Cléricalisme et société
Le Groupe NSAE de Montpellier participe régulièrement un « Café de la vie ».
Nous reproduisons ici le compte-rendu de la rencontre du 25 mai 2019.
Compte-Rendu du Témoignage de Gui Lauraire
Le cléricalisme c’est l’ambition du pouvoir dans l’Église et le goût de la richesse. Ce n’est pas que dans l’Église, mais c’est scandaleux et intolérable dans l’Église. Il s’oppose radicalement à l’Évangile. Jésus dit que celui qui veut être le premier soit le serviteur ! C’est par le baptême que nous sommes chrétiens. Tous les chrétiens sont égaux en dignité. Héritiers de Dieu ils sont cohéritiers avec le Christ.
Le 3e siècle marque un tournant dans l’Église. Les chrétiens sont nombreux et Constantin, en 343, publie l’Édit de Milan qui déclare le droit à la liberté religieuse. Mais le cléricalisme avait commencé avant. Origène en 245 disait : « nous sommes inabordables par les plus pauvres, et cela surtout dans les grandes villes ». Certaines fonctions avaient une certaine tendance à la prise de pouvoir ! Sous Constantin s’installe une monarchie de droit divin, l’Église se calque sur l’État, les clercs sont séparés des laïcs… Quand l’Empire s’effondre, c’est l’évêque de Rome qui devient le roi !
Le mot clerc vient de « cléros » qui veut dire en grec « choisir, tiré au sort ». Cela désigne en fait toute la communauté. Cf. Ephésiens1, 11 : « nous avons été tirés au sort selon le dessein de Dieu ». Tous et pas quelques-uns. Pierre : 1P2, 9-10 : Les laïcs sont le peuple de Dieu (laos), comme si les clercs ne faisaient pas partie du peuple de Dieu ! Le prêtre juif a un aspect négatif, car les juifs ont mis Jésus en croix. Dans la lettre aux Hébreux il est écrit que Jésus est l’unique prêtre. En fait nous sommes tous prêtres par notre baptême. Le sens originel a été détourné. Le prêtre est considéré comme un autre Christ ce qui crée la hiérarchie du laïc subordonné au prêtre ! Nous sommes dans ce cadre-là. Les conséquences sont graves : générations infantilisées, décharge de responsabilité…
Don Guéranger de l’abbaye de Solesmes mort en 1875 disait « la masse du peuple dans l’Église est essentiellement gouvernée et radicalement incapable d’exercer aucune autorité, ni directement ni par délégation…» Qu’a voulu fonder Jésus Christ ? Une société de laquelle l’obéissance, la soumission obtient à tous les degrés la plus complète réalisation. Léon XIII en 1895 disait que dans l’Église « on distinguait l’enseigné et l’enseignante, le troupeau et les pasteurs, parmi lesquels il y en a un qui est le pasteur suprême de tous… C’est dans cette subordination et dépendance que gisent l’ordre et la vie de l’Église ». Pour Pie X « l’Église est par essence une société inégale ». Les prêtres se sont choisis entre eux. Le laïc est celui qui n’appartient pas au clergé ! Le cléricalisme fait de l’Église une société patriarcale, inégalitaire, ne donnant aucun pouvoir aux femmes. Mais un évêque canadien vient de choisir une femme comme vicaire général !
La société a évolué. Au Moyen âge le cléricalisme touchait toute la société. De nos jours l’Église parait en décalage ce qui la discrédite. Vatican II ne l’a pas rejeté. Le livre Sodoma décrit un système oligarchique pour conserver le pouvoir. C’est la culture du secret, la conspiration du silence (cf. la tyrannie du silence de Claire Maximova).
Pour Larousse, le cléricalisme c’est une opinion favorable à l’intervention du clergé dans les affaires publiques, donc l’alliance des pouvoirs. L’Église n’est plus le signe qu’elle devrait être. Pour le pape François le prêtre est devenu un prince, il passe à côté de l’accueil. Il a une attitude auto référentielle, il est dans la logique du pouvoir et non du service. C’est la douane pastorale ! Il doit sortir pour témoigner. Dire non aux abus c’est dire non au cléricalisme. cf. les 15 péchés capitaux dénoncés par le Pape lors de ses premiers vœux aux cardinaux de la Curie !!
