Pourquoi je trouve inquiétantes les idées du pape François sur les femmes prêtres
Par Virginia Saldanha.
Virginia Saldanha est une théologienne féministe basée à Mumbai qui a dirigé les départements des femmes au sein des Églises asiatique et indienne
Récemment, le magazine jésuite « America Magazine » a interviewé le Pape François sur divers sujets d’actualité, dont la question de savoir ce qu’il dirait aux femmes qui servent déjà dans l’Église, mais qui ressentent aussi fortement l’appel à devenir prêtre dans l’Église catholique.
Le pape François renforce le binaire des genres en évoquant le principe pétrinien, selon lequel Jésus a choisi Pierre comme chef de l’Église et 12 apôtres masculins parce que Jésus, notre grand prêtre, était un homme. Le pape François suggère que les femmes n’ont pas leur place dans le principe pétrinien. D’autre part, le principe marial est un miroir de l’Église en tant que femme et épouse du Christ. Il suggère donc que les femmes doivent se contenter d’être le miroir de l’Église qui représente l’épouse féminine du Christ – quelle explication alambiquée pour faire comprendre aux femmes que nous sommes une partie importante de l’Église catholique dominée par les hommes.
En tant que femme, je ne sais pas si je dois rire ou pleurer à la suggestion du pape François concernant la position des femmes dans l’Église. Comment une institution qui est dirigée uniquement par des hommes peut-elle être « femme » ? Comment une telle institution peut-elle être l’« épouse » du Christ ?
Je me demande si cette idée théologique de l’Église en tant que femme et épouse du Christ et des prêtres masculins en tant que représentants du Christ ne serait pas à l’origine des abus sexuels commis par le clergé à l’encontre des femmes ?
Le pape François suggère que la place des femmes dans l’Église est un problème théologique qui doit être résolu en élaborant une théologie des femmes. Lorsque le pape François dit « Nous devons élaborer une théologie sur les femmes », veut-il dire que les dirigeants masculins doivent élaborer une théologie des femmes ? Je voudrais rappeler au Pape François qu’il existe de nombreuses et excellentes théologiennes qui ont déjà parlé de la position des femmes dans l’Église.
La réitération par le pape François des principes pétriniens et mariaux indique qu’en tant que chef de l’Église, il n’a pas pris la peine de lire les écrits des théologiennes féministes de ces 50 dernières années. Les féministes spécialistes des Écritures ont souligné que Jésus n’a jamais ordonné aucun prêtre. Lors du dernier repas, les hommes et les femmes étaient présents lorsqu’il a dit « Faites ceci en mémoire de moi ». Dans les Écritures, les femmes disciples étaient les plus fidèles disciples de Jésus. Il a même choisi une femme pour porter au monde la bonne nouvelle de sa résurrection. Jésus ne voudrait-il pas que des femmes soient à la tête de l’Église ?
La troisième explication donnée par le pape est ce qu’il appelle l’explication « administrative ». Il fait remarquer que dans l’Église, il y a le rôle ministériel et ecclésial qui est réservé aux hommes. Ensuite, il y a le rôle administratif qui a été jusqu’à présent dominé par les hommes, mais le pape François a récemment commencé à l’ouvrir à la participation des femmes. Il concède que « nous devons donner plus d’espace aux femmes ».
Si les femmes apprécient les mesures prises par le pape François pour réformer l’Église et la Curie romaine, sa réponse sur l’ordination des femmes a dérangé beaucoup de femmes et d’hommes à la pensée progressiste, surtout lorsqu’il parle de problème théologique. Il est pertinent de noter que la théologie que le pape François a citée a été articulée par des hommes dans une perspective masculine. Les femmes ne sont entrées dans le domaine de la théologie qu’après le Concile Vatican II. Depuis lors, les femmes ont étudié les Écritures et les ont interprétées à travers une lentille féminine, ce qui a apporté des perspectives nouvelles et originales que les hommes n’auraient jamais pu voir. Mais d’une manière ou d’une autre, l’Église n’a pas reconnu ces perspectives ni écouté ce que les femmes avaient à dire. Les voix des femmes continuent d’être écartées sur la base d’une théologie qui n’a pas été actualisée pour inclure la pensée des femmes sur Dieu et la façon dont Dieu parle aux femmes dans le contexte de leur vie.
La raison pour laquelle les femmes ont besoin d’une place à la « table » est que ce n’est que par le biais du ministère ordonné que l’on peut prendre des décisions qui concernent tout le monde dans l’Église. La voix des femmes n’a pas été entendue à la table des décisions de l’Église. Le prochain synode sur la synodalité a pour but d’écouter la voix de tous. Les femmes de l’Église ont été les participantes les plus enthousiastes aux discussions synodales à la base, mais leur voix n’a pas été entendue, car les dirigeants masculins de l’Église choisissent qui sera entendu.
Personne ne peut nier que les femmes sont les participantes les plus actives au niveau paroissial et pastoral de l’Église. Pourtant, les femmes continuent d’être tenues à l’écart, comme les « esclaves » proverbiaux de l’Église. Pourtant, ce que les femmes du monde entier demandent, ce sont des rôles ministériels actifs, mais elles sont abruties par les discours théologiques des hommes.
Le pape François a demandé à tous de participer aux sessions d’écoute, mais d’une manière ou d’une autre, les évêques ne choisissent que ceux avec lesquels ils se sentent à l’aise, tandis que d’autres ne sont tout simplement jamais écoutés. Le pape François peut-il trouver un moyen d’écouter les voix des groupes qui sont restés à la périphérie ? Si le pape veut vraiment encourager une culture de la « rencontre » et de l’« écoute » dans l’Église, il convoquera des femmes, non seulement des religieuses, mais aussi des laïques, et les écoutera. Aujourd’hui, les moyens de communication modernes peuvent facilement faciliter cela. Que l’Esprit de Sophia continue à travailler et à inspirer l’Église vers la plénitude.
Source : https://mattersindia.com/2022/12/why-i-find-pope-francis-ideas-on-women-priests-disturbing/