Gilles Castelnau.
Les protestants aiment et respectent Marie comme tous les personnages bibliques qui sont des témoins, des modèles, des exemples, de vie avec Dieu, collaborateurs au grand dessein de création par Dieu d’un monde plus humain, tissé de foi, d’espérance et d’amour : Abraham, Moïse, David… dans l’Ancien Testament ; dans le Nouveau Testament, je mentionne aussi entre autres : Pierre, Paul, Joseph, Jean…
– Nous aimons rappeler la parole de Marie : « Je suis la servante du Seigneur », même si le mot de servante, qui désigne aussi une esclave, est un mot de l’époque, terme un peu dérangeant : en certaines périodes, et parfois même aujourd’hui, le droit des femmes a été scandaleusement réduit à cause d’expressions de ce genre les réduisant précisément au rôle de « servantes ». Mais il faut toujours replacer les mots dans leur contexte historique : le mot « esclave » qui est ici employé désigne celui ou celle qui entre dans la pensée et la volonté de son seigneur, dont il fait partie de la maison, de la famille. Marie se situe ainsi dans la maison de Dieu et elle fera ce que dit Dieu. En effet, elle a enseigné à Jésus, après l’avoir mis au monde, à marcher sur les serpents, comme Dieu le veut.
Nous nous rappelons aussi la souffrance de Marie au pied de la croix, la fugue de Jésus au temple à 12 ans, lorsque Marie lui dit : « pourquoi nous as-tu fait cela ? ton père et moi nous te cherchons avec angoisse », Luc 2. 48.
Nous citons aussi les textes des évangélistes Matthieu et Luc rapportant la conception virginale de Jésus désignant ainsi qu’il vient de Dieu par son père comme de l’humanité par sa mère.
– Les protestants ne disent pas « sainte Marie », car nous avons une notion de la sainteté qui fait que nous n’appelons personne « saint ». Tous les amis de Dieu sont saints. Marie et les autres enfants de Dieu sont, comme disait Paul : « sauvée par grâce, par le moyen de la foi, ce n’est pas par les œuvres afin que personne ne soit glorifié », Éphésiens 2. 8.
Cette phrase de Paul décrit la situation de tout homme et de toute femme. Marie est bienheureuse, d’être, comme nous le sommes tous pour notre bonheur, sauvée par grâce, par le moyen de la foi ; ce n’est pas par ses œuvres (ni nous par les nôtres) afin que personne ne soit glorifié.
Nous ne pensons donc pas qu’aucun personnage biblique ni aucun personnage de l’Église ni de ce monde soit plus aimé, accepté, pardonné, glorifié qu’un autre. Tous les hommes (et toutes les femmes, sans exception), sont également dans la paix et l’amour de Dieu. Également pécheurs et pardonnés, c’est notre grande conviction protestante.
– Les saints. La tradition protestante consiste à enseigner, depuis le plus jeune âge, à prier Dieu directement, sans orgueil et sans crainte ; nous ne prions pas par l’intermédiaire des saints, car nous pensons trouver dans la Bible que tous les hommes ont accès direct à Dieu qui est pour tous un Père céleste aimant et accueillant auprès duquel on n’a jamais besoin de faire intervenir quiconque. Dieu n’attend pas d’interventions pour aimer les gens.
D’ailleurs nous pensons que la glorieuse liberté des enfants de Dieu doit être celle de tous les hommes ; nous enseignons que le dynamisme créateur de Dieu et la grâce qu’il propose à tous doivent nous faire tenir tous droits sur nos pieds. Il faut résister à la grande tentation d’une attitude de demande perpétuelle et de recherche d’intercession et d’intervention. Les protestants sont des tutoyeurs de Dieu.
– Il faut dire également que les protestants ont toujours eu l’habitude de tout ramener à la pensée biblique de telle sorte que nous avons une façon différente de considérer la position de la femme et de la sexualité. Nous ne trouvons rien dans la Bible qui valorise la virginité et pour nous la pureté n’est pas là.
Notre conception de la femme nous empêche d’approuver les représentations de Marie qui la présentent de manière asexuée et peu habillée pour le travail.
– Il faudra parler une autre fois des deux grands dogmes mariaux que sont l’Immaculée Conception de Marie, promulguée en 1854, qui affirme que Marie elle-même a été conçue immaculée, née sans péché. Ce dogme nous donne l’impression que puisque Jésus est vraiment du monde de Dieu par Dieu son Père et vraiment du monde des hommes par sa mère Marie, toute tentative d’élever Marie au-dessus du monde humain nous fait perdre un peu de l’humanité de Jésus, ce qui fait, ensuite, rechercher des intermédiaires, comme Marie ou les saints, pour accéder à un Christ devenu hors d’atteinte.
L’autre dogme est celui de l’Assomption de Marie, promulgué en 1950, qui affirme sa glorification dans le ciel. J’en dirai la même chose que de l’Immaculée Conception.

Ce que la Bible dit de Marie me semble bien présenté par ce tableau du Caravage, qui était d’ailleurs un peintre catholique, La Vierge au serpent de 1605, qui est à la villa Borghese à Rome. Il représente Marie en train d’apprendre à l’enfant Jésus, petit garçon de 5 ou 6 ans, à marcher sur un horrible serpent. Ce serpent symbolise évidemment toutes les puissances du mal qui menacent les hommes, avec une force redoutable, mortelle. Ces forces du mal contre lesquelles Jésus s’est dressé pendant tout son ministère et qu’il nous enseigne à vaincre, par la puissance de l’Esprit divin : Je vous ai donné le pouvoir de marcher sur les serpents et toute la puissance de l’ennemi Luc 10. 19.
http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-libres-opinions/gl380.htm
http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-libres-opinions/gl32.htm