Qu’avez-vous appris de la pandémie du coronavirus ?
Par Nancy Sylvester
« Où étiez-vous quand le coronavirus a frappé ? » C’est le genre de question que nous nous posons souvent en nous rappelant un incident majeur (souvent tragique) qui s’est produit dans notre vie. Peut-être que lorsque nous nous souviendrons du coronavirus, la meilleure question sera : « Qu’avez-vous appris de la pandémie de coronavirus ? »
Au moment où j’écris ceci, nous sommes en train d’essayer de comprendre comment elle se propage et ce que nous devons faire pour contrôler l’infection. Les membres de la profession médicale travaillent sans relâche pour le comprendre et s’occuper de tous ceux qui ont été infectés par cette maladie.
On nous demande à nous autres de rester à l’intérieur et de pratiquer la « distanciation sociale » pendant une période de temps inconnue.
Il est difficile d’acquérir une perspective lorsque vous êtes dans une telle incertitude ; de donner un sens à ce qui se passe et d’imaginer comment le futur émergera.
Après ma séance contemplative, je me suis retrouvée attirée par les Psaumes. Les Psaumes capturent tant d’émotions, offrent des moyens poétiques d’interpréter ce que nous vivons et nous aident à voir la présence divine en tout. Alors que je réfléchissais à tout ce qui se passait et comment y entrer à partir d’un espace contemplatif, j’ai trouvé le Psaume 18 très utile, et je propose donc quelques réflexions sur la manière de faire face à cette crise. Je citerai la traduction de Nan Merrill, Psalms for Praying :
Tu m’as délivré des préjugés et de l’intolérance ;
Tu as ouvert mon cœur à toutes les nations ;
Des gens que je n’avais pas connus se sont liés d’amitié avec moi.
J’étais en pèlerinage en Grèce avec Future Church lorsque les inquiétudes du président Donald Trump concernant le coronavirus se sont intensifiées. Avant notre départ, de nombreux pays commençaient à prendre des mesures pour contenir le virus, mais le président Trump ne croyait pas encore que ce virus constituait une menace nationale majeure. Nous avons donc pu partir en voyage puis rentrer chez nous en toute sécurité avant que la politique américaine ne restreigne les voyages.
Le coronavirus est devenu « réel » pour moi vers la fin du pèlerinage. Notre groupe de 29 était passé d’un ensemble d’étrangers à une vraie communauté. Nous étions prudents et nous nous désinfections les mains tout le temps. Nous nous sentions en sécurité et avons essayé de garder les choses en perspective. Pendant que nous voyagions de Thessalonique à Athènes, nous étions souvent les seuls dans les hôtels où nous avons séjourné, dans les restaurants et sur les différents sites archéologiques.
Quand nous sommes arrivés à l’hôtel à Athènes et sommes allés dîner, les choses ont changé. Lorsque je suis entrée dans un restaurant très bondé, j’ai été prise au dépourvu. Tout à coup, en regardant ces « autres » de divers pays, j’ai réalisé les implications de ce que l’on appelait maintenant une pandémie. Pendant un moment, j’ai senti que tous ces « autres » étaient les porteurs potentiels du virus. Certainement pas notre groupe de 29.
J’ai pris conscience de la rapidité avec laquelle un groupe peut devenir une tribu et les « autres » deviennent ceux contre lesquels vous devez vous protéger et protéger votre groupe. Les « autres» pourraient même devenir la cause de tout ce qui se passe et devenir le bouc émissaire.
Cependant, alors que je commençais à réfléchir sur la réalité d’un tel virus et sur la façon de tenter de le contenir, il est devenu clair que peu importe ce que mon groupe et moi faisions pour rester en bonne santé, ce n’était pas suffisant. Je devais avoir confiance que tout le monde dans le restaurant soit également déterminé à se laver les mains et à suivre les autres mesures préventives qu’on nous avait demandé de pratiquer. Car si l’un de nous devait contracter le virus, nous serions tous mis en quarantaine.
Je pouvais sentir ce qui se tissait entre tout le monde dans la salle à manger. Nous étions tous interconnectés et embarqués ensemble. Ce sentiment était assez viscéral et il perdure en moi pendant que je termine ma quarantaine auto-imposée à la maison.
Il est trop facile de tomber dans les schémas inconscients, de blâmer « l’autre » – le virus « Kung Flu », le virus étranger – c’est sa faute. La contemplation vous invite dans un espace pour rester éveillé et attentif aux réactions intolérantes ou préjudiciables. Il vous invite à être ouvert à l’étranger inattendu qui vous offre de la compassion.
