Par Marco Bellizi
Extrait d’une interview accordée à L’Osservatore Romano le 2 septembre par le cardinal Jean-Claude Hollerich, archevêque du Luxembourg et président de la Commission des épiscopats de l’Union européenne (COMECE).

L’Europe va-t-elle sortir plus ou moins forte de cette période dramatique ? Et l’Église ?
Je commence par la deuxième partie de la question. Je pense à mon pays : nous allons être réduits en nombre. Parce que tous ceux qui ne venaient plus à la messe, parce qu’ils ne venaient que pour des raisons culturelles, ces « catholiques culturels », de gauche et de droite, ne viennent plus. Ils ont vu que la vie est très confortable. Ils peuvent très bien vivre sans avoir à venir à l’église. Même les premières communions, le catéchisme pour les enfants, tout cela va diminuer en nombre, j’en suis presque certain. Mais ce n’est pas une plainte de ma part. Nous aurions eu cet effet même en l’absence de pandémie. Peut-être que cela nous aurait pris dix ans de plus. Mais à ce stade, l’Église doit s’inspirer d’une humilité qui nous permette de mieux nous réorganiser, d’être plus chrétiens, car sinon cette culture du christianisme, ce catholicisme uniquement culturel, ne peut pas durer dans le temps, il n’a aucune force vive derrière lui. Je pense que c’est une grande opportunité pour l’Église. Nous devons comprendre les enjeux, nous devons réagir et mettre en place de nouvelles structures missionnaires. Et quand je dis missionnaires, je veux dire à la fois en action et en parole. Je pense aussi que dans le monde après la pandémie, l’Occident, les États-Unis et l’Europe, seront plus faibles qu’avant, parce que l’accélération provoquée par le virus fera croître d’autres économies, d’autres pays. Mais nous devons voir cela avec réalisme, nous devons abandonner l’eurocentrisme dans nos pensées et avec une grande humilité nous devons travailler avec d’autres pays pour l’avenir de l’humanité, pour plus de justice. Nous devons aussi nous engager dans le sens indiqué par Laudato’si. Mais un bon engagement exige de l’humilité. Sans humilité, il n’y a pas d’engagement réaliste possible.
Quelle a été votre plus grande déception au cours de ces mois, et quel a été votre plus grand moment d’espoir ?
Ma plus grande déception a été de voir des réactions totalement nationalistes en Europe au début de la pandémie. Comme si l’Union européenne, en tant que solidarité, n’existait pas. Cela m’a vraiment fait mal. Comme la frontière fermée avec l’Allemagne l’année de l’anniversaire de l’occupation allemande du Luxembourg : une insensibilité à l’histoire européenne. Mais mon espoir vient du fait que les responsables ont vu et compris et ont dit que même en présence d’une nouvelle crise, d’une résurgence des cas, ils ne feront plus jamais la même chose. Et puis mon espoir, c’est le Christ. Pour moi, c’est voir ma fragilité. Et que ma fragilité n’est pas une menace pour moi mais une opportunité de dire que je trouve mon salut en Jésus-Christ, qu’il est mon espoir et que sa parole, sa mort sur la croix, sa résurrection, me rendent de plus en plus engagé dans une société plus juste.
Source : https://www.osservatoreromano.va/it/news/2020-09/per-questo-stiamo-soffocando.print.html