La Paix en Méditerranée
La Paix en Méditerranée, la grande cause qui réunit les acteurs de CHRÉTIENS DE LA MÉDITERRANÉE depuis la fondation de notre association est durement menacée par de graves conflits ayant souvent des origines lointaines et dont les conséquences pour les populations sont aujourd’hui amplifiées par la pandémie et les mesures de confinement, au point que certaines d’entre elles sont désormais assaillies par des famines qu’on croyait appartenir à un autre temps.
Dans ce contexte de guerres et de crise sanitaire, il est précieux que certains d’entre nous, maintenant l’espérance, continuent inlassablement de montrer le cap vers ce qui n’est pas qu’un idéal, mais aussi la seule voie pour cohabiter sur une terre dont nous percevons désormais la finitude.
Le discours du Pape François à Bari, publié sur notre site début avril [1], est précisément porteur de cette démarche de paix qu’il ne se contente pas de proclamer mais qu’il s’efforce d’incarner dans notre dure réalité.
Nous publions aujourd’hui les riches réflexions de notre fidèle ami Gabriel Nissim, inspirées par la lecture de ce texte précieux pour tous ceux qui refusent de se résigner à la continuation de la violence absurde et révoltante.
Il nous confie en particulier dans ce beau texte que le chemin vers la Paix commence tout près de nous par la convivialité et l’attention à l’autre, pour le connaître dans sa singularité, en partageant avec lui le rire et le manger, afin d’anéantir la peur de l’autre « cette tentation permanente de l’humanité ».
Deux textes essentiels qui pourraient constituer en somme la profession de foi de CHRÉTIENS DE LA MÉDITERRANÉE.
L’APPEL DE LA MÉDITERRANÉE
Par Gabriel Nissim, op
Et si la Méditerranée répondait enfin à sa vocation ? Sa vocation à créer de la convivialité entre tous les peuples qui en habitent les rives. Vocation humaine, et plus encore divine. Si elle devenait ce qu’elle est : une « mare nostrum », un « bien commun » ? Si nous savions utiliser sa configuration naturelle, qui crée une « constante proximité », pour que cette proximité entre nous, ses peuples riverains, au lieu de n’être que géographique, se traduise en solidarité ? Pour que cette proximité jusqu’aujourd’hui génératrice de conflits, y compris confessionnels, devienne « facteur de paix ».
Tel est le message du pape François lors de la rencontre des évêques des pays du pourtour de la Méditerranée, ce mois de mars 2020. Cette rencontre est une première. Et un signe fort. Un témoignage aussi : la Méditerranée crée entre nous une appartenance commune, elle nous est une responsabilité commune. Car elle a façonné nos cultures bien plus profondément que nous n’en avons conscience, elle a créé entre nous une réelle parenté humaine : chacun de nous a dans ses gènes physiques et culturels un héritage multiple, venant de plusieurs coins de ce lac qui nous relie – romain, grec, juif, arabe… Cet héritage commun n’est pas seulement un fait : c’est alors aussi un appel à porter un nouveau regard les uns sur les autres. La Méditerranée a une vocation à la solidarité, au partage, comme chemins pour la paix et la justice.
Une vocation, cela signifie que nous avons ce qu’il faut pour réaliser l’appel que cette vocation nous adresse. Alors que des pays riverains s’opposent, que certains se déchirent intérieurement, alors que des pays lointains, les USA, la Chine, viennent y défendre leurs intérêts ou y attiser les conflits, alors que, tout en parlant hypocritement de paix, nous y développons le commerce des armes, il y a urgence à mettre en œuvre cette vocation de la Méditerranée à la convivialité. Urgence pour nous, chrétiens, en commun avec nos frères juifs et musulmans, à entendre cet appel que nous adresse notre Père commun. Et à inviter tous nos frères méditerranéens à y répondre.
Vocation, et donc aussi pour nous « mission », nous dit le pape François. Une mission qui aujourd’hui se heurte d’abord à la peur, peur des « autres », des étrangers. Il nous faut regarder en face cette tentation permanente de l’humanité, dans laquelle nous sommes trop souvent tombés dans le passé et qui reste encore si actuelle. Face aux discours qui sèment la haine et poussent au rejet – des discours et des positions dont nous avons vu les conséquences dramatiques, déshumanisantes, dans les années 30 du siècle dernier, souligne le pape François, comment agir ?
La mission qui nous est confiée est d’abord, à l’inverse de construire des murs, de construire le dialogue, de créer des occasions de rencontre, d’échange : l’expérience montre que c’est le plus souvent la rencontre concrète de l’autre qui fait tomber les préjugés et permet de découvrir son visage humain. Découvrir son histoire fait de lui une personne. Manger, rire avec lui, et voilà qu’il me devient proche. Nous expérimentons alors l’enrichissement mutuel que ce dialogue entre nos différences nous apporte. Y compris dans la recherche de la Vérité qu’aucun de nous ne peut prétendre posséder. Car pratiquer le dialogue a aussi une « valeur théologique ».
À partir de là, il nous sera alors possible d’argumenter de façon active et convaincante pour que notre commune appartenance méditerranéenne soit prise en compte et devienne une commune responsabilité. Car notre premier objectif, dans cette perspective, doit être de travailler au bien commun, « cet autre nom de la paix ». Or, tandis que sur les rives de cette mer commune, il y a « abondance pour les uns », tant d’autres sont obligés de « lutter pour leur survie ». Il nous faut donc « nous laisser guider par les attentes des plus pauvres ». Tout particulièrement des migrants : comment pouvons-nous accepter que ce « lac » soit devenu « un cimetière » ?
Afin de « faire fleurir un jardin là où sont aujourd’hui des terres desséchées, susciter de l’espérance à celui qui l’a perdue, et exhorter celui qui est fermé sur lui-même à ne pas craindre le frère. Et regarder cela, qui est déjà devenu un cimetière, comme un lieu d’avenir et de résurrection de toute la région. »
Source : https://www.chretiensdelamediterranee.com/la-paix-en-mediterranee/
Image : la rencontre de Bari, 23/02/2020, service photo de l’Osservatore Romano