Car j’ai poursuivi mes peurs et je leur ai fait face ;
Et je n’ai pas fui pour m’en libérer.
J’ai regardé à travers chacune, pour qu’elles ne puissent pas se lever ;
Elles ont été transformées par l’amour.
Les craintes abondent. Une telle incertitude. Combien de temps ça va durer ? Pourrai-je payer mes factures ? Et si je tombe malade ? Pendant combien de temps serai-je séparé des gens que j’aime, en particulier les aînés ? Y aura-t-il suffisamment de nourriture et d’autres produits essentiels ? Aurai-je un emploi ? Conserverai-je mon entreprise ? Et mes revenus futurs ou mes économies ? Quel avenir pour mes enfants et petits-enfants ?
Autres émotions : ressentiment, colère, tristesse profonde, frustration montent alors que nous faisons face à des mariages qui – après des mois de planification – sont perturbés ; diplômes pour diplômés des collèges et lycées délivrés par la poste ; voyages économisés au fil des ans annulés ; anniversaires, événements sportifs, concerts, pièces de théâtre, conférences et réunions – autant d’événements qui enrichissent nos vies… ne se produisent pas.
Le psalmiste nous dit de poursuivre nos peurs et d’y faire face. Excellent conseil, car nous savons que les émotions négatives provoquent du stress et des maladies si elles ne sont pas reconnues. Aussi contre-intuitif que cela puisse paraître, affronter ces émotions et ces peurs, les embrasser, aide à libérer leur pouvoir sur soi et leurs effets négatifs sur soi.
Il est inutile d’essayer d’arrêter de ressentir de telles émotions ou de penser que vous ne devriez pas les ressentir pour toutes sortes de raisons. Les réprimer ou les rejeter les fait souvent bouillir à petit feu juste sous la surface. Les pratiques contemplatives à l’Est et à l’Ouest nous invitent à entrer intentionnellement dans le sentiment, même à l’intensifier et à le transformer avec un cœur aimant. Il vaut la peine d’essayer de voir si le Tonglen de la tradition bouddhiste et la pratique d’accueil, qui fait partie de la prière centrée, pourraient nous aider en ce moment. Les liens vous ramènent à des réflexions passées qui expliquent ces pratiques.
Pourtant, il n’y avait pas de refuge, pas de cachette contre la peur.
Ensuite, on a vu les canaux de la mer,
Et les fondations du monde ont été mises à nu,
La terre a exprimé un frisson puissant
Puis s’est installée pour guérir dans le Silence.
Il semble que notre terre exprime un frisson puissant. Nous savons que nos systèmes économiques et politiques sont devenus dysfonctionnels. En tant que peuple, nous sommes trop nombreux dans les pays industrialisés à consommer beaucoup plus que ce qui est nécessaire. L’individualisme a éclipsé le souci du bien commun. La crise climatique continue de s’intensifier. Les anciennes méthodes ne fonctionnent plus. Nous avons besoin d’une nouvelle conscience pour imaginer de nouvelles façons de répondre aux crises que nous traversons.
Alors que la Terre s’installe pour guérir dans « le Silence », nous pouvons peut-être nous réunir à travers le fossé idéologique pour nous asseoir ensemble en silence. Dans cet espace, nous commencerions à partager nos désirs les plus profonds et nos espoirs de devenir une communauté terrestre pour ce millénaire. Ayant cessé de faire tant de choses que nous tenons pour acquises, nous pouvons être disposés à sortir de notre guérison de nouvelles façons – en créant des structures pour fournir une distribution plus équitable des revenus et des ressources pour tous.
Je m’abandonne à toi, ô présence vivante,
Ma force. Tu es mon rocher, ma forteresse,
Ma liberté. …
Je t’invoque, cœur de mon cœur,
Je chante des louanges à ton nom,
Et la peur ne me retient plus.
La contemplation dispose à l’intention d’être ouvert au fonctionnement du divin en soi. En cette période de crise, entrons en séance contemplative. Prions pour que nous apprenions à travers cette pandémie la nette prise de conscience que nous sommes tous connectés ; que lorsque nous affrontons nos peurs, nous pouvons les transformer par l’amour ; et que nous en sortions tous engagés dans une nouvelle façon d’être et d’agir.
Dans les années à venir, c’est ce que j’espère répondre quand on nous demandera : « Qu’avez-vous appris de la pandémie de coronavirus ? »
Source : https://www.globalsistersreport.org/news/spirituality/column/what-did-you-learn-coronavirus-pandemic
Traduction : Lucienne Gouguenheim