QUELLE EST NOTRE ESPÉRANCE ?
Bruno Mori.
« La perplexité, le désarroi et la lassitude peuvent bien décrire la situation morale du monde d’aujourd’hui, en particulier de nombreuses personnes qui quittent la vision théocentrique et préscientifique du monde prémoderne et ne se retrouvent pas dans un monde aussi chaotique, inégal et instable. Il y a une pénurie de référents et une surabondance d’idoles…
Nous sommes à la recherche de nouvelles histoires et inspirations, de motifs et de raisons d’espérer face à cette grande déconstruction de la vision prémoderne du monde. Les religions ne savent pas quoi proposer et un désir croissant de prendre soin de la planète et de la vie commence à émerger dans de nombreux endroits. Il nous faut retrouver la confiance et la passion du bien, d’une vie digne et heureuse, et pour cela nous avons besoin d’esquisses, de tentatives et de raisons d’espérer… »
Ce sont ces propos qui ont motivé les considérations personnelles de cet article. Elles voudraient apporter une contribution à la réflexion et aux questionnements de ces croyants qui, ayant dû abandonner le théisme, se sentent aujourd’hui dépourvus des orientations et des certitudes (religieuses, spirituelles et éthiques) dont ils ont cependant besoin pour pouvoir continuer à donner un sens à leur existence et nourrir leur espérance de « vie éternelle ».
1 -Notre instinct de vie – Notre peur de la mort –
Les humains n’ont pas toujours existé ni sur la terre ni dans le ciel. Ils sont des organismes vivants relativement récents produits par et sur une planète du système solaire. Ils auraient pu ne pas exister et cela n’aurait rien changé au fonctionnement de l’Univers. Dans l’abstrait et en ligne de principe, nous, les humains, nous semblons donc des créatures insignifiantes et sans importance. Cependant, voilà que nous existons ! Et si nous sommes là, cela signifie qu’un beau jour, la Nature a jugé qu’elle avait besoin de nous et de nos services pour mieux fonctionner, car autrement elle n’aurait pas pris la peine de nous mettre dans l’existence.
C’est donc parce que la Nature a besoin de nous et qu’elle veut nous garder le plus longtemps possible actifs, fonctionnels et efficaces à son service, qu’elle nous a dotés d’un instinct inné de survie, à savoir, de réactions inconscientes et presque automatiques (le « conatus » de Spinoza) qui nous poussent à protéger et à défendre notre vie, par tous les moyens à notre disposition, afin de pouvoir la garder le plus longtemps possible. Cette pulsion de vie est tellement forte, ancrée, persistante et puissante en nous, qu’elle semble être même arrivée à influencer et à coloniser autant nos pensées que nos réactions et nos attitudes psychosomatiques et spirituelles face au caractère inexorable de notre fin physiologique. C’est fondamentalement cet instinct de vie et de survie qui est la cause principale de notre peur viscérale de la mort et qui semble aussi conditionner la lucidité de notre raison en la rendant incapable de se résigner au fait de notre mort.
Or, si en tant qu’humains, nous sommes naturellement et foncièrement structurés pour lutter contre la mort, pour refuser de l’accepter et pour être incapables d’envisager sereinement son inévitabilité, cela ne pourrait-il pas alors signifier que, finalement, nous sommes faits et nous existons pour vivre et non pas pour mourir ? Se pourrait-il que par cet instinct irrépressible de vie placé en nous par la Nature, celle-ci veuille nous dire que nous avons raison de ne pas nous résigner à la fatalité de notre mort physiologique et ainsi, par là, nous faire comprendre que nous nous trompons lorsque nous considérons notre mort comme le point final normal du livre de notre existence, ou comme l’annihilation définitive de notre identité personnelle ? N’est-ce pas aussi conatus ou pulsion de vie qui est à l’origine de tous nos élans, nos efforts, nos désirs et nos aspirations de réussite, de bonheur et d’accomplissement personnel ?
Je pense qu’instinctivement les humains ont compris ce message. C’est pour cela qu’ils utilisent leur pulsion et leur désir implacable de vie pour activer toutes les dynamiques dont ils disposent (psychologiques, intellectuelles, imaginatives, religieuses et spirituelles) afin de réussir à repérer, dans le rempart apparemment infranchissable de leur mort physiologique, la brèche à travers laquelle la puissance vitale de leur être pourra s’échapper pour atteindre le Pays de l’éternité. Je pense que c’est donc cette pulsion qui nous empêche d’imaginer et d’accepter que la réalité profonde de notre être puisse un jour être effacée et disparaitre à tout jamais de la Réalité globale des existants.
