DIMANCHE DES RAMEAUX 2020
Par Jean Joseph Stenger [1]
Aujourd’hui : deux Évangiles. Dans le premier (Matthieu 21, 1-11), la foule crie : « Hosanna ! Vive Jésus, Vive le Messie ! dans le 2e (Matthieu 26, 14-27, 66), la foule crie : “Qu’il soit crucifié !” »
Et ne croyons pas qu’il y a, comme dans les mauvais westerns, les « bons » d’un côté qui acclament l’entrée de Jésus à Jérusalem et de l’autre côté les « méchants » qui réclament sa mort. La foule souvent est versatile et le cœur de l’homme partagé. Ce sont sans doute, pour une part, les mêmes qui acclament joyeusement le Christ et qui, quelques heures plus tard, réclament sa mort. Il y a là, une image saisissante de réalité, du cœur de l’homme, de notre propre cœur, parfois…
En cette Semaine Sainte de confinement, beaucoup vont se lamenter de ne pas pouvoir participer à des célébrations dans les églises, mais, chaque année, les célébrations du Vendredi Saint et de la Vigile pascale attiraient moins de monde…
Aujourd’hui, bouleversés par les images que nous voyons à la télévision, condamnés à vivre reclus dans notre appartement ou notre maison, touchés au cœur par la maladie ou la mort de gens que nous aimons, nous disons : demain, ça va changer, il faudra vivre autrement, être plus solidaires, plus humains, plus respectueux de la nature, de l’environnement, de notre planète… et pourtant, demain, peut-être, nos dirigeants, et nous-mêmes nous serons frappés d’amnésie, espérons que non !
Le cœur de l’homme est versatile
Aujourd’hui, nous aimerions acclamer le Christ en chantant « hosannah ! » et en agitant nos rameaux, fiers d’être catholiques, et pourtant, nous le savons bien, nous sommes aussi capables de le renier, de l’oublier, de le mépriser, lorsque le visage du Christ prend la figure concrète de l’homme bafoué, humilié, rejeté, écrasé par les rouages aveugles de notre système économique. Est-ce que demain, oubliant les paroles du Christ « j’ai eu faim, vous m’avez donné à manger, j’étais étranger, vous m’avez accueilli …», nous allons reprendre nos discours racistes, fermer notre cœur et nos frontières ? Demain, allons-nous accepter de nous laisser manipuler par la télévision aux mains des puissances d’argent, détourner notre regard de celui qui souffre en silence, parce qu’il ne fait pas la une du journal télévisé : que ce soit près de nous, la misère qui augmente, les fins de mois difficiles, les impayés, l’angoisse du lendemain, les médicaments, les soins trop chers, la crainte du chômage, la peur pour l’avenir des enfants, etc. que ce soit au loin, tous ces enfants qui meurent par millions, à cause de ces bandits qui exploitent les peuples du Tiers Monde, spéculent sur le cours des matières premières, s’enrichissent en plaçant leur argent injustement gagné dans des paradis fiscaux.
Regardons vers le Christ qui souffre sur la croix
Ces enfants qui meurent, ces mamans qui pleurent, à cause de l’injustice, de la faim, à cause des guerres, c’est bien Jésus qui continue sa Passion, qui continue de souffrir à travers ses frères.
« Ce que vous faites au plus petit des miens, dit Jésus, c’est à moi que vous le faites. »
La Passion, c’est aussi tout ce peuple de médecins, d’infirmières, d’aide-soignants, de femmes de ménage, d’auxiliaires de vie qui vivent leur métier avec passion, jusqu’aux limites de leurs forces, parfois en acceptant de vivre séparés de leur famille, de leurs enfants. Toutes ces Véronique qui, avec un linge, essuient le visage de Jésus sur son chemin de croix. Comment demain, pourrait-on oublier cela ?
Rendons grâce à Dieu pour les caissières des supermarchés, les éboueurs, les routiers, tous les Invisibles, tous les Bons Samaritains, tous les Simon de Cyrène qui, aujourd’hui, aident Jésus à porter sa croix.
