Avec les jeunes d’Afrique qui cherchent à partir en Europe par la mer, les apports de missionnaires spiritains au Sénégal
Chrétiens de la Méditerranée publie ici un point de vue qui est peu présenté, celui des candidats à l’émigration des pays de l’Afrique subsaharienne. Transmis par Armel Duteil, missionnaire spiritain résidant à Dakar, dans sa newsletter du 26 septembre 2022, il évoque un projet de prise en charge sur place des jeunes migrants, à Saint-Louis du Sénégal. Il rapporte des entretiens avec des jeunes voulant émigrer et répercute l’appel urgent d’un religieux spiritain en mission dans le Nord de la Mauritanie. C’est un lieu de transit pour de nombreux jeunes Africains voulant émigrer ou refoulés des pays riverains de la Méditerranée.
En tant que spiritains, religieux missionnaires, nous sommes très attentifs aux problèmes des jeunes et nous nous sentons très concernés par les jeunes qui cherchent à partir en Europe par la mer, avec toutes les morts et les drames que cela amène.
Nous avons déjà une équipe au nord de la Mauritanie à Nouadhibou qui accueille ceux qui sont recueillis ou arrêtés en mer, et ceux qui sont expulsés d’Europe et d’Afrique du Nord. C’est un travail très important, car nous ne nous limitons pas à l’accueil, nous cherchons à guérir leurs traumatismes, à leur assurer une formation pour gagner leur vie et à retourner dans leur pays pour ceux qui le désirent.
Mais nous voudrions agir aussi sur les causes de l’émigration et intervenir sur les points de départ des migrants, dont Saint-Louis du Sénégal fait partie. C’est pourquoi nous avons prévu une visite prospective avec le confrère responsable de l’équipe de Nouadhibou, pour voir les actions qu’il serait possible de mener à Saint-Louis et préparer la mise en place d’une nouvelle communauté de spiritains.
Notre premier objectif sera de parler avec les familles. Car ce sont souvent les parents qui poussent leurs enfants à partir comme clandestins par le désert ou par la mer en leur disant : « Regarde tes amis, ils sont partis. Maintenant, ils envoient de l’argent à leur famille. Ils ont même construit une maison ». Et ce sont les parents qui se mettent ensemble pour trouver l’argent pour payer les passeurs.
Nous contacterons aussi les jeunes pour les encourager à rester travailler sur place, à aimer leur pays et à s’en sentir responsables. En particulier en rencontrant les communautés de quartier et les associations de jeunesse.
Nous contacterons aussi les services officiels (départements des ministères chargés de la santé, de la condition des femmes, de la jeunesse, des affaires sociales, de l’Action Éducative en Milieu Ouvert, du développement, etc.), les ONG et autres organisations et personnes engagées présentes à Saint-Louis qu’il serait utile de rencontrer pour notre projet.
_________________
Le pape François parle « d’un avenir qui commence aujourd’hui » et qui « commence avec nous ». Nous ne pouvons pas laisser la responsabilité des décisions aux générations suivantes. (…) Les jeunes doivent être les protagonistes d’un nouveau départ », affirme-t-il dans son message en vue de la 108e Journée mondiale du Migrant et du Réfugié, le 25 novembre 2022. Dans sa vidéo, le pape demande : « Quelles décisions doivent être prises tout de suite, maintenant » pour construire dès aujourd’hui un avenir meilleur pour tous ?
Les jeunes répondent qu’il faut « comprendre que la route n’est pas facile et que bâtir la confiance peut prendre du temps ». Selon eux, il est important de « sensibiliser les gens à la signification de l’inclusion sociale, à l’importance de la non-discrimination », les « sensibiliser à des thèmes importants tels que la défense des droits de l’homme, la protection de l’environnement et l’harmonie entre les différentes cultures ».
Une jeune raconte : « La traite des êtres humains m’a enlevé mes amis d’enfance, dit-elle. Cela m’a enlevé le bonheur. On pourrait vraiment diffuser de bonnes informations et atteindre les personnes dans le besoin ». « Si nous sauvons ne serait-ce qu’une vie de la traite, cela en vaut la peine. »
« Les jeunes adultes et les jeunes devraient être des protagonistes d’aujourd’hui, les leaders du changement pour l’avenir ».
L’appel du Frère Martin NDiaye
L’article premier de la Déclaration universelle des droits de l’homme stipule que « chacun peut se prévaloir de tous les droits et toutes les libertés proclamées dans la présente Déclaration ». Et le Concile Vatican II réaffirme : « Il n’existe pas d’inégalité dans le Christ et dans l’Église en raison de la race, de la condition sociale ou du sexe » (Lumen Gentium n° 32).
Or, que constatons-nous ? Le droit à la mobilité, au voyage régulier, est accordé à certains, mais pas à d’autres.
– Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, au nom du respect du droit à la vie et de la dignité humaine, arrêtez les voyages suicidaires vers l’Europe à bord de pirogues.
– Croyez en vous et à votre pays. Lors de sa visite au Sénégal, le Pape Jean Paul 2 déclarait que « l’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a ».
– Parents et proches, que le souci de subvenir aux besoins matériels de la famille ne vous fasse plus pousser les jeunes vers des voyages périlleux.
– Gouvernants, face à ce phénomène de la migration irrégulière, prenez vos responsabilités, dans tous les domaines de la bonne gouvernance, pour trouver des solutions satisfaisantes qui respectent la dignité humaine.
Chers gouvernants, vous mériterez le nom de « veilleurs sur l’indépendance », si seulement vous signez des accords de coopération « gagnant-gagnant », visant le développement intégral des fils du pays à vous confié par mandat. Pour solutionner ce qui est irrégulier, il suffit de le rendre régulier, dans le respect de l’être humain. Combien de demandes de visa, par les jeunes, sont rejetées au niveau des ambassades ? Ces jeunes ont-ils moins de dignité que les Occidentaux qui remplissent nos plages ?
Illustration : Fabien Mandl / SOS Méditerranée