Quelle image du prêtre ont les laïcs ? Un laïc à qui on proposait de prendre des responsabilités disait avoir 3 blocages :
- je ne sais pas alors que le prêtre est compétent,
- je n’ai pas le temps alors que le curé a du temps,
- je n’ai pas le droit, car le curé est consacré.
Le blocage majeur c’est le sacré. Le sacré c’est païen. Jésus nous appelle à la sainteté. Olivier Clément dit : « il n’y a pas de profane, il n’y a que du profané ». Seul Dieu est sacré et tout homme créé à son image.
Danièle Hervieu Léger dit que le système clérical n’est pas réformable : il faut le déconstruire pour réformer l’Église. Les 10 pistes données dans La Croix sont insuffisantes. Il y aura seulement une amélioration. L’Église ne peut renaître qu’aux périphéries, dans des petites communautés où l’on partage la vie et l’Évangile et qui forment peu à peu un réseau. La condamnation des communautés de base s’est arrêtée avec Benoit XVI. Les petites communautés font que l’Église devienne plus humaine. Leur rayonnement fera peu à peu évoluer l’Église.
Débat
X : il y a aussi le cléricalisme des laïcs !
GL : on donne des responsabilités aux laïcs qui ne peuvent les assumer jusqu’au bout pour les raisons que je vous ai dites.
X : je fais partie d’une association qui soutient le Pape. J’ai rencontré un prêtre ouvrier qui disait qu’ils sont très remis en question. Teilhard de Chardin disait qu’il faut agir là où l’on est.
GL : le ministère est devenu un magistère au IVe siècle. Il y a l’Église enseignée et l’Église enseignante qui doit être aussi aujourd’hui enseignée.
X : j’arrive d’Avignon, chrétien dans l’enseignement public, ma foi associée à mon engagement laïc sont fructueux. La laïcité est une chance pour l’Église de même que la sécularisation. J’écoute ce que disent les évêques : le nouveau président de la Conférence des évêques de France Mgr Éric de Moulin Beaupart (de l’écurie de Mgr Lustiger) a dit des choses intéressantes. Il veut réparer ce qui ne va pas. Le clerc doit avoir la volonté d’encadrer…
GL : mais on reste dans le système ! L’évêque est nommé par coaptation et non par la communauté qui peut dire de qui ils ont besoin. Le ministre est à la croisée du charisme et des besoins de la communauté. Il faudrait en discuter avant…
X : comme chez les protestants. Modèle pour l’Église Catholique ?
GL : en partie oui. Luther a déclaré que le baptême fait le chrétien. Combien de chrétiens sont privés d’Eucharistie ? Par ex au Pérou si vaste ! Chez les protestants certains Conseils pastoraux sont très lourds. Les orthodoxes sont soumis au pouvoir politique (ex en Russie). Ceci prouve l’intérêt de l’œcuménisme qui permet de voir les richesses et les erreurs des autres et d’avancer ensemble.
X : l’Église est en décalage avec le monde, elle n’est plus crédible après ces scandales ! Comment créer ces petites communautés ?
GL : ça se fait : 4 ou 5 personnes qui refusent l’institution, mais se retrouvent pour partager sur l’Évangile. Ex. : NSAE (Nous Sommes Aussi l’Église), rattaché au PARVIS. Pour les médias c’est le pouvoir ecclésial qui compte. Le pape François a moins de passage à la TV que Jean Paul II.
X : Comment ne pas se prendre pour Dieu ?
GL : Dieu s’est pris pour un homme ! Tout laïc peut baptiser. Les baptisés se donnent le sacrement de mariage. Pourquoi ne pas célébrer l’Eucharistie ?
X : c’est au niveau de la communauté que va se faire la régulation.
