Petite contribution du groupe NSAE Cher au débat sur l’avenir de l’Église
Le thème de la réunion mensuelle de décembre 2018 était une réflexion sur l’avenir de l’Église après les scandales qui l’éclaboussent, à partir de 3 articles réunis dans le bulletin de liaison NSAE n° 32 : ceux de deux religieuses étatsuniennes, Ilia Delio et Joan Chittister et celui d’une Française, Danièle Hervieu Léger, spécialiste du fait religieux.
Les titres annoncent le contenu :
L’Église va-t-elle vers une nouvelle vie ? d’Ilia Delio
Pour un réel changement de Joan Chittister
C’est tout le système clérical qu’il faut déconstruire (article paru dans Télérama et reproduit ici : https://plein-jour.eu/wordpress/pedophilie-dans-leglise-%e2%80%89cest-tout-le-systeme-clerical-quil-faut-deconstruire%e2%80%89/) de Danièle Hervieu Léger
La première, Ilia Delio, plus documentée, plus difficile à lire, remonte l’histoire de l’Église jusqu’au V° siècle
« La culture ecclésiale est basée sur les principes opératoires de la hiérarchie, du patriarcat, du carriérisme et de la notion de triste notoriété de consécration sacerdotale comme apportant un changement ontologique du prêtre. » (Ce qui le rendrait supérieur aux autres, et surtout aux femmes qui sont complètement dévalorisées.)
Cette conception est enracinée dans l’esprit de beaucoup de prêtres, mais aussi dans celui de beaucoup de laïcs (d’où la nécessite pour nous, de ne pas manquer les opportunités de partager sur ce sujet).
C’est d’ailleurs cela que nous pouvons faire pour ne « pas rester immobiles ni faire demi-tour » comme Ilia Delio le note dans sa conclusion.
Elle reproche à l’Église de ne pas avoir accepté les découvertes de la science ni la modernité, d’être un système fermé, et d’avoir gardé dans son enseignement des doctrines basées sur des principes cosmologiques dépassés. « Les systèmes fermés sont rigides et largement impénétrables, tandis que les systèmes ouverts sont chaotiques et loin de l’équilibre ». Elle rappelle l’enseignement de Theilhard de Chardin « l’évolution est une condition générale à laquelle toutes les théories, toutes les hypothèses, tous les systèmes doivent désormais se soumettre et satisfaire pour être concevables et véridiques ».
La note finale est optimiste « Nous devons forger une nouvelle voie. L’Église naîtra de nouveau, car Dieu fait des choses nouvelles ».
La deuxième, Joan Chittister, dans un texte plus court et plus accessible, rejoint certaines analyses de sa consœur.
Elle dit essentielle une réforme des structures, un changement, mais qu’il faut surtout s’attaquer aux racines qui sont à l’origine de mal. Elle en voit quatre :
- « Le fléau du cléricalisme qui crée un système de castes dans le christianisme catholique. Les clercs représentent moins de 1 % de l’Église, mais le cléricalisme les rend supérieurs au reste de l’Église pour ce qui est du pouvoir, de la présomption de sainteté, de l’autorité paroissiale absolue et de la garde de la responsabilité. »
- le fait que le cléricalisme a touché plus que le clergé, les laïcs en ayant intégré l’idée.
« Le reste de l’Église doit grandir pour assurer la christianisation de l’Église elle-même ». - La troisième découle de celle-ci, c’est la théologie de l’obéissance : « elle affecte de manière insidieuse la vie personnelle des catholiques, elle transforme l’obéissance dans l’Église, un engagement à écouter l’Esprit, en une obéissance aveugle, attachée à un ensemble de chefs cléricaux ». Et le discernement et les perspectives morales de laïcs sont tout simplement ignorés par ceux-là.
- La quatrième c’est la théologie du sacerdoce, qui insiste sur le fait que l’ordination sacerdotale modifie l’ontologie de l’être humain.
- Ce que dit Joan Chittister, c’est que c’est la théologie qui compte, en ce qui concerne l’infantilisation des laïcs et à la négation de leur conscience adulte.
Voici sa conclusion : « la vérité est que la véritable réforme dépend des enseignements de l’Église, et pas simplement d’un changement de structures. »
Enfin, l’article de Danièle Hervieu Léger, qui, d’emblée, parle de déconstruire le système clérical.
Si l’institution « ne se décide pas, rapidement, à regarder en face la gravité du mal qui la ronge et à faire preuve d’audace, elle pourrait bien mourir avec ses idées, et laisser ses fidèles ne plan ».
L’auteur de l’article met la crise « gravissime » de l’Église en rapport avec l’accession à l’autonomie des citoyens.
Elle fait un retour au XIX° siècle, et à la confrontation de l’Église avec le bouleversement que constitue la Révolution, l’affirmation du droit à l’autonomie.
Elle parle « des hommes et des femmes, qui, sans cesser d’ailleurs nécessairement d’être croyants, récusent la légitimité de l’Église à dire la norme dans des registres qui ne relèvent que de leur conscience personnelle » et qui récusent donc le cléricalisme.
Aujourd’hui, dit-elle, le fossé culturel est béant entre la société contemporaine et une Église qui reste arrimée à un régime normatif et hiérarchique étranger à cette révolution de l’individu.
« Plus la partie apparaît perdue, plus l’Église se constitue en forteresse assiégée renforçant son dispositif d’emprise en direction de la sphère privée ».
Elle évoque la formation des prêtres, insuffisante en matière de sexualité même si, ces dernières décennies, une place un peu plus grande lui a été donnée, mais la question de l’homosexualité par exemple reste souvent occultée.
« Les séminaristes ne sont pas perçus comme des virtuoses de la foi, mais comme les derniers des Mohicans. La prêtrise est devenue une position sociale largement disqualifiée, que les affaires de pédophilie fragilisent aujourd’hui dramatiquement ».
Sur celles-ci, l’Église de France a traîné à prendre position, consciente, non sans raison, que si on brise le silence, on ébranle les fondements mêmes de l’autorité cléricale, et donc l’Église elle-même…
Et pourtant « la révolution sera globale ou elle ne sera pas, et elle passe par une refondation complète du régime de pouvoir dans l’institution. »
Danièle Hervieu-Léger emprunte sa conclusion au théologien Karl Rahner qui, déjà en 1954, écrivait : « il va falloir inventer un catholicisme de diaspora ».
« Une telle mutation suggère une autorité ecclésiale capable d’accompagner la prise en charge des communautés par elles-mêmes, dans les conditions culturelles spécifiques des sociétés où elles sont implantées », et l’auteur termine par une note peu optimiste « l’observation sociologique de la scène catholique ne laisse guère deviner la proximité d’une telle évolution ».
Compte rendu écrit par Annie Grazon