Pour poursuivre, avec Jorge Costadoat, la logique de l’implication des laïcs, nous publions un texte qui s’inscrit dans la suite du précédent [1]. Ici, ce père jésuite dont la voix est entendue au Chili (mais pas toujours de la hiérarchie) propose un mode d’approche pour le choix d’un évêque. On peut se demander comment un tel processus peut trouver place dans la forme de pouvoir qui semble constitutive de l’Église Catholique.
Les nouvelles se suivent et malheureusement se ressemblent. Pas un jour ne passe sans qu’on découvre ou réveille des cas où des membres de la hiérarchie sont concernés. Avec des détails pas toujours très présentables.
La mission des deux émissaires du Pape devrait durer une semaine, du 12 au 19 juin, dont trois jours à Osorno. Pas de précision sur le déroulement prévu. A Osorno, ils discuteront de l’après-Barros. D’après ce qui se dit, depuis jeudi 7 juin, celui-ci devrait quitter sa charge avant que s’ouvrent les discussions.
Le 8 juin, était publiée une lettre ouverte du conseil de la Faculté de théologie de l’Université catholique pontificale du Chili au Saint Père, “en réponse” à la lettre envoyée par François aux catholiques du Chili. Ils ressentent la lettre du Pape comme une “provocation”, qui exige de leur part “une conversion profonde et un renouveau”. Ils reconnaissent les errances de l’Église du Chili en matière pastorale. Au passage, ils traitent de l’accueil réservé aux professeurs qui avaient collaboré avec Karadima, “marchant sur un chemin de réconciliation”. Ils terminent en s’adressant aux autorités ecclésiastiques qui doivent “se comprendre aussi comme faisant partie du Peuple de Dieu qui se laisse enseigner et conduire par l’Esprit à la plénitude de la vérité (Jn 16,3)”. Allusion sans doute au fait que la hiérarchie, et singulièrement l’archevêché de Santiago, ont durement “contrôlé” l’Université Catholique, ces dernières années.
Du 4 au 7 juin, a eu lieu à Genève l’Assemblée constitutive de la nouvelle ONG dénommée ECA, “Ending Clergy Abuse” [2] (Mettre fin aux abus du clergé) dont la formation avait été décidée à Santiago, lors de la visite du pape. Dans la conférence de presse finale, les vingt-huit participants, de quinze pays, ont présenté chacune leur pays et un évêque qui s’est distingué dans la dissimulation des cas d’abus. Ils ne s’en prennent pas tant à l’Église qu’à l’hermétisme et l’immobilisme de Rome. Ils s’adressent à l’opinion publique dont la mobilisation fera pression sur l’Église Catholique.
“Nous ne sommes pas une association de victimes, mais un groupe de “survivants”, de défenseurs, et de militants“. José Andrés Murillo, un chilien qui fut victime de Karadima, a défini ainsi “ECA Ending Clergy Abuse”.
Note :
[1] http://www.periodistadigital.com/religion/opinion/2018/05/22/religion-iglesia-america-catolicismo-conservador-chile-circulo-karadima-abusos-encubrimiento-renuncia-obispos.shtmlin NSAE……
https://nsae.fr/2018/06/03/chili-le-pape-en-appelle-aux-laics/
[2] https://www.facebook.com/ENDCLERGYABUSE/_______________________
PLUS JAMAIS D’ÉVÊQUE IMPOSÉ
Par Jorge Costadoat 4 Juin 2018
Au moment où la nomination prochaine de nombreux évêques chiliens est en discussion, nous nous réjouissons de la venue au Chili de Charles Scicluna et Jordi Bertomeu. J’aimerais croire que ces deux émissaires aideront l’Église chilienne à recueillir les informations nécessaires pour procéder à ces nominations. Si le Pape a été mal informé pour choisir l’évêque Barros, il ne sera pas facile de rassembler les informations et les opinions permettant de choisir avec discernement quels seront les nouveaux évêques chiliens. Il est crucial d’« écouter », comme le demande François dans sa lettre, ce que pense et ce que ressent le peuple chrétien au sujet de ce qui lui arrive dans la situation actuelle, historique, culturelle et ecclésiale.