Ainsi, le fait que les humains soient des créatures conscientes de l’inévitabilité de leur mort corporelle et, en même temps, des êtres dotés de cet instinct inconscient de vie et de survie, les transforme en des individus qui cherchent par tous les moyens à réinterpréter leur mort, soit pour lui ôter son aspect d’événement sinistre et irréparable, soit pour lui conférer une connotation plus sereine de normalité et, surtout, un potentiel de vie qui pointe vers l’éternité.
2 – Comment la peur de la mort a été apprivoisée dans le passé
Alors que dans la Nature tout être se transforme, se consume, vieillit, meurt, se décompose et que sa forme disparait aspirée dans le Tout de la matière cosmique, les humains, de leur côté, tourmentés par la peur de leur mort et endoctrinés par les religions, se sont convaincus que la Nature ne les soumet pas aux mêmes lois, aux mêmes conditions et aux mêmes dynamismes que les autres créatures vivantes, mais qu’elle leur réserve un traitement de faveur et un destin exceptionnel, en leur offrant une forme individuelle de vie qui durera pour une éternité .
C’est donc pour sortir de l’impasse de la fatalité inévitable de la mort et pour s’ouvrir un chemin de survie qu’en désespoir de cause, les hommes du passé ont fait appel à leur imagination pour inventer des possibilités de vie après la mort qui se réaliseraient dans des mondes fantastiques et surnaturels habités par des divinités toutes-puissantes qui assureraient aux humains une éternité de vie et de bonheur en échange de leurs prestations et conformément à leurs mérites.
Avec le temps, cependant, autant les religions que les humains ont oublié que ces havres de vie éternelle et de paradis surnaturels habités par les dieux n’étaient que des rêveries et des constructions imaginaires de créatures apeurées, et ils ont fini par se convaincre qu’ils étaient réellement existants. Ce sont ces convictions qui, le long des siècles, ont formaté et programmé la vie et le comportement de tous les croyants jusqu’à nos jours.
L’arrivée de la modernité, toutefois, semble avoir eu un effet salutaire sur un grand nombre de ces croyants, en les aidant à retrouver leur mémoire et à cesser ainsi de croire et de se complaire en des contes et en des fables qui désormais n’étaient plus de leur âge.
Maintenant, beaucoup de ces anciens croyants sont finalement arrivés à comprendre qu’ils ont mieux à faire dans la vie que de se laisser captiver par des rêves et des fantasmes de vie éternelle en compagnie des dieux. Leur nouvelle culture, leurs nouvelles connaissances et une intelligence plus éclairée les ont conduits à mieux observer et à mieux se rendre compte de ce qui se passe dans la Nature à laquelle ils appartiennent au même titre et aux mêmes conditions que toutes les autres créatures vivantes. Cela a eu comme conséquence de pousser un grand nombre de ces individus à se confronter courageusement et lucidement avec la réalité de tout ce qui se passe au sein de la Nature et les conduit enfin à accepter sereinement pour eux-mêmes ce que celle-ci réserve, sans aucune exception, à toutes les autres créatures. Je traiterai plus spécifiquement de cette question un peu plus loin dans cet écrit.
3 – La mort existe-t-elle vraiment dans la Nature ?
Dans la Nature, la destruction, la fin, la transformation de toute entité ou de toute structure vivante ou pas, se passe toujours sans histoires, sans drames et sans regret, étant donné qu’il s’agit d’événements normaux, naturels et dans l’ordre des choses, comme leur naissance. Car c’est ainsi que la Réalité fonctionne ! Dans notre Univers, c’est grâce à la désagrégation d’une chose que quelque chose d’autre peut commencer, émerger, la diversité surgir, la complexité se former, la beauté apparaître, des nouveaux systèmes s’établir et ainsi l’évolution de la Réalité cosmique s’accomplir. Le monde dans lequel nous vivons est ainsi constitué : une vie finit toujours par produire sa mort et une mort est toujours, d’une façon ou d’une autre, une source et un principe d’être et de vie.
