Kumi Now – Il est temps de se réveiller
Par par Naïm Ateek (Sabeel Jerusalem)
Chers amis qui soutenez notre engagement et notre plaidoyer, recevez nos salutations de Jérusalem.
Après des mois de réflexion et de travaux avec des Palestiniens, des Israéliens et des internationaux, Sabeel Jérusalem veut agir d’une manière nouvelle. Nous sommes heureux de vous présenter le projet Kumi Now. Il s’inscrit dans notre adhésion aux valeurs de justice, d’inclusion et de non-violence, en réponse à la situation de plus en plus difficile que nous vivons dans notre pays.
Kumi (NDT Prononcer Koumi en français. Variante : Koum, aussi écrit Qoum) est un mot araméen que Jésus a utilisé quand il a rendu la vie à une fillette de 12 ans (Marc 5.21-43). Kumi veut dire « Lève-toi ! » (NDT : On peut aussi traduire « Debout ! », ou « Réveille-toi !, comme le fait la TOB). Et « Kumi Now » (NDT : « Lève-toi maintenant ! ») exprime l’urgence de se lever pour agir quand la situation est devenue tendue, incertaine, et dangereuse. Ce qui se passe dans notre pays semble bien montrer que nous sommes au plus bas. Kumi Now est, dans ce contexte, plus qu’un simple appel : c’est le cri de millions de gens qui cherchent une vraie vie de paix et de sécurité (cf. l’étude biblique qui suit).
Nous souhaiterions inviter des personnes et des organisations d’ici et d’ailleurs à se joindre au projet Kumi Now pour travailler ensemble et devenir une force œuvrant pour une paix juste. En partenariat avec ce vaste réseau de soutien, le projet Kumi Now veut se construire sur la base de trois valeurs essentielles :
- L’inclusivité : nous voulons accueillir vraiment chacun pour la mise en œuvre du projet Kumi Now.
- La justice : Kumi Now insiste sur le droit international comme fondement pour mettre un terme à l’occupation de la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et la Bande de Gaza, une solution juste pour les réfugiés palestiniens, et des droits partagés et égaux pour tous les citoyens d’Israël.
- Une résistance non violente : Kumi Now est un engagement à recourir à la non-violence comme unique moyen de résistance.
En nous laissant guider par ces valeurs, chaque semaine après la mise en route du projet, Kumi Now présentera le travail d’une association qui s’engage en faveur d’une paix juste en Palestine. Ce sera un travail de sensibilisation par le biais d’une information sur des cas particuliers d’injustice, avec des récits et la proposition d’actions de plaidoyer créatives et non violentes.
Le but n’est pas seulement de sensibiliser, mais aussi d’exercer des pressions sur les grands décideurs de ce monde, dans l’objectif de faire ce qui sera nécessaire pour mettre fin à l’occupation et établir une paix juste pour tous.
Pour ce faire, nous prévoyons diverses formes de coordinations entre des organisations palestiniennes, israéliennes et internationales, d’inspiration religieuse ou laïque, sur toute une palette de sujets qui touchent à la vie palestinienne. Sabeel prendra contact individuellement avec chacune de ces organisations, toujours sur la base de ses engagements en faveur de la non-violence, de l’égalité des droits et de la prise en compte du droit international.
Il ne fait aucun doute que l’atroce réalité de la situation présente a créé chez beaucoup des nôtres et chez beaucoup de nos amis un sentiment de désespoir. Comme dit, beaucoup ont le moral à zéro et sont persuadés qu’il n’y a plus rien à espérer face à l’obstination des agresseurs israéliens. La dégradation du climat d’oppression que nous vivons en a découragé beaucoup, à tous les niveaux.
Pour nous qui vivons sur place, il est devenu évident que les Nations Unies ont été incapables de mettre en œuvre leurs propres résolutions sur la Palestine occupée. D’un côté, force est de reconnaître que la plupart des pays se tiennent à nos côtés en promouvant l’établissement de l’État de Palestine, de l’autre les Nations Unies semblent incapables de trouver l’énergie nécessaire pour faire advenir un changement. Par ailleurs beaucoup d’organisations de défense des droits humains, partout dans le monde, se sont sérieusement engagées en faveur de la création d’un État de Palestine, mais cela fait 70 ans maintenant et cet État n’existe toujours pas. Nous sommes tous conscients que ce sont les États-Unis qui ont constitué le plus grand obstacle, mais les Nations unies ont été incapables de contourner ou de neutraliser cet obstacle.
