et on ne s’en était pas rendu compte. Oui, il y avait les autres à côté de chez nous et on ne les voyait pas… des gens de toute sorte, certains à l’allure plutôt étrange, d’autres qui ont l’air un peu plus comme nous… Et voilà qu’on a envie de bouger, de se parler, de se connaître, comme nous, ce matin quand on est venu jusqu’ici.
Et puis, ce jour-là, à Jérusalem, au milieu de toute cette foule, il y a des voix qui s’élèvent, qui annoncent sûrement quelque chose d’important, des mots qui se bousculent dans les bouches, un peu comme ici et comme dans bien d’autres circonstances de la vie quand certains ont plein de choses à dire, mais ont un peu de mal à bien faire entendre ce qu’ils ont à dire…
Mais, on arrive quand même à comprendre que… Jésus est vivant ! Qu’il y a des témoins et que… nous aussi, on est vivants. Mais, c’est vrai ça ! On n’y pensait plus. On était là à mener notre petite existence au jour le jour, les uns à côté des autres. Mais la vie, on avait un peu oublié… On avait oublié qu’on pouvait se voir, se connaître, se parler, se comprendre, faire des choses ensemble.
Et si c’était cela, le message de la Pentecôte !
Alors, le passage de Jésus par la mort, et nous tous nos passages par nos difficultés pour ne pas être isolé, pour sortir de ce qui nous fait un peu peur. Nos passages par nos efforts de chaque jour, parfois même contre nous-mêmes. Tout cela ne serait donc pas pour échapper à un mauvais rêve à oublier, mais une source de vie nouvelle qui nous fait dire que la vie, elle peut jaillir là où la mort semblait la plus forte. Le voilà donc ce grand message de Pentecôte à partager entre nous, même si on n’a pas tous la même langue, la même sensibilité, la même culture, la même religion. Oui, Jésus est vivant et nous aussi, nous sommes vivants !
En lisant ce récit, on aurait presque envie d’applaudir : bravo, encore ! Cet Esprit de Pentecôte vient nous réveiller, nous secouer, nous rassembler, par-delà nos différences. Par l’Esprit Saint, nous ne sommes pas seulement des hommes et des femmes de bonne volonté, nous sommes choisis pour mettre en œuvre le plan de Dieu, son projet d’Amour pour tous. Et nous sommes mandatés pour révéler cet Esprit de Dieu dans la vie, à travers toutes les évolutions, toutes les conversions, toutes les mutations auxquelles Il nous appelle dans notre monde qui s’essouffle, pour y faire advenir une humanité nouvelle, ressuscitée.
Quant à cette Église que nous sommes, ne craignons pas qu’elle meure. Craignons surtout qu’elle vieillisse. Ne cherchons pas à la réanimer, à la faire survivre, mais à la faire naître et grandir. Ne nous crispons pas sur notre passé, mais entrons ensemble dans la nouveauté de l’histoire. Avec Jésus et son Esprit, faisons le pari d’une vie nouvelle. Et ainsi 2000 ans après, cette fête de Pentecôte sera vraiment notre fête à tous. Alors, bravo et bonne fête !
Source : La périphérie : un boulevard pour l’évangile, p.241