Si cela est vrai, et s’il est également vrai que la Nature est extrêmement juste et équitable, qu’elle n’a aucune préférence, qu’elle n’admet aucune dérogation à ses lois et à son comportement et qu’elle traite toute chose de la même façon et selon les mêmes principes, on doit alors logiquement conclure que cela est vrai aussi pour les êtres humains.
De sorte qu’aujourd’hui nous nous rendons compte que, finalement, les religions nous ont menti. Depuis toujours, en effet, elles nous ont fait croire que nous étions des êtres « à part », « spéciaux », « uniques », avec un destin différent des autres créatures. Dans la Nature cependant n’existent pas des êtres qui sont « plus êtres » que les autres ou qui sont plus spéciaux, plus importants, plus valables et plus efficaces que les autres. Et cela pour la simple raison que dans notre Réalité tout être est nécessaire à l’existence, au déploiement, à l’harmonie, à la réussite et à la perfection du Tout.
Si ces considérations sont fondées, on pourrait alors s’autoriser à affirmer que la peur instinctive que nous ressentons face à notre mort est peut-être sans fondement, étant donné que dans la Nature rien ne meurt vraiment, mais que tout est transformé.
Cela semble être confirmé aussi par les conclusions des sciences modernes, de la physique quantique et de l’astrophysique, qui concordent pour dire que dans notre Réalité, la mort, comprise comme disparition ou effacement total et définitif d’entités existantes, est un concept qui n’a pas de sens.
De fait, dans l’Univers rien ne disparait dans le néant, mais tout est, pour ainsi dire, « recyclé » ; tout devient début et principe de nouveaux surgissements d’êtres ; tout est transformé en éléments, en briques, en composantes qui entreront dans la composition de nouvelles substances et dans la construction de nouveaux mondes et de nouvelles réalités. Pensons, par exemple, à la mort fulgurante d’une supernova qui, ensemençant les espaces galactiques de ses débris, est à l’origine d’un nombre incalculable d’autres corps célestes frétillants peut-être de vie. Si cela est vrai, nous devons en conclure que, finalement, dans l’Univers, rien n’existe pour rien et que tout être a sa raison d’exister, car autrement il n’existerait pas. De sorte que l’on peut affirmer que chaque entité existante possède une valeur unique du seul fait d’exister.
D’où la nécessité et l’importance que chaque être humain, dès son entrée dans l’existence, puisse vivre pleinement selon sa nature et fonctionner au meilleur de ses capacités, afin d’atteindre la perfection de son être et donc de son efficacité. C’est cette perfection qui lui donnera son sens, qui fera son bonheur et qui lui permettra de se réaliser et d’atteindre le but pour lequel il possède l’existence. Cela signifie que, dans l’agencement global de la Réalité, non seulement tout être est important, mais qu’il est aussi indispensable à l’évolution, au perfectionnement, à la beauté et à l’harmonie du Tout. La Nature, en effet, est très pratique, elle ne badine pas, elle ne perd pas son temps et ses énergies à mettre dans l’existence des êtres qui ne servent à rien.
Dans le monde moderne de la postmodernité et du post-théisme, cette intelligence et cette conception de notre place et de notre fonction dans la Réalité devraient constituer une bonne nouvelle pour tous ces anciens croyants théistes qui, ayant été obligés d’abandonner leurs anciennes certitudes religieuses d’un accomplissement final et éternel de leur existence dans le beau paradis de Dieu en compagnie des anges et des saints, se sentent maintenant égarés, sans repères, sans attentes, sans espérance .
Cela devrait être aussi une bonne nouvelle pour tous ces humains qui se demandent pourquoi ils existent, que faire de leur vie, à quoi sert leur présence en ce monde et qui se trouvent dépourvus d’attentes véritables et privés d’un futur ouvert à l’espérance. Il s’agit souvent d’individus de grande valeur humaine, mais en proie à un profond sentiment de perte, d’égarement, d’abandon et de solitude qu’ils ne réussissent ni à dépasser ni à remplacer par une autre conception plus satisfaisante et plus rassurante de la Réalité où ils pourraient trouver une nouvelle place et un nouveau sens à leur vie.
