Faisons connaissance
Christine Fontaine.
Ceux qui ne sont rien
« Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. » Nous connaissons tous cette parole d’un Président de la République tant elle a suscité de polémiques.
« Qui es-tu ? », demandent prêtres et lévites à Jean-Baptiste.
« Je ne suis pas le Messie, pas non plus le prophète Elie ni le Grand Prophète. En vérité je ne suis rien… rien qu’une voix qui crie dans le désert… », répond le Baptiste.
Effectivement lorsqu’on ne dispose d’aucun titre prouvant une quelconque réussite, on a beau être dans un hall de gare rempli de monde, notre voix ne porte pas plus que si nous criions dans le désert ! « Puisque tu n’es rien – “ni le Messie, ni Elie, ni le Grand Prophète – alors pourquoi baptises-tu ?” De quel droit agis-tu ? De quel droit attires-tu le peuple à toi ? » répliquent les pharisiens. « Je suis venu, déclare Jean, pour vous apprendre à aplanir le chemin du Seigneur », car « au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas. »
Parmi nous, quelqu’un qui n’est rien
Celui qui va naître à Noël sera compté au nombre de ceux qui ne sont rien : ses parents n’ont pas même un toit décent pour l’abriter à l’heure de sa naissance. Pendant toute sa vie terrestre, celui que les foules appelleront « Fils de David » n’aura droit à aucune reconnaissance aux yeux des autorités. Le seul sceptre, la seule couronne et le seul manteau qu’il portera sont une couronne d’épines, le manteau et le sceptre dont les soldats le revêtiront par dérision à l’heure de sa Passion.
Jean-Baptiste prépare la venue de celui qui vit au milieu de nous et que nous ne connaissons toujours pas ou si mal. Jean déporte notre attention de tout ce qui fait le clinquant d’une existence. Il nous prépare à ouvrir les yeux sur ceux qui parmi nous ne sont rien pour le monde, mais sont plus que tout pour Dieu.
« Jean n’était pas la lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage », écrit l’évangéliste qui ajoute « La lumière, la véritable, qui illumine tout homme, venait dans le monde ».
La lumière n’est pas ce qui se fait voir, mais ce qui permet de voir. Nous vivons dans la lumière véritable lorsque nous sommes capables de dépasser ce que nous connaissons trop bien de nos proches pour nous laisser surprendre encore par eux. En ce temps de préparation à Noël, apprenons à refaire connaissance ! Quelles que soient les ténèbres qui peuvent obscurcir nos relations, croyons qu’un jour viendra – sur cette terre ou dans le Royaume – où nous pourrons discerner en chacun l’enfant de Lumière qu’il est pour Dieu.
Écouter la parole de Jean pour nous préparer à fêter Noël revient peut-être aussi à ne pas nous parer de nos diplômes ou de nos titres lorsque nous en avons, de nos costumes ou de nos uniformes lorsque nous en portons. « Ses brebis à lui, ils les appellent par leur nom », dira Jésus de ceux à qui il demandera d’être la lumière du monde. Sortons, au moins pour quelques jours, du clinquant qui nous protège ou nous empêche d’être quelqu’un d’accessible qui aime qu’on l’appelle simplement par son prénom.
Refaisons connaissance avec ceux qui ne sont rien
« Il y a parmi nous quelqu’un que nous ne connaissons pas. » Alors faisons connaissance avec nos proches, avec nos amis et ayons en haute considération tous ceux qui ne sont rien aux yeux de la société sous prétexte que, selon les critères de ce monde, ils n’ont pas réussi.
Enfin, n’oublions pas de faire ou de refaire connaissance avec nous-mêmes. S’il y a quelqu’un qui vit au milieu de nous et que nous ne connaissons pas, c’est peut-être d’abord l’enfant de lumière que chacun de nous est pour Dieu. « La lumière, la véritable, illumine tout homme », y compris chacun de nous. Il nous est souvent plus facile de nous mépriser, de nous détester que de nous aimer. Souvenons-nous, en ces jours qui précèdent Noël, que Dieu lui-même s’incarne dans nos pauvres existences. Il vit au milieu de chacun de nous et, quelles que soient les ténèbres de son existence, il l’appelle par son nom sans se soucier de ses titres de gloire ou de ses vertus ! Si « une gare est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien », l’Église de Jésus-Christ – son corps charnel aujourd’hui sur la terre – est l’espace ouvert à tous les gens qui ne sont rien et qui se réjouissent de se reconnaître frères dans leur pauvreté. Ils s’appellent simplement par leur prénom de baptême quelle que soit leur condition et c’est là toute leur grandeur !