Localement il est évident que le gouvernement israélien glisse de plus en plus vers l’extrême droite. Son fanatisme religieux s’exprime dans une voracité excessive de terres palestiniennes et dans un degré inimaginable de racisme envers les Palestiniens. En même temps, force est de reconnaître que les désaccords du monde arabe et les divisions internes des Palestiniens ne font que diminuer, voire empêcher notre propre efficacité dans la lutte pour la libération.
Et pourtant, malgré ce constat lugubre qui pourrait mener à l’apathie et au désespoir, Sabeel choisit un autre chemin. Inspirée par la théologie palestinienne de la libération, Sabeel refuse de perdre tout espoir et appelle ses amis à renouveler avec courage et détermination leur passion pour la justice. Nous vous demandons de donner un nouvel élan à votre engagement en faveur de la justice, de la paix et de la libération en rejoignant Kumi Now pour en faire une force mondiale et unie en faveur d’une paix juste.
Travaillons ensemble pour la justice, inclusivement et sans violence !
Traduction française par Sabeel France : https://drive.google.com/file/d/1alo2W3015Poa6j-X9uZr5q9NxfaemtlE/view
Pour en savoir plus lire : Bienvenue à Kumi Now – Il est temps de se Réveiller !
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Étude de Marc 5,21-43 par Kumi Now [1]
Lecture de l’Écriture (NBS – Nouvelle Bible Segond)
21 Jésus regagna l’autre rive en bateau, et une grande foule se rassembla autour de lui. Il était au bord de la mer. 22 Un des chefs de la synagogue, nommé Jaïros, arrive ; le voyant, il tombe à ses pieds 23 et le supplie instamment : ma fille est sur le point de mourir ; viens, impose-lui les mains, afin qu’elle soit sauvée et qu’elle vive. 24 Il s’en alla avec lui. Une grande foule le suivait et le pressait de toutes parts.
25 Or il y avait là une femme atteinte d’une perte de sang depuis douze ans. 26 Elle avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins, et elle avait dépensé tout ce qu’elle possédait sans en tirer aucun avantage ; au contraire, son état avait plutôt empiré. 27 Ayant entendu parler de Jésus, elle vint dans la foule, par derrière, et toucha son vêtement. 28 Car elle se disait : si je touche, ne serait- ce que ses vêtements, je serai sauvée ! 29 Aussitôt sa perte de sang s’arrêta, et elle sut, dans son corps, qu’elle était guérie de son mal.
30 Jésus sut aussitôt, en lui-même, qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule et se mit à dire ; Qui a touché mes vêtements ? 31 Ses disciples lui disaient : ‟Tu vois la foule qui te presse de toutes parts, et tu dis qui m’a touché ?” 32 Mais il regardait autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. 33 Sachant ce qui lui était arrivé, la femme, tremblant de peur, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. 34 Mais il lui dit : Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal.
35 Il parlait encore lorsqu’arrivent de chez le chef de la synagogue des gens : Ta fille est morte ; pourquoi importuner encore le maître ? 36 Mais Jésus, qui avait surpris ces paroles, dit au chef de la synagogue : N’aie-pas peur, crois seulement. 37 Et il ne laissa personne l’accompagner, si ce n’est Pierre, Jacques et Jean, frère de Jacques. 38 Ils arrivent chez le chef de la synagogue ; là il voit de l’agitation, des gens qui pleurent et qui poussent de grands cris. 39 Il entre et leur dit : Pourquoi cette agitation et ces pleurs ? L’enfant n’est pas morte : elle dort.
40 Eux se moquaient de lui. Mais lui les chasse tous, prend avec lui le père et la mère de l’enfant, ainsi que ceux qui l’accompagnaient, et il entre là où se trouvait l’enfant. 41 Il saisit l’enfant par la main et lui dit : Talitha koumi, ce qui se traduit : Jeune fille, je te le dis, réveille-toi ! 42 Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – en effet elle avait douze ans. Ils furent saisis d’une grande stupéfaction. 43 Il leur fit de sévères recommandations pour que personne ne le sache, et il dit de lui donner à manger.
Étude biblique
« Talitha Kumi – Fillette, lève-toi ! » dit Jésus. L’ordre donné prêterait à rire à première vue : comment une fillette morte pourrait-elle se lever ? Mais avec Jésus, ce qui paraît impossible devient possible : la vie l’emporte sur la mort.
