Homélie de Jacques Gaillot – 18 septembre 2010
Ce passage d’Evangile (Luc 4,16-21) a été proclamé en janvier 1995 à la cathédrale d’Evreux à l’occasion de mon départ. Aujourd’hui, l’assemblée est différente mais c’est le même message, joyeux et subversif, qui retentit à nos oreilles.
« L’Esprit du Seigneur m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres,
Annoncer aux prisonniers qu’ils sont libres,
Et aux aveugles qu’ils verront la lumière,
Apporter aux opprimés la libération…Luc 4,18-19
Toute la vie publique de Jésus sera la mise en œuvre de cette prédication de Nazareth.
C’est un message de libération et non de restauration.
C’est un message qui change la vie et non un discours religieux.
C’est l’être humain qui est au centre et non la loi : l’essentiel étant de pratiquer la justice et l’amour qui sont dus au prochain.
Dans la mise en œuvre de la prédication de Nazareth, Jésus se place du côté des opprimés et non du côté des oppresseurs.
Il est du côté des humiliés et non du côté de ceux qui les exploitent.
Il s’identifie aux victimes.
Il ne s’identifie pas aux puissants.
Le Magnificat qui est le chant de l’Eglise en marche, nous avertit que les plus faibles deviendront les plus forts, que les pauvres l’emporteront sur leurs maîtres et les peuples sur leurs dictateurs.
J’aime évoquer ici Jacques désiré Laval, médecin devenu prêtre dans le diocèse d’Evreux. Il est parti rejoindre les Spiritains de l’Ile Maurice. Il est parti sans jamais revenir. Il est parti avec cette conviction : faire le choix des pauvres. C’est aux Noirs qu’il annoncera l’Evangile. Les Noirs qui sont des marginaux, des laissés pour compte, souvent victimes de l’injustice. Il en fera des responsables, des partenaires, des hommes debout. C’est pourquoi aujourd’hui, il est reconnu par tous à Maurice : qu’il s’agisse des hindous, des musulmans, des bouddhistes ou des incroyants.
Le jeune prophète de Nazareth, par son action de libération, révèle un visage de Dieu tout à fait inhabituel. Jean-Baptiste lui-même ne s’y retrouve plus. De sa prison, il envoie deux disciples demander à Jésus : « Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? » (Luc 7,19)
La réponse est sans appel : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu. Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » Luc 7,21-22
Comment s’y prend Jésus ? Il commence par reconnaître la dignité des pauvres. Pour lui, la seule attitude qui puisse libérer quelqu’un, c’est de reconnaître sa dignité. Auprès de lui, les pauvres découvrent avec joie qu’ils sont aimés de Dieu. Ils sont reconnus comme des êtres humains à part entière.
J’ai été invité à rencontrer les Roms de Choisy-le-Roi. Expulsés, ils ont trouvé refuge dans un gymnase de la ville. Beaucoup de monde s’était rassemblé avec des élus et des responsables d’association. Nous avons pris la parole pour dénoncer l’injuste traitement fait aux Roms. Puis vint le tour d’une femme de la communauté des Roms : « Par votre solidarité et vos paroles, dit-elle, nous sommes touchés à l’âme et très émus. Merci de reconnaître que nous sommes des êtres humains comme vous. Nous ne sommes pas dangereux pour vous. Nous voulons vivre simplement parmi vous. »
A Creil, dans l’Oise, des travailleurs africains sont en grève depuis bientôt un an pour obtenir leur régularisation. A plusieurs reprises, ils m’ont invité à les rejoindre à la bourse du travail qu’ils occupent. Leur porte-parole, Issa, déclare : « Depuis le 12 octobre 2009, nous avons tout perdu : nos emplois, nos logements. Nous n’avons plus rien. Mais il nous reste notre dignité et notre volonté puissante d’être reconnus comme des êtres humains. »
L’homme de Nazareth, par son action de libération, a porté l’espérance des pauvres. Il est allé au devant d’eux. Il a mangé à leur table. Les pauvres se sont reconnus en lui. Personne n’était exclu. Un avenir s’ouvrait devant eux.
Comment ne pas faire mémoire, ici, du professeur Léon Schwartzenberg qui a consacré les dernières années de sa vie à la défense des sans papiers et des sans logis ! A son enterrement au cimetière de Montparnasse, les pauvres, en très grand nombre, s’étaient invités. Leur seule présence valait le plus beau des témoignages. Léon Schwartzenberg, juif athée, a porté l’espérance des pauvres.
Qu’il en soit ainsi pour nous. Avec la grâce de Dieu.
Jacques Gaillot
Merci pour ces bonnes paroles qui réconcilient mais je ne me sens pas pour autant d’une église qui enferme la parole depuis des siècles en matière d’égalité homme femme, de célibat depuis Latran (1132) ?
Quelle manipulation des consciences ? quelle infaillibilité décrêtée au 19ème par opposition au peuple (à la révolution) pour rétablir le droite divin que les rois avaient perdus au 18ème siècle.
Pourquoi tant de complaisance avec la réception d’un Président (Chanoine??) qui tourne le dos aux droits de l’homme…
SI TOTEM LIBERTATEM TOTEM DIGNITATEM écrite vers 610 de notre ère.