Ces bons croyants se laissent alors facilement envahir par la dépression, le découragement et la tristesse ; souvent aussi, par le ressentiment envers la religion et envers eux-mêmes parce qu’ils ont l’impression d’avoir été trompés, d’avoir été naïfs et stupides et d’avoir perdu le temps précieux de leur vie à croire les curés et leurs grotesques histoires. D’autres anciens croyants penseront avoir maintenant une existence nulle et inutile s’il n’y plus aucun « bon Dieu » là-haut à qui parler, en qui se confier, qui les aime, qui les attend et qui, au terme d’une vie de bons services et de constante fidélité, récompensera leurs « mérites » par le cadeau d’une vie éternelle.
Alors, quoi de plus extraordinaire et de plus rassurant pour ces individus que de découvrir que chacun d’eux, de nous, est essentiel autant au bon fonctionnement du Tout de l’Univers, qu’au bien-être de toutes ces parties ? Quoi de plus stimulant pour vivre heureux sur terre, que de savoir que la qualité de notre existence, la force de notre élan vital, l’activation de nos compétences, la mise en œuvre de nos virtualités, constituent des contributions voulues et prévues par la Nature et dont celle-ci a besoin pour faire progresser le tissage de la toile cosmique de notre la Réalité ?
À la limite, que chaque « élément » ou que chaque entité qui compose la Réalité se garde dans l’existence d’une façon permanente ou d’une façon provisoire n’a finalement pas en soi une grande importance, si son temps de vie a été une féconde nécessité qui a apporté son génial coup de pinceau au tableau de l’Univers qui en résultera ainsi embelli pour l’éternité.
4 – Est-il possible d’envisager une espérance de vie au-delà de notre mort ?
Est-il possible de dépasser la peur de la mort et d’en faire un principe de vie ?
-Il est aisé de comprendre qu’après avoir été endoctrinés et alimentés à la pensée mythique pendant des millénaires, il est maintenant extrêmement difficile aux humains de se départir de l’image mythique d’une divinité personnelle et rétributive qui leur offre une vie bienheureuse dans l’éternité. Je suis cependant d’avis qu’il est beaucoup plus honorable de notre part et plus conforme aussi à notre dignité humaine, dans un domaine aussi important que celui du sens et du sort de notre existence, de faire confiance à notre raison, plutôt que d’essayer (comme on fait les religions et les humains du passé) de le déchiffrer le Mystère qui pulse au cœur de la Réalité à l’aide de notre fantaisie et du recours à notre ingénuité.
Aujourd’hui la qualité de notre intelligence, de notre instruction et de notre sagesse devrait suffire pour nous conduire à accepter la Réalité comme elle est et non pas comme nous souhaiterions qu’elle soit, car la Nature est infiniment plus sage et plus intelligente que nous. La lucidité de notre intelligence devrait également nous faire comprendre que le Mystère qui imprègne l’Univers n’est pas tant dû à son incompréhensibilité, mais à la petitesse de notre esprit incapable d’en embrasser toutes les potentialités et les finalités.
Pour renforcer davantage notre compréhension du sens et de la valeur de notre existence humaine, ainsi que de la nécessité de notre présence au sein de la Réalité, serait-il insensé d’émettre l’hypothèse que, même si dans l’Univers nous ne sommes probablement pas les seules créatures intelligentes et conscientes, nous sommes cependant et sans aucun doute, des phénomènes spéciaux et des émergences singulières d’esprit, de raison, de conscience, de sensibilité et d’amour voulues et développées expressément par la Nature pour que, en nous et à travers de nous, le Mystère qui l’habite puisse prendre conscience de lui-même, réussir à se voir, s’admirer, s’extasier, se dire, s’adorer, s’aimer dans l’infinie variété et complexité des éléments qui composent son époustouflante grandeur et la fascinante beauté de sa Réalité ? De sorte que nous, les humains, nous serions les instruments à travers lesquels le Mystère Ultime de l’Univers manifeste et exprime la conscience qu’il a de lui-même.
Pouvons-nous aspirer à plus ? Pouvons-nous désirer être plus que cela ? Serons-nous capables de trouver une meilleure finalité à notre présence en ce monde que celle d’être un petit coin d’Univers où son Mystère profond se réverbère, se reconnait, se dépose ; où il sublime et il synthétise le meilleur de ses forces d’intelligence, d’attraction et d’amour par lesquelles il soutient, il structure et il relie ensemble toutes les composantes de sa Réalité ?