Marc 5,21-43 nous raconte l’histoire de deux miracles de guérisons : celle de la fille de Jaïros à l’article de la mort, et celle d’une femme atteinte d’hémorragie. Pour Marc, ces deux récits se mêlent. Jaïros, un chef de synagogue, et la femme affectée par des pertes de sang s’approchent tous deux de Jésus dans la recherche désespérée de la guérison et de la libération de leurs souffrances. Jésus voit l’un et l’autre et répond à leur attente.
Les thèmes de ce texte ont amené les membres de Sabeel et leurs amis à se demander en quoi ce récit touchait leur vie présente. En 2009, des chrétiens palestiniens se sont regroupés pour écrire le document Kairos Palestine et crier haut et fort les injustices de l’occupation. Nous pensons qu’il est temps aujourd’hui de passer des paroles de vérité aux actes. En partageant avec vous des sujets de réflexion significatifs que nous avons trouvés en Marc 5,21-43 et dans nos propres expériences, nous vous invitons à réfléchir sur ce qu’ils font résonner en vous, ou comment ils amènent votre propre communauté à « se lever. »
Notre lecture du texte dans le contexte palestinien.
En relisant cette histoire dans le contexte palestinien, on peut facilement communier aux longues années de souffrance endurées par la femme atteinte d’hémorragie, ainsi qu’à la douleur de Jaïros apprenant que sa fille était morte. Les Palestiniens ont été forcés de quitter leur patrie en 1948 lors de la Nakba qui a fait des deux tiers de la population palestinienne des réfugiés disséminés à travers toute la région et dans le monde entier. Après la guerre de 1967, les Palestiniens de Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de la Bande de Gaza se sont retrouvés sous occupation militaire israélienne. Tout comme la femme souffrant d’hémorragie, notre souffrance s’est poursuivie dans le temps : constructions continues de colonies, mur de séparation, emprisonnement illégal d’enfants, transfert forcé de communautés hors de leur terre et politiques restrictives séparant les familles.
Certains jours, la situation en Palestine et pour les Palestiniens se présente comme aussi désespérante et terrible que l’est la nouvelle de la mort de la fille de Jaïros. Depuis 1967, très peu de choses ont changé pour les Palestiniens. En voyant leurs droits continuellement bafoués à la fois par Israël et par la communauté internationale, on peut facilement s’abandonner à la pensée que notre espérance d’une paix juste est morte. Des membres de notre groupe d’étude biblique ont fait part, de la colère envers Dieu que, dans ce contexte de souffrance, ils ont parfois ressentie. Notre plainte, notre colère, est un cri vers Dieu et vers notre communauté élargie pour qu’ils agissent en faveur de la justice, de la paix et de la réconciliation.
Eli, Eli, lema sabaqthani ? – Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Appel à l’action
Les Palestiniens ont réagi de diverses manières envers l’injustice. Au sein des ONG et de nos associations, nous avons parfois été tellement obsédés par nos problèmes, nos projets et nos activités qu’il nous est devenu difficile de faire une pause et de prendre conscience de ce qui se passe autour de nous. Nous sommes parfois comme les disciples : nous ne voyons pas suffisamment la valeur des actions qui n’entrent pas dans nos propres vues. Quand Jésus demande : « Qui m’a touché ? », les disciples ne comprennent pas : comment peut-il demander qui l’a touché quand les gens le pressent de toutes parts ? Il n’y a qu’à visiter la vieille ville de Jérusalem un jour d’affluence, quand chacun pousse l’autre sur le chemin qui mène à la mosquée Al Aqsa, pour se faire une idée de la scène. On n’a pas de mal à imaginer les disciples fendant la foule pour se rendre aussi vite que possible à leur prochaine destination. Mais Jésus, lui, prend le temps de poser cette question et d’engager un échange avec la femme qui souffre. Comme les disciples, nous nous laissons si souvent entraîner par le tumulte et le bruit de la vie de tous les jours, que nous en venons à ignorer les personnes sur le bord du chemin qui crient à l’aide pour être libérés.
Ayant tellement longtemps enduré la souffrance sous l’occupation, beaucoup de Palestiniens ressentent un si grand désespoir qu’ils n’ont plus du tout d’énergie pour réagir. Comme les gens qui s’approchent de Jaïros pour lui annoncer la mort de sa fille et lui conseiller de ne pas déranger davantage le Maître, ils se posent la question : pourquoi continuer à consacrer du temps et de l’énergie à se battre contre l’occupation quand il semble impossible de changer quoi que ce soit ? Il y a même des gens pour rire de ces efforts de résistance non-violente qui leur apparaissent aussi inutiles que les efforts de Jésus essayant de guérir une fillette qui a déjà été déclarée morte.
