Pedro Casaldáliga est mort, le cœur empli de noms
Par Jesús Bastante.
Il n’est sorti de l’Amazonie que deux fois. Une fois, quand il a été appelé par Jean-Paul II en 1988, dans les moments les plus difficiles pour la Théologie de la Libération, et maintenant, pour mourir loin de sa terre, où il reviendra pour être enterré avec les Indiens. À cette occasion, à Rome, Casaldáliga a dit très clairement au pape : « je suis prêt à donner ma vie à tout moment pour Pierre, mais pour le Vatican, c’est autre chose ».
Pour lui, l’important, c’était les pauvres.
« Au bout du chemin, il me sera demandé : -As-tu vécu ? -As-tu aimé ? Et moi, sans rien dire, j’ouvrirai mon cœur plein de noms… ». Pedro Casaldáliga vient d’arriver au bout de ce chemin qu’il a si souvent tracé dans ses poèmes. À 92 ans, l’évêque catalan, que beaucoup ont appelé le « prophète de l’Amazonie », est mort le 8 août à 9h40 du matin au Brésil, après avoir été admis dans une clinique des clarétains à Batatais (Sao Paulo).
Ainsi qu’il l’a toujours voulu, son corps sera enterré à Sao Felix do Araguaia, dans le Matto Grosso, l’endroit qu’il n’a jamais voulu quitter. C’est ce qu’a annoncé le Provincial des Clarétains du Brésil, le P. Marco : « Je communique à tous les frères de la Congrégation le décès de D. Pedro Casaldaliga ».
Un décès annoncé alors qu’il y a cinq jours, le religieux, un des inspirateurs de la Théologie de la libération, a été transféré d’Amazonie à Sao Paulo pour être soigné d’une pneumonie associée à un épanchement pulmonaire, dont il ne pouvait pas sortir. Il y a quelques jours, le président de la Conférence épiscopale, Juan José Omella, a même publié un tweet dans lequel il soulignait « Ma prière pour le repos éternel du Père Casaldàliga, évêque de la prélature territoriale de São Félix do Araguaia. Mes condoléances à la famille et aux amis de ce religieux catalan, fils du Cœur de Marie. Qu’il repose en paix ». Maintenant, qu’il soit sauvé.
Casaldáliga, reconnu au Brésil pour son intense travail social et sa défense des plus pauvres, est connu comme « l’évêque du peuple » pour sa défense des peuples indigènes de l’Amazonie et la lutte contre la violence dans les campagnes. Le prélat catalan, qui a vécu au Brésil depuis 1968, a été l’un des fondateurs du Conseil national indigène du pays. Sa défense des peuples indigènes lui a valu plus d’une fois de subir des menaces de mort. Mais Casaldáliga n’a jamais quitté l’Amazonie.
Donner ma vie pour Pierre, pas pour le Vatican
Il ne l’a quittée que deux fois. Une fois, quand il a été appelé par Jean-Paul II en 1988, dans les moments les plus difficiles pour la Théologie de la Libération, et maintenant, pour mourir loin de sa terre, où il reviendra pour être enterré à côté des Indiens. À cette occasion, à Rome, Casaldáliga a dit très clairement au pape « je suis prêt à donner ma vie à tout moment pour Pierre, mais pour le Vatican, c’est autre chose ». Pour lui, ce qui était important, c’était les pauvres.
Si Wojtyla n’a pas compris cela, deux autres papes l’ont compris, Paul VI et François. Le premier a été clair lorsqu’il a reçu les premières plaintes contre Casaldáliga : « Celui qui attaque Pierre, attaque Paul ». Le second, utilisant ses enseignements pour écrire la belle encyclique Laudato Sí, publiée il y a cinq ans. Sans Pedro Casaldáliga, dit-on au Vatican, la première encyclique « verte », qui met en garde contre les dangers de la déforestation et défend les peuples autochtones, n’aurait pas pu être écrite. Après Laudato si, est venu le Synode de l’Amazonie. En fait, Bergoglio a consulté le prélat clarétain lors de la rédaction du texte.
« François est en train de démanteler l’appareil bureaucratique ecclésiastique », a assuré Pedro Casaldáliga, qui a vu en François une possibilité de faire de « l’Église des pauvres » une réalité. « Vous du Premier Monde, si vous ne faites pas preuve de solidarité, vous ne serez pas sauvés, quel que soit le poids que cela représente pour vous », a déclaré l’évêque de l’Amazonie, qui va enfin reposer, dans les prochains jours, « pieds nus sur la terre rouge », avec les siens, les plus pauvres.