Joli coup du théologien Piero Coda pour la réforme de la théologie
Andrea Grillo.
Dans une longue interview accordée à L’Osservatore Romano [1], le théologien Piero Coda, ancien président de l’Association Théologique Italienne et secrétaire de la Commission théologique internationale, a présenté plusieurs aperçus sur les principaux défis auxquels la théologie catholique contemporaine est confrontée. Je voudrais reprendre quelques-uns des nombreux points, qui sont particulièrement importants en vue du débat ecclésial lors des deux prochaines assemblées du Synode des évêques.
a) La centralité de la question anthropologique
Une première déclaration générale du Père Coda sonne comme un jugement inquiet : « Une limite de la théologie contemporaine est souvent un manque d’audace et de vigueur théorique. » La pensée théologique s’enracine dans le novum de l’événement christologique, et pour cela elle doit avoir la parresia (parlé juste et vrai) et le courage du témoignage convaincu et persuasif de la vérité toujours plus grande. L’attachement à des vues préconçues et à des préjugés empêche une approche sincère et véridique des questions. Cela concerne notamment la vision anthropologique : « L’anthropologie théologique telle qu’on se la représente souvent – je n’ai pas peur de le dire – est largement à rejeter : non pas dans sa substance, certes, mais dans l’interprétation qu’on en donne. Car elle est abstraite et idéaliste. Elle présente une vision exculturée du monde et de l’homme. Elle a besoin d’être ravivée, repensée et reproposée : dans la fidélité, certes, à l’inspiration et à la tradition évangéliques, mais précisément en vertu de cette capacité à devenir passionnante et à s’inscrire dans l’histoire. C’est dire ce qu’il y a de pérenne et d’impérissable dans la manière dont il est appelé à prendre corps aujourd’hui. Jésus ne promet-il pas : “L’Esprit vous guidera dans la vérité tout entière (Jn 16,13) ?” » Coda « n’a pas peur » d’affirmer que l’anthropologie théologique que nous proposons est souvent un discours ancien, injuste, unilatéral, à mettre aux archives Le travail de reconstruction d’une anthropologie fidèle au parcours de l’homme dans l’histoire par rapport à Dieu est une tâche urgente, qui ne peut se faire avec des soupes réchauffées ou des constructions autoréférentielles.
b) Une vision du masculin et du féminin en retard
Dans le contexte d’une reconsidération plus générale du rapport entre liberté et grâce, qui engage la théologie à une confrontation ouverte avec la découverte de la dignité de l’homme en tant qu’image et ressemblance de Dieu dans la conscience et dans l’histoire, une nécessaire reconsidération du masculin et du féminin en tant que « formes » et « genres » de l’humain émerge avec force. « La sociologie induit également une remise en question de certains axiomes que nous considérions comme immuables et qui interfèrent avec la doctrine éthique enseignée par l’Église. »
c) La tâche du magistère
Ce renouveau théologique implique nécessairement aussi le magistère, qui doit être remis à sa « troisième » place : « Il faut rappeler que Dei Verbum au n° 8 place le magistère au troisième rang des facteurs qui dynamisent ce cheminement du Peuple de Dieu que nous vivons aujourd’hui avec bonheur comme un cheminement synodal : le premier est l’étude de la Parole de Dieu, c’est-à-dire son intelligence dans la foi et dans la pratique de l’agapè ; le deuxième est l’expérience de la vie de foi à travers le sensus fidei et les dons de l’Esprit Saint ; le troisième est le magistère. Car le magistère ne fait rien d’autre que de recevoir, avec le charisme de vérité et d’orientation dont il est doté pour servir, les fruits portés par la Parole vécue dans l’Esprit par le Peuple de Dieu ». Cela apparaît particulièrement urgent précisément dans les domaines où l’évidence suspecte d’une anthropologie rétrograde, et souvent imposée seulement ex auctoritate, conditionne les formes sacramentelles et morales de l’action ecclésiale. Le magistère sur la « réserve masculine », appliqué avec désinvolture et sans confrontation culturelle au ministère ordonné, est singulièrement affecté par cette anthropologie archaïque, injuste et irrespectueuse.
Une théologie courageuse et libre est la demande la plus urgente que je tire de la lecture de ce bel entretien. Où « librement » signifie vraiment fidèle à l’inspiration de la Parole et au don de l’Esprit. Ces mots me rappellent un bon théologien de Padoue, qui disait il y a plus de 20 ans : « si un séminariste veut étudier la liturgie, il doit d’abord être chauffeur de camion pendant 10 ans ». Sur la remorque d’un camion, je lis aujourd’hui : « L’argent et la peur, je ne les ai jamais eus ». C’est ainsi que devrait sonner l’une des devises décisives d’une bonne théologie synodale : une théologie sans peur et sans ambition, libre de servir le chemin ecclésial, à la lumière de la Parole de Dieu et de l’expérience humaine.
Note :
[1] Il n’y a pas de réforme de l’Église sans réforme de la théologie (intervista rilasciata all’Osservatore Romano)