Osorno est plus qu’Osorno. La résistance des Osorninois à la nomination de l’évêque Juan Barros est représentative du rejet, par beaucoup de catholiques chiliens, d’une élite ecclésiastique qui a perdu le contact avec leur vie. Le refus d’un petit diocèse d’accepter un évêque qu’on lui impose, et dont il ne veut pas, constitue l’exercice d’un droit.
Dans la lettre que le pape François vient d’adresser aux catholiques du Chili, il déclare : « Au sein du peuple de Dieu, il n’y a pas de chrétiens de première, deuxième ou troisième catégories. Votre participation active n’est pas une concession qui vous est faite par pure bonne volonté, mais est constitutive de la nature même de l’Église. Il est impossible d’imaginer le futur sans que l’onction (de l’Esprit Saint) opère en chacun de Vous, ce qui exige certainement des nouvelles formes de participation. » Depuis des décennies, les catholiques chiliens se sentent comme des visiteurs dans leur propre maison. Ils ne sont pas consultés. S’ils posent des questions, personne ne leur répond. S’ils critiquent, ils sont traités de perfides. On leur dit qu’ils « chantent à l’extérieur du chœur » ou qu’ils « se trouvent de l’autre côté de la rue ». À l’inverse, le Pape en appelle à eux.
De plus, François les exhorte à jouer un rôle actif dans l’Église : « J’exhorte tous les chrétiens à ne pas avoir peur d’être les acteurs de la transformation dont on a besoin aujourd’hui, à encourager et promouvoir des initiatives créatives dans leur recherche quotidienne d’une Église qui veut chaque jour mettre au centre ce qui est important. Sa critique était – comme il l’a dit dans sa lettre adressée aux évêques réunis à Rome – que la hiérarchie ecclésiastique s’est centrée sur elle même, au lieu de remplir un rôle prophétique, mettant le Christ au centre.
Il termine le paragraphe : « J’invite tous les organismes diocésains – quel que soit leur domaine – à chercher en conscience et avec lucidité des espaces de communion et de participation, afin que l’onction du Peuple de Dieu trouve des moyens concrets de se manifester ». Le Pape voudrait-il que cela soit la base de la participation des laïcs à l’élection de leurs autorités ? À la nomination du futur évêque d’Osorno, et de ceux qui viendront par exemple ? Je pense que cette interprétation ne peut être exclue.
Comment cette écoute pourrait-elle se faire ? Je suggère que dans les différents diocèses où doit être nommé un nouvel évêque, des rencontres soient organisées, ouvertes à tous ceux qui veulent y participer, surtout les jeunes et les plus éloignés (de l’Église), pour définir le profil de l’évêque dont ils ont besoin. Chaque communauté pourrait façonner le sien. L’information recueillie serait très riche. Il se peut que l’évêque qui sera nommé ensuite ne réponde pas exactement à l’idéal. Mais le candidat choisi aura reçu de la base une puissante indication de ses besoins réels. S’il n’en tient pas compte, il devra faire face aux conséquences. De nos jours, l’obligation de rendre des comptes dans l’exercice de sa fonction est exigée partout. On ne voit pas pourquoi, dans l’Église, les évêques peuvent continuer à exercer leurs fonctions s’ils sont incapables d’accomplir leurs devoirs.
Dans les circonstances actuelles, il serait bon que les évêques qui doivent quitter leur charge s’en aillent le plus rapidement possible. Mais je ne crois pas qu’il convienne de se précipiter pour nommer leurs remplaçants. Faire participer, écouter avec calme, discerner, rendra plus difficile de se tromper de nouveau.
Source : [1] http://www.elmostrador.cl/noticias/opinion/columnas/2018/06/04/nunca-mas-un-obispo-impuesto/
Traduction : Régine et Guy Ringwald
Source des illustrations : Régine et Guy Ringwald