Le pape François oriente le synode vers les questions de processus, loin des patates chaudes
Michael Sean Winters.
Au grand dam des chroniqueurs du monde entier, le pape François, dans sa lettre au cardinal Mario Grech, secrétaire général du Synode, a mis l’accent sur le processus synodal. Il a annoncé la création de dix groupes d’étude chargés d’examiner des questions théologiques spécifiques et complexes. La liste met l’accent sur la réforme de l’institution, et non sur les questions brûlantes qui ont dominé la couverture médiatique du synode de l’année dernière.
Ceux qui souhaitent que le synode adopte des réformes radicales seront déçus que le pape ait cité son « Chirographe » publié le 16 février, qui stipule notamment que « les dicastères de la Curie romaine coopéreront, “selon leurs compétences spécifiques respectives, au travail du secrétariat général du synode” en créant des groupes d’étude qui entameront, avec une méthode synodale, l’étude approfondie de certains des thèmes qui ont émergé lors de la première session de la 16e assemblée générale ordinaire du synode des évêques ».
Si vous connaissez le fonctionnement de la Curie romaine, vous savez que l’accélération des réformes n’est pas son modus operandi habituel. Comme me l’a dit un prélat après une semaine de réunions pénibles à Rome, « la raison pour laquelle Rome est appelée la “Ville éternelle” est que tout à Rome prend une éternité ».
La liste des dix sujets est aussi bien tournée vers l’intérieur que vers l’extérieur. Il est nécessaire d’étudier « certains aspects des relations entre les Églises catholiques orientales et l’Église latine », comme l’indiquait la synthèse synodale de l’année dernière, mais ce n’est pas ce qui a fait la une des journaux. Il en va de même pour l’étude de « certaines questions théologiques et canoniques concernant des formes ministérielles spécifiques ». Cela pourrait être explosif et cela pourrait être banal.
Il en va de même pour la « révision, dans une perspective missionnaire synodale, des documents concernant les relations entre les évêques, la vie consacrée et les associations ecclésiales ». Il s’agit sans aucun doute d’un sujet important, vital pour la vie de l’Église. Les personnes consacrées portent toujours en elles la tradition du radicalisme chrétien, la position « Christ contre-culture » des premiers chrétiens, pour reprendre la taxinomie de Niebuhr.
Cependant, cet effort important de révision n’est pas comparable à la bénédiction des personnes vivant dans des unions homosexuelles pour ce qui est de susciter des clics.
« La mission dans l’environnement numérique » est un sujet extrêmement complexe et, je le crains, déprimant. Plus nous sommes témoins des effets de la dépendance aux médias numériques sur la connaissance et le savoir, plus nous devons craindre pour les générations futures.
Ceux qui se fient à TikTok et aux tweets pour s’informer se révèlent mal informés. La possibilité pour tout un chacun de s’auto-publier pourrait être une aubaine pour le dialogue démocratique, mais ce n’est généralement pas le cas. La persuasion et l’argumentation sont largement inconnues de la classe des twittos. Les opinions sont considérées comme importantes parce qu’elles sont exprimées, et non parce qu’elles résistent à un examen approfondi.
Le numéro 9 de la liste – « Critères théologiques et méthodologies synodales pour un discernement partagé des questions doctrinales, pastorales et éthiques controversées » – est probablement celui où les feux d’artifice se produiront. Ce qui importe, ce n’est pas telle ou telle question brûlante. Ce qui importe, c’est que le groupe d’étude synodal développe une défense solide de ce qui est sans doute la contribution la plus significative de François à l’Église universelle, l’élévation de la théologie pastorale aux côtés de la théologie doctrinale dans les enseignements et les pratiques de la foi.
L’Église doit toujours considérer ce qu’elle enseigne et ce qu’elle n’enseigne pas, mais cet enseignement n’est pas une pièce de musée, posée sur la cheminée, à dépoussiérer de temps en temps. François a insisté pour que l’Église, ses dirigeants comme les fidèles, se demande comment cet enseignement est perçu, comment il est reçu ou non.
L’Église ne peut pas plus abandonner ses enseignements qu’elle ne peut abandonner un sacrement, mais la manière dont un enseignement est présenté, comment il est inculturé dans différentes églises locales, comment un enseignement est lié à un autre, comment l’enseignement de l’Église dans un cas particulier aide ou entrave le salut des âmes, toutes ces questions relèvent de la théologie pastorale.
La plupart des controverses entourant François trouvent leur source ici, dans l’incapacité de certains à comprendre, et encore moins à apprécier, son effort pour mettre la théologie pastorale au premier plan. Les gens craignent que la prise en compte de la manière dont un enseignement est reçu n’aboutisse à un affaiblissement de cet enseignement. Un changement d’accent est considéré comme le début d’une hérésie.
Pour les critiques du pape, l’identité catholique n’est plus centrée sur le cœur de l’Évangile, la proclamation de la miséricorde divine gagnée pour nous à un prix si effroyable sur le Calvaire. Au lieu de cela, l’identité catholique est enveloppée dans les détails de la moralité sexuelle ou d’autres questions qui, bien qu’importantes, sont des produits dérivés du kérygme central de l’Évangile.
Le pape espère que le processus synodal aboutira à une Église en mission, et que cette mission consistera à proclamer l’Évangile de Jésus-Christ. Le processus synodal peut recommander de changer qui peut être ordonné, ou qui peut recevoir une bénédiction, ou comment les prêtres sont formés, et une foule d’autres questions importantes. Mais l’essentiel est de relier toutes ces questions subsidiaires à la mission centrale de l’Église, et ces dix groupes d’étude doivent se concentrer sur la manière dont l’institution peut redonner à l’évangélisation sa place centrale dans la vie de l’Église.
Cela ne fera peut-être pas de grands titres. Mais cela pourrait bien mettre le feu aux poudres.
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