Déposez un brin de Rameaux près de la croix de Jésus
Lorsque j’étais prêtre à la paroisse St Christophe au Neuhof, dans ce quartier de misère, la messe des Rameaux était la célébration qui rassemblait le plus de monde, avec plein d’enfants, dans ce quartier où vivent beaucoup de familles Manouches et Yennisch. C’était un peu bruyant, disons, bien vivant, un peu comme à Jérusalem à l’époque.
Grâce à Maxime, un copain de la Mission Ouvrière de Lille, j’ai introduit un beau « rituel » comme disent les liturgistes. Après l’homélie je disais aux gens :
Maintenant vous allez prendre en main votre rameau,
regardez-le bien… ce rameau représente votre vie.
Dans la vie, il y a des joies :
La naissance d’un enfant, réussir un examen, trouver un travail
Une guérison, une amitié, un amour.
Dans la vie il y a des souffrances :
La maladie, la mort d’un enfant, d’un parent, d’un ami
Le chômage, les problèmes d’argent, les fins de mois difficiles
Les peurs, la violence, une amitié, un amour brisés.
Avec notre rameau, ceux qui le veulent, nous allons avancer lentement, vers la croix de Jésus.
Avec le rameau, on va toucher la croix de Jésus.
On peut dire le prénom d’une personne, pour qui on veut spécialement prier.
On peut détacher un petit brin du rameau, et le déposer au pied de la croix.
C’est votre vie que vous déposez aux pieds de Jésus.
Dans cette procession, calme, recueillie, il y avait quelques larmes, beaucoup d’émotion…
Bénissez vos Rameaux !
En cette fête des Rameaux 2020, où vous êtes confinés chez vous, vous allez peut-être participer à la messe télévisée, à 10 h 40 sur France 2.
Parce que, par votre baptême, vous êtes consacrés prêtres, prophètes et rois, vous pouvez aussi, si vous le voulez bien, bénir vous-mêmes vos rameaux, rassemblés en famille.
Après avoir lu l’Évangile de l’entrée de Jésus à Jérusalem, vous pouvez peut-être chanter « Hosannah » puis dire ensemble cette prière :
Père, aujourd’hui nous nous souvenons du jour où Jésus est entré à Jérusalem, acclamé par la foule.
Donne-nous de te prier, de te chanter, humblement, les rameaux à la main.
Donne-nous de t’accompagner aussi, sur ton chemin de Croix avec toutes les personnes qui souffrent aujourd’hui de ce virus, avec tous ceux qui, à travers le monde, souffrent de la faim, de la guerre, de la misère
Accueille notre prière, et daigne bénir ces Rameaux que nous allons accrocher à nos crucifix.
Donne-nous qu’unis à Jésus, nous portions des fruits qui te rendent gloire.
Donne-nous de vivre comme lui, en faisant le bien.
Lui qui vit avec toi pour les siècles des siècles.
Dans des circonstances exceptionnelles, comme celles que nous vivons, en Église aussi, tous les chrétiens peuvent présider la prière, nous a dit le pape François :
« Dans les circonstances spécifiques de l’Amazonie, il faut trouver un moyen d’assurer ce ministère sacerdotal. Les laïcs pourront annoncer la Parole, enseigner, organiser leurs communautés, célébrer certains sacrements, chercher différentes voies pour la piété populaire et développer la multitude des dons que l’Esprit répand en eux. » (Chère Amazonie, 2 février 2020 N° 89)
Aujourd’hui, dans nos confinements, privés de Messe, nous sommes – un peu – en Amazonie.
Note :
[1] Prêtre du Prado, aujourd’hui retraité.Source : https://www.facebook.com/profile.php?id=100016680436376&fref=search&tn=%2Cd%2CP-R&eid=ARDAwpid8BBOzGq4-_9qgYdlq4Xto3yMA4_2yurYw3VPEHatkiuMYuDYAqMv6R6U8LWdhK4QfZdH8AHI