Ephphatha ! – Ouvre-toi !
Libération
Si l’on va au fond des choses, on voit que Marc 5,21-43 est un récit de guérison. Nous y discernons trois dimensions de la guérison : l’espérance, la mise en œuvre, et la libération dans le cadre de moments tout à fait ordinaires de la vie.
L’espérance est au cœur de ce récit. Après avoir consulté des médecins en vain pendant douze ans, la femme n’a pas baissé les bras. Elle espère encore trouver un remède à sa maladie. Quand Jaïros apprend que sa fille est morte, la réaction de Jésus nous interpelle: « N’aie pas peur, crois seulement ! » L’appel à l’espérance est un véritable défi. Mais celle-ci est une composante essentielle de la ténacité qui nous fait continuer à chercher la libération. Les paroles de Jésus nous demandent de croire que ce qui pourrait sembler ridicule est, de fait, possible.
Il peut en effet paraître fou d’espérer qu’à force d’œuvrer main dans la main avec d’autres organisations de Palestine et avec nos amis de la communauté internationale, nous puissions mettre un jour fin à l’occupation. Et pourtant, avec la grâce de Dieu, nous voici proclamant que, là où règne la mort, nous ne voyons que sommeil. Ce qui semble mort peut revivre. Nous sommes tenus à rester fermes dans notre espérance.
Dans ce texte, l’espérance est liée à l’action. Jaïros, tout comme la femme, agit. Il s’approche de Jésus. Par amour pour sa fille, Jaïros quitte sa maison pour aller trouver le guérisseur. Dans une démarche semblable, la femme qui souffre d’hémorragies prend son courage à deux mains pour toucher le vêtement de Jésus. Marc nous dit qu’à cet instant, Jésus a senti une force sortir de lui et que la femme a été guérie, libérée de sa souffrance. Jésus lui dit : « Ta foi t’a sauvée ! » La femme n’a pas reçu passivement sa guérison, elle a participé activement à sa propre libération.
L’histoire de Jaïros et de la femme qui souffrait de pertes de sang nous met au défi de continuer à agir pour libérer le peuple qui vit sur cette terre, les Palestiniens tout comme les Israéliens. À travers le projet de Kumi Now – Lève-toi maintenant !, nous tendons la main, convaincus que la situation en Palestine peut encore être changée. Comme la femme dans l’évangile de Marc, nous prenons l’initiative d’agir, fort de notre foi que l’impossible peut être rendu possible.
Enfin, notez que les miracles de ce récit se passent dans des moments ordinaires de la vie de tous les jours. La femme atteinte d’hémorragie se trouve au milieu d’une foule qui la bouscule quand elle touche le vêtement de Jésus. Et dans la scène finale du récit, quand Jésus se tourne vers la petite fille pour lui dire « Talitha kumi – Fillette, lève-toi ! », Marc choisit de garder ces mots en araméen, qui était la langue parlée par Jésus et le peuple tous les jours, alors que les évangiles sont écrits en grec. Nous en sommes témoins, Jésus fait surgir des miracles du quotidien de nos existences.
Le langage de tous les jours dont Jésus se sert pour guérir la petite fille nous encourage à espérer des miracles. Nous en sommes témoins, Jésus a le pouvoir d’intervenir dans les moments les plus ordinaires de nos vies. Nous entendons l’ordre de Jésus qui nous demande de nous lever, dans le contexte qui est le nôtre, – pour être libérés de nos souffrances, comme la femme qui perdait son sang, et pour nous réveiller de notre sommeil, comme la fille de Jaïros.
Après avoir fait connaître la vérité sur notre situation et dénoncé l’injustice qui sévit sur cette terre, nous disons que le temps d’agir est venu, maintenant. C’est pourquoi nous lançons l’initiative « Kumi Now ! – Lève-toi maintenant ! » : un appel à nous lever tous ensemble et à agir pour la libération.
Talitha Kumi ! – Lève-toi !
Note :
[1] Combinaison du mot araméen Kumi (prononcer Koumi !) ‘Lève-toi !’, utilisé par Jésus dans ce récit de guérison et rapporté tel quel par l’évangile de Marc, et du mot anglais Now ‘Maintenant’, donc : ‘Lève-toi maintenant !’.
Nous avons choisi de garder tel quel le nom du projet que Sabeel propose à ses partenaires du monde entier
Source : https://drive.google.com/file/d/1KH6_5WeOrRCe3zF4C6Tg04B8RwHE4wIg/view