GL : pour moi il n’y a que 2 sacrements : le baptême et l’Eucharistie. Les autres sont des sacramentaux. La 1re mention des 7 sacrements date de 1141. Pourquoi les visiteurs de prisons ne pourraient pas donner le sacrement des malades ?
X : je ne suis pas croyant. Frédéric Lenoir, un humaniste fait remonter le cléricalisme à Constantin et au concile de Nicée. Parler d’Église catholique, apostolique et romaine, n’est-ce pas une imposture ? C’est l’histoire de l’Église ou l’histoire de la civilisation occidentale basée sur le machisme ?
GL : le 1er accident de parcours est le passage d’une civilisation sémitique à une civilisation grecque, d’une vision unitaire de l’homme à une vision dualiste. On a bridé le corps dans l’Église. L’Église est le corps du Christ et le corps il faut l’écraser ! Au concile de Nicée est apparue la philosophie. Calvin parlant de la Cène dit : « je crois en la transsubstantiation », mais aujourd’hui est substance ce qui apparaît. Le langage évolue. L’infaillibilité du pape, c’est impensable ! Je n’y crois pas.
X : j’ai vécu 40 ans au Mexique où des êtres chers vivent toujours en communauté. Jean Paul II a décapité ces communautés. Je reste en contact avec une communauté et je leur demande comment ils vivent cela. Personnellement j’ai pris mes distances avec les dogmes. Je vais mieux. J’aimerais appartenir à cette Église…
GL : d’accord. La théologie de la libération apporte quelque chose à l’Église. L’Église a fait alliance avec Pinochet ! Les dictatures ont toujours trouvé l’appui de l’Église. Don Helder Camara disait « bienheureux communistes ». On ne le dit pas des chrétiens. On a cherché à les détruire. L’avenir de l’Église est dans les Communautés.
X : une autre manifestation du cléricalisme c’est le retour du spirituel de pair avec la dimension sociale de l’Évangile.
GL : il y a erreur sur le mot spirituel : ce n’est pas le ritualisme. Le ritualisme qui revient c’est l’encens… Certains disent qu’il faut retourner avant Vatican II.
X : je ne comprends pas cette habitude de canoniser les papes ! Je regrette un peu que vous ne mettiez l’accent que sur les communautés. Je pense que notre Église est réformable. Les drames de pédophilie donnent peut-être une fenêtre pour lutter contre le cléricalisme. À nous d’interpeller nos clercs. D’un mal peut sortir un bien.
X : On ne parle pas assez d’espérance, trop de cette Église épouvantable ! Un prêtre aujourd’hui c’est un homme, à temps plein, qui ne peut se marier… il faut tout revoir.
GL : l’Église est réformable, l’institution c’est autre chose. Elle ne pense qu’à survivre. Ce n’est pas dans la paroisse qu’on pourra réformer l’Église. Nous devons nous engager à faire vivre les petites communautés.
X : les musulmans sont peinés de voir ce qui se vit dans l’Église catholique.
GL : il faut tirer parti des choses mauvaises et avoir un peu d’humilité. Que des célibataires veuillent régler la sexualité des gens est impensable. Nous appelions « Humanae Vitae » « pacem in
utéris » ! C’est le peuple qui sait qui est saint. L’Église dépend de nous. Au Concile l’évêque de Bruges a dit : « le seul jour important de la vie du pape est le jour de son baptême ». Il y a eu de mauvais papes et malgré ce le peuple chrétien a maintenu sa foi vivante. Mon Espérance est là. Gitans, péruviens, africains… on ne peut les faire rentrer dans le même moule. Il faut des ministères spéciaux. Il existe 3 prêtres et 2 religieuses manouches. La hiérarchie a refusé que Noël soit fêté le 24 juin au Pérou !
X : et les franciscains, et les dominicains ?
GL : qu’ils forment une fraternité autour de la parole, qu’ils sortent de leur couvent. Les carmélites de Sète connaissaient toutes les personnes de leur quartier, car elles étaient très ouvertes.
On n’enterre pas la lumière !