Fête de la Toussaint
Tout concourt à notre bien !
La jouissance
« Le péché, nous sommes tous dedans les uns pour en jouir d’autres pour en souffrir, mais à la fin du compte, c’est le même pain que nous rompons au bord de la même fontaine… » (Georges Bernanos)
Le péché, nous sommes tous dedans, mais seuls les saints – les grands saints – en ont une réelle conscience. Tous les grands saints de l’histoire se sont reconnu, en toute vérité, les plus grands pécheurs et les plus méprisables de tous les hommes.
Le péché, nous sommes tous dedans, mais nous n’en avons pas tous la même conscience. Tant que nous avons une connivence, une complicité avec le mal et le péché, nous ne pouvons pas distinguer clairement ce que peut être un monde où Dieu seul est aimé, et le mal unanimement détesté.
Le péché, nous sommes tous dedans, mais certains en jouissent, certains se réjouissent de ce qui fait souffrir les autres. Tant que le mal ne nous fait pas souffrir, nous sommes en danger de nous laisser glisser sur la mauvaise pente. « Avant d’avoir souffert, je m’égarais, dit un psaume, maintenant, j’observe tes ordres. »
Le manque
Jésus nous donne les Béatitudes pour nous instruire : “Quand Jésus vit toute la foule qui le suivait, il gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent. Alors, ouvrant la bouche, il se mit à les instruire.” Il nous apprend à avoir une réelle conscience du mal pour ne pas sombrer dans le malheur. Il ne veut pas que ses disciples se laissent égarer.
« Avant d’avoir souffert, je m’égarais » dit le psaume.
« Heureux ceux qui pleurent, ils seront consolés !
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, ils seront rassasiés !
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, le Royaume des cieux est à eux !
Heureux serez-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux ! »
Béatitudes marquées par la souffrance, par le manque, les blessures et les coups ! « Mieux vaut, dit Jésus, être du côté de ceux qui souffrent du péché plutôt que du côté de ceux qui aiment le commettre. Réjouissez-vous – non pas de souffrir pour souffrir – mais de ce que le mal vous fait : vous êtes proches du Royaume des cieux, il est déjà à vous ! » Jésus, par ces Béatitudes qui portent la marque du manque ou celle de la souffrance enseigne à ses disciples que la conscience du mal n’est pas une idée purement intellectuelle ; avoir conscience du péché, c’est en ressentir la blessure dans sa propre chair. « Heureux êtes-vous, dit Jésus, car cette morsure est le signe que déjà vous êtes libérés. »
La surabondance
Mais il y a aussi les autres Béatitudes, celles qui ne comportent pas de trace de souffrance, celles qui sont marquées par une sorte de luxuriance, de surabondance de vie :
« Heureux les doux, ils obtiendront la terre promise !
Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !
Heureux les cœurs purs : ils verront Dieu !
Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu ! »
Jésus ne parle plus de larmes, de persécutions ou d’injustices. Béatitudes de repos et de paix : heures de surabondance où la vie s’écoule simplement, où douceur et miséricorde, paix et pureté de cœur remplissent chaque instant et annoncent un avenir de bonheur ! Béatitudes de joie sans trace de souffrance !
Certes, un artisan de paix, un homme au cœur pur, un doux et un homme de miséricorde connaîtront sur cette terre des heures de souffrance devant la violence et la guerre. Mais, dans ces Béatitudes, Jésus n’en parle pas… il semble l’oublier… comme s’il voulait nous dire qu’il est possible, par moment, sur cette terre d’oublier totalement la souffrance.
Un bonheur sans mélange… une plénitude qui demeure en attente d’un avenir de bonheur encore plus grand une existence où le péché et la souffrance qui l’accompagne sont oubliés… Jésus nous laisse pressentir que de telles heures existent dès cette terre même si, sur cette terre, elles ne peuvent pas être le tout de l’existence.
La Joie des pauvres
Ouvrant la bouche, Jésus se mit à instruire ses disciples. Il disait : « Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! »
Avant les Béatitudes marquées par le manque et la souffrance, avant celles qui portent la marque d’une sorte de luxuriance, avant tout, Jésus dit : « Heureux les pauvres de cœur le Royaume des cieux est à eux ! »
Béatitude inclassable ! « Heureux les pauvres de cœur » : « Heureux ceux qui manquent » dit Jésus qui semble pousser cette Béatitude du côté des premières, marquées par la souffrance et le vide. Mais Jésus ajoute : « Le Royaume des cieux est à eux »… « Le Royaume est leur propriété ; dès maintenant ils possèdent la Vie en plénitude », dit Jésus qui fait alors passer cette Béatitude du côté des secondes marquées par l’abondance.
« Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux ! » C’est la première Béatitude et elle est au présent. Le Royaume des cieux n’est plus à espérer, déjà il est là ! Le pauvre de cœur, et lui seul, trouve sa joie en tout et sans attendre. Il trouve sa joie au cœur du manque autant que dans la luxuriance. Il trouve sa joie à passer de l’un à l’autre : « Car le malheur non moins que le bonheur, tout concourt à son bien ! » (Bernard de Clairveaux).
Christine Fontaine