Démission d’un cardinal influent et scandale au Vatican
Par Nicole Winfield
Le puissant préfet de la Congrégation pour la cause des saints du Vatican, le cardinal Angelo Becciu, a brutalement démissionné de son poste et renoncé à ses droits de cardinal au sein d’un scandale financier qui l’aurait impliqué indirectement.
Le puissant préfet de la Congrégation pour la cause des saints du Vatican, le cardinal Angelo Becciu, a soudainement démissionné jeudi de son poste et a renoncé à ses droits de cardinal au milieu d’un scandale financier qui l’aurait impliqué indirectement.
Le Vatican n’a fourni aucun détail sur les raisons pour lesquelles le pape François a accepté la démission de Becciu dans la déclaration qu’il a faite jeudi dernier. L’annonce du Saint-Siège se résume à une phrase qui dit seulement que François a accepté la démission de Becciu en tant que préfet de la Congrégation pour la Cause des Saints « et de ses droits liés au cardinalat ».
Ancien numéro 2 du secrétariat d’État du Vatican, Becciu aurait été impliqué dans un scandale financier impliquant l’investissement du Vatican dans une affaire immobilière à Londres qui a fait perdre au Saint-Siège des millions d’euros en commissions versés à des intermédiaires.
Le procureur du Vatican a lancé une enquête sur plusieurs fonctionnaires du Vatican, ainsi que des intermédiaires, mais pas sur Becciu. Becciu a défendu le bien-fondé de l’investissement initial et nié tout acte répréhensible, et il n’est pas certain que le scandale lui-même soit à l’origine de sa démission qui aurait pu être déclenchée par une enquête distincte.
Mais l’annonce tardive de sa démission, la sévérité de sa sanction apparente, la déclaration laconique du Vatican et la chute inattendue de l’un des plus puissants fonctionnaires du Vatican sont autant d’éléments qui laissent entrevoir un nouveau chapitre choquant du scandale qui a secoué le Vatican l’année dernière.
La dernière fois qu’un cardinal s’est vu retirer ses droits, c’est lorsque l’Américain Theodore McCarrick a renoncé à ses droits et privilèges de cardinal en juillet 2018 au cours d’une enquête sur des abus sexuels. Il a ensuite été défroqué par Francis l’année dernière pour avoir abusé sexuellement d’adultes et de mineurs.
Avant lui, le défunt cardinal écossais Keith O’Brien a renoncé en 2015 aux droits et privilèges de cardinal après que des prêtres non identifiés aient allégué des abus sexuels. O’Brien a cependant été autorisé à conserver le titre de cardinal et il est mort en tant que membre du Collège des cardinaux, le groupe d’élite des hommes d’Église dont la principale tâche est d’élire un pape.
Dans la déclaration du Vatican, le Saint-Siège a désigné Becciu comme « Son Éminence le cardinal Angelo Becciu », signifiant qu’il restait un cardinal, mais sans aucun droit.
À 72 ans, Becciu aurait pu participer à un éventuel futur conclave pour élire le successeur de François. Les cardinaux de plus de 80 ans ne peuvent pas voter. Mais en renonçant à ses droits de cardinal, Becciu a renoncé à ses droits de participation.
Becciu a été « suppléant », ou premier adjoint au secrétariat d’État, de 2011 jusqu‘à 2018, quand François l’a nommé cardinal et l’a transféré à la Congrégation pour la cause des saints. Il est à cheval sur deux pontificats, ayant été nommé par le pape Benoît XVI et chargé de diriger essentiellement la Curie, qui est l’organisme administratif du Vatican ; cette position lui a conféré une influence et un pouvoir considérables.
Les problèmes financiers remontent à 2014, lorsque le Vatican s’est lancé dans une entreprise immobilière en investissant plus de 200 millions de dollars dans un fonds géré par un homme d’affaires italien. L’opération a permis au Saint-Siège d’acquérir 45 % de l’immeuble de luxe situé au 60 Sloane Avenue dans le quartier de Chelsea à Londres.
L’argent provenait du portefeuille d’actifs du secrétariat d’État, qui est financé en grande partie par les dons des catholiques du monde entier au pape, qui les utilise pour des œuvres de charité et pour les dépenses du Vatican.
Le Saint-Siège a décidé en novembre 2018, après le départ de Becciu du secrétariat d’État, de se retirer du fonds, de mettre fin à ses relations avec l’homme d’affaires et de racheter le reste du bâtiment. Il l’a fait après que le successeur de Becciu ait déterminé que l’hypothèque était trop onéreuse et que l’homme d’affaires perdait de l’argent pour le Vatican dans certains autres investissements du fonds.
L’opération de rachat a toutefois coûté au Saint-Siège des dizaines de millions d’euros supplémentaires et a déclenché l’enquête du Vatican qui a déjà mis en cause une demi-douzaine d’employés du Vatican.
Becciu a souligné qu’il n’était pas en fonction lors de l’opération de rachat de 2018 et qu’il a toujours agi dans le seul intérêt du Saint-Siège. Becciu n’est pas nommé dans le mandat initial du procureur du Vatican, et il n’est pas clair que son rôle dans la gestion du vaste portefeuille d’actifs du secrétariat d’État soit lié ou non à sa démission.
Son ancien patron, le secrétaire d’État Pietro Parolin, a déclaré que toute l’affaire était « opaque » et devait être clarifiée. François, pour sa part, a juré d’aller au fond de ce qu’il a dit être des preuves de corruption au Saint-Siège.
François rencontrait régulièrement Becciu dans le rôle de l’Italien en tant que préfet du Saint-Siège, puisqu’il devait présenter à son approbation, au rythme d’un ou deux mois, des listes de candidats à une éventuelle béatification ou canonisation.
François avait en outre, depuis le début de son pontificat, le jeudi de la Semaine sainte qui précède Pâques, un déjeuner annuel dans l’appartement de Becciu avec dix prêtres. Le Vatican a toujours indiqué que ces rencontres étaient l’occasion pour le pape de discuter de manière informelle avec Becciu et les prêtres de son diocèse le jour où l’Église célèbre l’institution du sacerdoce.
Le déjeuner n’a pas eu lieu cette année, en raison du confinement du Vatican dû au coronavirus.
Source : https://abcnews.go.com/Business/wireStory/powerful-vatican-cardinal-becciu-resigns-amid-scandal-73222865
Traduction : Lucienne Gouguenheim
Illustration : https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cardinal_Becciu,_Slovakia,_1.9.2018.jpg
« Le nettoyage des écuries »
Le cardinal Pell, préfet du Secrétariat à l’économie du Vatican de 2014 à 2019, salue la démission du cardinal Becciu, et remercie le pape François
« Le Saint-Père a été élu pour assainir les finances du Vatican », a déclaré le cardinal Pell dans un communiqué. « Il joue une longue partie et doit être remercié et félicité pour les récents développements. J’espère que le nettoyage des écuries se poursuivra tant au Vatican qu’à Victoria ». (Le Victoria est l’État australien dans lequel le cardinal Pell a été condamné en 2018 ; la Haute Cour d’Australie a annulé la condamnation en avril).