De plus, je pense que la réalisation de notre désir et de notre espoir de vie durable commence déjà maintenant par la réalisation de la qualité et de la plénitude de sens que nous sommes capables de conférer autant à la nature de notre existence qu’à celle de notre monde. Une chose pour moi est certaine : la qualité de notre mort sera à l’image de la qualité de notre vie. J’aime penser que la qualité ou la non-qualité de la personne que nous serons au moment de notre mort resteront inchangées pour l’éternité.
J’aime penser que ce sera le paradis ou l’enfer que nous aurons bâti et dans lequel nous aurons vécu au cours de notre existence corporelle, qui déterminera la qualité des énergies (positives ? négatives ?) que nous dégagerons lorsque, après la désintégration de structure organique et moléculaire de la matière de notre corps, nos atomes réintégreront le Mystère du Tout Cosmique qui depuis toujours les contenait
J’aime donc penser que ce que notre identité personnelle sera et produira dans l’au-delà de notre mort sera à l’image de ce que nous avons été et de ce que nous avons accompli au temps de notre passage dans le monde de la temporalité. De sorte que si, en ce monde, nous avons été des personnes ouvertes aux autres ; si nous avons vécu une vie donnée et consacrée à dispenser gentillesse, amour et bonté ; si nous avons contribué à créer plus de fraternité, de justice, de bonheur et à faire de notre société humaine et de notre planète un meilleur endroit pour vivre… nous aurons déjà réussi à nous situer dans les coordonnées du but à atteindre et pour lequel la Nature nous a mis dans l’existence. Je pense que ce sera dans les traces de ces coordonnées qu’après notre mort nous continuerons à être et à fonctionner dans le Mystère de notre nouvelle réalité. Nous aurons alors réussi à transformer notre présence dans le temps en un chef-d’œuvre de vie qui a déjà une saveur et une valeur d’éternité.
5 – Une mort qui ne fait plus peur ?
Dans la Nature les notions de bien et de mal, de bonté et de méchanceté, de vertu et de vice, de grâce et de péché, de châtiment et de rétribution, de moralité et d’immoralité, de juste et injuste, de mort et de vie… ne font aucun sens. Ces concepts ont été principalement élaborés par les humains pour leur usage « interne » : d’un côté, pour se donner des normes et des règles de conduite qui devaient rendre possible leur vie en société ; de l’autre, pour identifier et nommer les causes de leurs joies et de leurs tristesses.
La Nature ou l’Univers fonctionnent selon des dynamiques et des lois qui leur sont propres et qui sont celles de la nécessité et qui donc échappent totalement aux catégories éthiques ou morales propres aux comportements humains basés sur une difficile liberté qui cependant et bien souvent ne sait se manifester que sous la forme de ses principaux avatars qui s’appellent la conformité, le mimétisme, la dépendance, le devoir, l’obéissance, l’obligation, la rétribution et le châtiment.
Dans la Nature, non seulement tout arrive « naturellement », mais tout arrive aussi « nécessairement ». Dans l’Univers, la vie, les naissances, les accomplissements, les surgissements de nouvelles entités, les apparitions de singularités et de nouvelles réalités… entremêlées et accompagnées de morts, de malheurs, de cataclysmes, d’apocalypses et fins de mondes, sont non seulement à l’ordre du jour, mais aussi de l’ordre de la nécessité et ils n’admettent ni aucun jugement de valeur ni aucune qualification morale.
Dans une telle Réalité, quoi de plus naturel alors qu’une durée de vie limitée dans le temps, entrainant un jour la mort physiologique des créatures vivantes ? Est-ce un drame, une catastrophe, un mal ? Est-ce la faute d’un destin cruel et d’une « marâtre Nature puisqu’une telle fleure ne dure que du matin jusqu’au soir » ? Est-ce le châtiment d’une divinité offensée par nos péchés ? Rien de tout cela ! Notre mort n’est que la manifestation d’un phénomène naturel et fondamental au bon fonctionnement et au perfectionnement global des dynamismes qui gardent dans l’existence la Réalité de notre Univers.
