Chantiers de réformeFaire église autrement
Par Ed Condon
L’Agence Catholic News Agency (CNA ) a annoncé le 10 septembre que les évêques allemands ont rejeté une proposition alternative de processus synodal centré sur la « priorité à l’évangélisation » demandée par le pape François.
La proposition a été rejetée lors d’une réunion du comité exécutif de la Conférence épiscopale allemande au mois d’août, au cours de laquelle celui-ci a décidé de poursuivre les projets de création d’une Assemblée synodale sous la direction conjointe du président de la Conférence des évêques allemands et du Comité central des catholiques allemands (ZdK) [1].
De la même façon que le plan élaboré sous la direction du cardinal Reinhard Marx de Munich, le plan alternatif aurait créé une assemblée synodale composée d’évêques, d’autres membres du clergé et de laïcs. Il aurait également parrainé un certain nombre de forums synodaux pour discuter et élaborer des réponses aux problèmes ecclésiaux pressants.
Toutefois, contrairement au plan Marx, la proposition alternative avait été spécialement conçue pour inclure les instructions d’une lettre de juin du pape François aux fidèles allemands, qui définissait clairement les priorités d’un processus synodal authentique.
Le projet de plan a été soumis au Conseil permanent de la Conférence épiscopale allemande lors de sa réunion du 19 août. Il avait été proposé conjointement par le cardinal Rainer Woelki de Cologne et par l’évêque Rudolf Voderholzer de Ratisbonne.
Les représentants officiels et les observateurs présents à la réunion ont appris à la Catholic News Agency (CNA) que la proposition avait été rejetée par 21 voix contre 3 et que trois membres s’étaient abstenus. Le comité est composé des évêques diocésains en exercice du pays.
Le document proposait « un renouveau spirituel complet et approfondi compatible avec l’Église universelle et sa foi au sens de la “priorité à l’évangélisation” demandée par le pape François », qui a mis en garde les Allemands contre une approche synodale axée sur des considérations bureaucratiques et structurelles sans être animé par la mission essentielle de l’Église qui est de répandre la foi.
Tout en reflétant de nombreuses propositions structurelles du plan Marx, y compris la participation du ZdK, le plan Woelki-Voderholzer a placé l’appel du pape à la communion avec l’Église universelle et la primauté de l’évangélisation au centre des délibérations synodales.
Les deux projets prévoyaient l’incorporation de groupes de laïcs, dont le ZdK, ainsi que de représentants d’ordres religieux et du clergé diocésain.
Mais contrairement au plan Marx, qui incluait l’ensemble des évêques du pays dans l’Assemblée synodale, dans laquelle ils sont une minorité, dans le plan Woelki-Voderholzer la participation épiscopale serait limitée aux 27 évêques diocésains et à 13 évêques auxiliaires élus par leurs pairs. Selon des sources présentes dans la salle, Woelki et Voderholzer auraient déclaré aux autres évêques que leur intention était de souligner que la conférence des évêques restait un organe distinct et faisant autorité, dont l’autorité ne soit pas remplacée par celle de l’Assemblée.
Dans sa lettre de juin, le pape François a mis en garde contre une version de la synodalité qui ne procède que « de bas en haut » et qui manque d’une « synodalité complémentaire de haut en bas permettant, de manière spécifique et singulière, la dimension collégiale du ministère de l’épiscopat » dans la vie universelle de l’Église.
Contrairement au plan Marx, la proposition Woelki-Voderholzer réclamait également que des observateurs de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et du Conseil Pontifical pour la Nouvelle Évangélisation assistent aux sessions synodales et aurait prévu que la conférence plénière des évêques examine chaque résolution synodale, en y apportant les modifications nécessaires, et les vote, avant de soumettre chaque résolution à Rome pour « examen officiel et reconnaissance ».
En revanche, le plan Marx, qui a été approuvé lors de la réunion du mois d’août, définit l’Assemblée synodale comme « l’organe supérieur » qui « a un pouvoir délibératif ». Les statuts du plan Marx prévoient que l’Assemblée « n’affecte pas le pouvoir de la conférence épiscopale et des évêques diocésains », et ne prévoit pas non plus de mécanisme leur permettant de réviser ses résolutions.
De même, dans le cadre du plan Marx, « les résolutions concernant des questions réservées au contrôle de l’Église universelle seront transmises au Siège apostolique », mais ne demanderont ni l’approbation de Rome ni une réponse avant de considérer les résolutions approuvées pour application en Allemagne.
