Pour mieux servir le peuple de Dieu dispersé en Seine Saint-Denis
Par Michel Deheunynk
Le diocèse de Saint-Denis envisage de réviser cet automne ses orientations pour 5 ans et a sollicité les avis de chacune et chacun.
Je pense qu’il n’est pas tant opportun de partir d’un organigramme diocésain, même retouché, que de la vie avec ses rapports humains, ses combats sociaux, l’action collective sur laquelle s’est construit notre département.
En partenariat avec les autres courants humanistes et pour contribuer à répondre, pour notre part, aux enjeux et aux défis de notre société sécularisée par le témoignage de l’Évangile dans son esprit actualisé et contextualisé, il serait peut-être utile de « déconfiner » notre foi, de passer du communautarisme cultuel et identitaire à l’universalisme du salut en Christ ; d’une maintenance de religiosité à une maturité spirituelle, un esprit critique dans la foi qui manque encore souvent à notre fonctionnement ecclésial. Et de proposer l’amitié de notre frère Jésus comme un compagnonnage en recherche de sens jamais aboutie plus que comme un acquis à entretenir pieusement.
Par exemple, pourquoi ne pas mieux rejoindre culturellement les milieux professionnels au service de l’humain : santé publique, social, éducatif, enseignement public, environnement, logement, transport et autres services… qui interpellent aujourd’hui notre société ; accompagner les mouvements sociaux, hélas plutôt fragilisés, qui s’organisent pour une humanité juste, digne, partageant tous ses moyens pour que chacune, chacun y ait la première place, une humanité que nous, nous pouvons anticiper et reconnaître comme Royaume du Père. Bien au-delà de la générosité compassionnelle ou caritative c’est à une volonté d’émancipation sociale et collective que notre foi en Christ nous appelle ensemble.
Il semble qu’il y ait aujourd’hui, trois obstacles pour le témoignage de l’Évangile au cœur de notre cité sécularisée : le cléricalisme, dénoncé par le pape François, qui sacralise la foi et ritualise magiquement son expression au lieu de l’humaniser ; le dogmatisme qui la formalise doctrinalement au lieu de l’accueillir diversement dans la vie des uns et des autres ; les positions sociétales, familiales et affectives qui la particularisent, voire la « ringardisent » au lieu de l’ouvrir au plus grand nombre.
Pour lever, ne serait-ce qu’un peu, ces obstacles, devrions-nous reconnaître que le sacrement trouve sa plénitude par la rencontre du Christ dans un itinéraire de vie bien plus que dans une gestualité liturgique ; qu’une célébration eucharistique soit perçue d’abord comme un large lieu de partage de sens humain et de débats en Son nom qui fasse de tous Son Corps, bien plus que comme un spectacle sacralisé et une « consommation » religieuse semblant réservée aux initiés bien conformés à un modèle de vie, de pensée, de foi et de dévotion. Pour être crédible et porteur de sens aujourd’hui encore, l’esprit de l’Évangile et sa pertinence actualisée devrait primer sur le respect d’une tradition qui, elle, peine tant à respirer l’air de notre temps.
Que dans notre 9-3 périphérique, peu importe que la foi des amis de Jésus soit parfois bancale (c’est même humain qu’elle le soit…) mais qu’elle ne soit surtout pas une foi soumise, infantilisante, culpabilisante (en SSD, beaucoup sont bien plus victimes que complices du péché…) mais une foi vraiment adulte, religieusement critique, socialement révoltée, et donc vraiment amoureuse à l’image du Christ.
Voilà à quoi, modestement, je voudrais proposer à notre Église diocésaine comme peuple de Dieu, d’œuvrer dans les prochaines années.
Très fraternellement en communion de prière avec Celui qui est toujours avec nous d’étape en étape, de périphérie en périphérie.
(Inspiré par ma fidélité au Christ en marginalité ecclésiale)
Merci Michel pour ce texte lumineux …à l’heure où tous se posent la question de l’importance de la messe (ou non !) en période de confinement, tu nous dis “qu’une célébration eucharistique devrait être un large lieu de partage de sens humain et de débats en Son nom qui fasse de tous Son Corps ” …
Ce que l’humain façonne en nous résonne non seulement dans nos vies mais aussi lors de l’eucharistie de n’importe quel jour… Même si ma foi est bancale….elle oscille de haut en bas et vice versa, c’est la recherche incessante de la Vérité….