C’est avec ces connaissances et ces considérations à l’esprit que les post-théistes cherchent aujourd’hui non seulement à se libérer de la peur de la mort et de ses possibles et fâcheuses conséquences, causées principalement par les croyances religieuses, mais aussi à l’apprivoiser et à lui ôter le venin de la punition de Dieu à cause de nos péchés.
Ils souhaiteraient surtout réussir à remplir la mort de vie, d’un nouveau sens, d’une nouvelle valeur, de nouveaux contenus et de nouvelles finalités, afin que les croyants n’aient plus à regretter, après leur mort sur terre, la perte au ciel du beau paradis de Dieu et à garder toujours bien vivante la flamme de leur espérance.
Postface
Quelques brèves considérations personnelles sur la nature de la matière et de l’esprit
C’est un fait que, depuis toujours, les humains « palabrent » constamment de matière et d’esprit, sans savoir de quoi ils parlent, et donc sans avoir la moindre idée de la nature de la réalité qui se cache sous ces termes. Exactement comme lorsqu’ils parlent de Dieu.
Aujourd’hui encore, malgré toutes nos connaissances et nos avancées scientifiques, tout ce que nous pouvons dire se réduit à l’affirmation que ce que nous indiquons par matière et esprit correspond peut-être à deux modalités ou deux formes distinctes (je ne dis pas différentes !) de l’être et qui conjointement constituent toute la Réalité de ce qui existe et dont l’une (la matière) est concrète, perceptible, mesurable par nos sens et nos instruments et l’autre non.
Cependant nous ne savons rien non plus de la nature des relations qui existent entre ces deux aspects de la réalité. Existent-ils nécessairement ensemble et unis ? Peuvent-ils exister séparés ? Est-ce l’esprit qui est à l’origine de la matière, ou est-ce la matière qui est à l’origine de l’esprit ? Y a-t-il de l’esprit dans la matière, ou est-ce la matière un état de l’esprit ?
Se pourrait-il qu’il n’y ait, au fond, aucune différence de « substance » ou d’« essence » entre la matière et l’esprit, mais seulement une différence dans la forme de leurs manifestations, de sorte que l’esprit n’est au fond qu’une « sublimation » de la matière et que la matière, dans ses composantes ultimes, élémentaires et quantiques, n’est qu’une forme de « condensation » physique de l’ensemble des énergies, des dynamiques et des virtualités constitutives de la nature de l’esprit ?
Se pourrait-il que ce que nous appelons « esprit » ne soit autre chose que l’ensemble des principes, des lois naturelles, des dynamiques avec lesquels s’entrelacent, communiquent et sont en relation les énergies de fond qui structurent la complexité de la matière et qui forment la grandeur et la beauté de notre Univers ?
S’il est vrai que dans notre Univers il n’y a pas d’esprit sans matière et de matière sans esprit ; s’il est vrai que tout ce qui existe est matière spiritualisée (la « sainte matière » de Teilhard de Chardin) et esprit matérialisé ; s’il est vrai que c’est proprement cette relation de réciprocité entre matière et esprit qui est à l’origine de leur spécificité, ne serait-il pas possible alors de penser que, finalement, notre mort n’est qu’un phénomène naturel de dissolution qui concerne uniquement la seule matière de notre corps, mais qui n’affecte pas la singularité de l’esprit qui la constitue ? Ne serait-il pas possible d’émettre également l’hypothèse qu’après notre mort, l’esprit qui constituait la matière de notre corps gardera toujours son existence et continuera à être actif, opérant et structurant pour d’autres êtres et dans d’autres dimensions de la Réalité ?
Conclusion
Je pense que notre espérance et notre chance de vie au-delà de notre mort, dépendra uniquement de la qualité et de la force de l’esprit de bonté, d’abnégation, de don de nous-mêmes et d’amour responsable, gratuit et désintéressé par lequel, au cours de notre existence, nous aurons qualifié et animé toutes nos relations. En effet, comment pouvons-nous espérer naviguer un jour avec confiance dans l’océan de l’éternité si, au temps de notre vie terrestre, nous n’avons même pas appris à patauger convenablement dans la mare de notre temporalité ?
Source : Texte élaboré à l’occasion de : la IV Consulta Abierta sobre Nuevos Paradigmas : “Qué sostiene hoy nuestra esperanza o motivaciones?” – 27 mayo 2023 http://brunomori39.blogspot.com/