Dans sa lettre de juin, le pape François a averti que le processus synodal allemand devait éviter la tentation d’un « nouveau pélagianisme » cherchant à « mettre de l’ordre dans la vie de l’Église, en l’adaptant à la logique actuelle ». Le résultat serait selon François un « corps ecclésiastique bien organisé et même “modernisé”, mais dépourvu d’âme et de la nouveauté évangélique. »
Le pape a expressément mis en garde l’Église d’Allemagne contre la poursuite d’une démarche visant à « simplement s’adapter à l’esprit du temps » et les a exhortés à préserver le sensus ecclesiae de toute l’Église sur la foi.
« L’Église universelle vit dans et des Églises particulières, tout comme les Églises particulières vivent et s’épanouissent dans et de l’Église universelle et, si elles sont séparées de l’ensemble du corps ecclésial, elles s’affaiblissent, se fanent et meurent. D’où la nécessité de toujours garder vivante et efficace la communion avec l’ensemble du corps de l’Église », a écrit François.
Dans le texte original, obtenu par le CNA, la proposition de Woelki-Voderholzer suggérait sept sujets de réflexion synodale : les abus sexuels ; la délégation de laïcs au service de l’évangélisation ; la pastorale des jeunes et la catéchèse ; le ministère du mariage et les conseils aux familles ; le ministère des vocations ; la théologie et l’enseignement religieux au service de l’évangélisation ; et la spiritualité et l’évangélisation.
Le plan soulignait également que des sujets déjà clarifiés au niveau magistral, tels que l’ordination des femmes, que le pape François avait toujours rejetée conformément à l’enseignement immuable de l’Église, resteraient en dehors des discussions synodales.
Des sources proches de la conférence des évêques allemands ont déclaré au CNA que plusieurs évêques s’inquiétaient du fait que la création d’une possibilité de voter contre l’enseignement de l’Église pourrait créer « des attentes irréalistes » en matière de changement, et même « semer les germes de la dissidence entre l’Église particulière et l’Église universelle. »
Malgré l’avertissement du pape et la proposition d’une réponse synodale inspirée par François, le projet de plan approuvé par les évêques allemands, qui devrait être publié prochainement, énumère quatre domaines clés pour les forums synodaux à examiner et sur lesquels proposer des résolutions : l’autorité et la séparation des pouvoirs dans l’Église ; l’enseignement sur la « morale sexuelle » ; la discipline cléricale et « le mode de vie sacerdotal » ; et « les femmes dans le service des offices ecclésiastiques » dans l’Église.
Le ZdK, dont les membres constituent une partie importante de l’Assemblée proposée, a déjà publié les noms des participants à chacun des forums et leurs travaux ont commencé avant même la réunion du 19 août. Dans chaque cas, les membres du ZdK arrivent avec des dossiers qui s’opposent à l’enseignement et la discipline établis de l’Église, notamment en « exigeant » l’ordination des femmes, et en appelant à une « rupture radicale » avec l’enseignement de l’Église sur la moralité sexuelle pour parvenir à de nouvelles conclusions pratiques et théoriques.
Les déclarations publiques des dirigeants du ZdK ont souligné que la participation du groupe au processus synodal était subordonnée à « la transparence des délibérations et à la force contraignante des résolutions » qui seraient « garanties » par les évêques allemands ; et la constitution de l’Assemblée synodale selon le plan Marx a fait craindre que les délibérations du groupe ne provoquent une rupture avec l’enseignement universel de l’Église, malgré les avertissements du pape.
Dans une homélie prononcée le 7 septembre, le cardinal Woelki a évoqué les risques de réformes non fondées sur la vision du pape du sensus ecclesiae.
« Une Église qui s’adapte au monde dans sa foi n’est pas l’œuvre du Saint-Esprit, mais celle de notre esprit humain », a-t-il déclaré dans son homélie à l’occasion de la fête de la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie.
Il a également mis en garde contre la tentation de l’Église de se comporter « comme un parlement », en s’appuyant sur « les sciences sociales et humaines pour négocier sur la foi et la doctrine de l’Église ».
L’objectif de « la soi-disant réforme de l’Église », a déclaré le cardinal, ne propose souvent qu’« une adaptation à la pensée du monde ».
Note :
[1] Voir l’article https://nsae.fr/2019/08/13/le-%e2%80%89parcours-synodal%e2%80%89-de-lallemagne-va-t-il-changer-le-monde-catholique%e2%80%89/
Traduction : Lucienne Gouguenheim
