Par le Frère Dominique Sornin
Ce témoignage a été présenté lors de l’Assemblée générale des Réseaux du Parvis, le 16 novembre dernier, par l’association Partenia 77. Nous sommes heureux de le reproduire ici.

Je suis Dominique Sornin, religieux laïc, de la congrégation des Frères Missionnaires des Campagnes, et j’ai vécu 26 ans au Nord – Nordeste du Brésil, de 1992 à 2018. Rentré en France, il me faut réapprendre, et encore aujourd’hui, à vivre en Europe ! Tout a tellement changé en un peu plus d’un quart de siècle… la société, la politique, etc., et bien sûr l’Église !
Je suis arrivé au moment des grands scandales de pédophilie et principalement de « l’affaire Barbarin » ! Un véritable tsunami, qui, je pense, était nécessaire et salutaire pour tous. La langue de bois n’aura plus (ou presque) droit à la parole ! La presse s’en est donné à cœur joie, quoi de plus normal ! Les journaux La Croix et Le Pélerin lancèrent, eux, une large réflexion avec pour titre : « Reconstruire l’Église ! »
Je dois avouer que j’avais personnellement peu envie d’entrer dans cette réflexion. Pour moi, ne valait-il pas mieux faire table rase plutôt que vouloir toujours « étayer » avec les éternels madriers que sont les demandes d’excuses ou de pardon ? Puis est venu le débat sur le cléricalisme dans l’Église. Voilà, je crois, le sujet le plus important à travailler, que ce soit historiquement ou pour le futur de l’Église qui se construit tous les jours ! Au groupe Partenia 77, chacun s’est exprimé sur sa manière de concevoir le ministère sacerdotal et peut-être ainsi construire, enfin, une Église à l’écoute des hommes aujourd’hui. Une Église prophétique, transparente, qui témoigne et n’est pas là que pour donner des leçons !
Enfin, voulu par François, est venu le temps du Synode sur l’Amazonie. Là aussi, les moyens de communication nous livrèrent de très bons articles dans l’ensemble. Une idée cependant prenait de plus en plus de place, celle des ministères, et plus particulièrement l’ordination d’hommes et de femmes mariés !
Au groupe Partenia, j’ai fait part de mon opinion, mais aussi de ce que les exigences de la mission nous amenèrent parfois à vivre comme ce fut le cas au Brésil. Au Nord-Nordeste, les saisons n’existent pas comme ici en Europe. Il y a 6 mois de pluies et 6 mois de sécheresse. Nous n’avions pas de goudron, mais des pistes impraticables en temps de pluies, ceci même en 4×4. Parfois, il nous fallait faire des heures de marche et souvent rebrousser chemin, car les ponts de bois venaient d’être emportés par les rivières en crue. Il nous est donc arrivé de ne pouvoir assister certaines communautés. Qu’à cela ne tienne ! Toutes les fins de semaine, les dirigeants (la plupart sont des femmes) animent seuls les célébrations, alors une de plus ou une de moins ! C’est pour ces raisons que des initiatives furent mises en place, et ceci en accord avec notre évêque. Un homme simple, compréhensif, aimant le peuple qui le lui rendait bien, un Pasteur qui connaissait ses brebis, comme l’entend l’Évangile et le demande François. Un évêque qui nous donnait déjà, à nous frères laïcs, l’autorisation de célébrer mariage et baptême. Que faire donc quand ceux-ci étaient programmés et qu’il nous était impossible d’aller administrer ces sacrements du fait des conditions météo ?
L’évêque autorisa donc exceptionnellement les dirigeants à présider ces sacrements : des animateurs de communautés chrétiennes, père ou mère de famille, honnêtes, simples, travailleurs, parfois peu lettrés certes, mais amoureux et serviteurs de l’Église. Ils étaient aimés et respectés par les fidèles. Oserais-je dire que leur présence était sûrement plus crédible que la nôtre… pourquoi pas ! Eux connaissaient les mots vrais à dire sur le mariage ou l’éducation chrétienne des enfants, car ils étaient époux et parents. Nous célibataires, étions écoutés, il faut bien le reconnaitre, par respect et éducation.
Je pense donc, fort de ces quelques expériences, que ce que proposent éventuellement les travaux du Synode, à savoir l’ordination d’hommes mariés, ne résoudra pas le manque de prêtres, mais amplifiera encore plus la cléricalisation. Le vrai pas prophétique serait de reconnaitre les laïcs comme participant à l’œuvre de Dieu au milieu de son peuple. Une charge ministérielle leur serait confiée par l’Église. Que ce soit à un homme ou à une femme, peu importe, mais sans pour autant être ordonné pour cela.
Le texte préparatoire du Synode (Instrumentum Laboris 5) disait :
« La conversion écologique intégrale s’achève par la rencontre avec les cultures qui inspirent les nouveaux chemins, les défis et les espoirs d’une Église Samaritaine qui veut être prophétique à travers une véritable conversion pastorale. »… Une brèche est faite, certes… mais nous en sommes loin !
Que sortira-t-il des travaux du Synode… je n’en sais rien. Je regrette un peu que cette histoire de ministères occulte les vrais problèmes, comme la déforestation et le respect des peuples Indiens. Souvent, je repense à un ami théologien, le Père Comblin quand il nous disait : « Nous les théologiens, nous parlons de Dieu. Les pauvres eux, parlent avec Dieu ! »
Que vienne cette Église !