Par Jocelyn Girard
Il y a tant de signes qui confirment, d’un point de vue sociologique, que l’Église catholique en Occident, et plus encore au Québec, est si fortement en voie de disparition qu’il ne paraît plus bien sage de vouloir affirmer le contraire.

Que l’on pense à la désaffection des fidèles aux assemblées dominicales, au manque de ressources humaines, notamment la quasi-disparition des vocations sacerdotales, et à l’argent qui fait péniblement défaut pour maintenir le patrimoine bâti et les ressources pastorales, tout laisse entrevoir la fin accélérée de cette forme institutionnelle d’Église. Les scandales de pédophilie qui sont déterrés un peu partout dans le monde et la couverture avérée des hauts responsables de ces époques ne font qu’enfoncer plus encore cette conviction que « cette Église-là » ne peut survivre à ses propres démons.
Il subsiste évidemment des petits groupes attachés à la vision sociétaire et à la structure hiérarchique de l’Église. Il y a aussi toutes ces personnes, citant Matthieu 16, 18, qui se rassurent en scandant que les « portes de l’Hadès ne prévaudront pas contre [l’Église]. »
Ainsi, l’Église, en tant que corps mystique, ne saurait mourir, étant appelée à subsister jusqu’au retour du Christ. Mais peut-être confondent-ils l’Église et le modèle historique dans lequel elle se réalise.
Organisation « humano-divine »
Depuis surtout le Concile de Trente (1545-1563), le pape et les évêques étaient chargés d’une Église se définissant comme une société humano-divine hiérarchisée constituée du clergé (ceux qui gouvernent) et des laïcs (les gouvernés). Même si le Concile Vatican II (1962-1965) a tenté d’opérer un réalignement sur l’Église en tant que « Peuple de Dieu », le modèle clérico-hiérarchique demeure pratiquement le seul que tous les catholiques vivants de nos jours ont connu.
Dans sa dimension d’organisation humaine et sociale, l’Église est toutefois appelée à la plus grande réforme de son histoire.
Le cléricalisme, que le pape François pourfend, est perçu comme la cible à anéantir. Ainsi la hiérarchie et le clergé ne pourraient plus fonctionner de manière indépendante du Peuple, mais plutôt en lui, se rendant imputables tant à Dieu qu’à la communauté des baptisés qu’ils doivent servir.
Nouvelles communautés
À côté de l’Église qui meurt, des groupes de croyants et croyantes ne désespèrent pas pour autant. Ceux-ci se rassemblent et acceptent de se laisser interpeller à une prise en charge de leur communauté, à s’y habiliter pour la rassembler et l’animer.
Dans notre diocèse, nous les appelons les « équipes d’animation locale ». En leur sein, on ne trouve ni prêtre ni autre « permanent » de l’Église, même si elles reçoivent le soutien d’une personne ayant davantage un rôle d’accompagnatrice.
Ces petites cellules se rencontrent, prient ensemble, se mettent à l’écoute de la Parole et commencent peu à peu à voir les signes de nouvelles pousses dans une Église « en sortie ».
Avec d’autres petites communautés, ces groupes de baptisés engagés vont contribuer à modifier concrètement le paysage ecclésial, conduisant par le fait même au développement d’une nouvelle forme de leadership, plus humble, plus ajusté à la réalité d’aujourd’hui, reconnaissant que tous et toutes possèdent un sens de la foi qui trouve son inspiration dans l’Esprit Saint et dans l’Évangile.
Cette Église a commencé à naître. On ne l’entend pas, car elle est occultée par l’autre qui, comme un géant agonisant, est à s’effondrer dans un fracas assourdissant.
Mais des brèches laissent entrevoir l’horizon qui se lève.
Ne le voyez-vous pas ?