Mgr Olivier de Germay : le nouvel archevêque de Lyon
Par Philippe Ardent et Gino Hoel
Est-ce la manie de l’encensoir, mais Olivier de Germay aime enfumer son monde. Lorsqu’on l’interroge sur les divorcés remariés et les gestes que l’Église peut avoir à leur encontre, il avoue simplement qu’il suffit pour eux de ne pas communier pour entrer plus réellement au sein du mystère eucharistique. Voilà qui ne mange pas de pain pour le coup. Cet évêque « faucon », véritable chantre de la droite réac, est devenu celui qui doit faire passer « la pilule » des positions sur la famille de l’incontrôlable pape jésuite que Tradiland suspecte de plus en plus d’être l’Antéchrist. L’affaire est grave, si demain les bonnes familles à particules cessent d’avoir confiance et de donner pour le denier de l’Église en privilégiant plutôt la Communauté Saint-Martin, alors c’est l’équilibre financier de l’Église en France qui s’écroule. Dès lors, l’évêque d’Ajaccio fait le tour des maisons diocésaines (Laval, Le Mans, Vannes…) où les autres faucons parmi ses pairs évêques souhaitent l’inviter afin de rendre plus comestible pour la frange conservatrice l’exhortation apostolique Amoris Laetitia. Avec son air de suppositoire à col romain, Olivier de Germay a une capacité à tout fondre dans la pieuserie. Parlant d’une voix douce, avec des mots d’autrefois, on sent soudain son cerveau se détacher, ses sens s’engourdir, son esprit critique s’étioler. On écoute l’évêque en Corse – peu importe le sujet d’ailleurs – et soudain on s’endort. Dans son genre, il est une véritable arme de destruction massive : il fait ronronner la sphère tradi avec ses discours interminables et leur fait les poches de la main gauche. Du grand art !
Il est né à Tours en 1960, troisième d’une famille de cinq enfants. Le papa est militaire et finira général de division, il arborera bientôt le ruban de la Légion d’Honneur. Olivier est un peu efféminé, il faut le reconnaître, mais ce n’est pas le moment de déplaire à papa. Il fait sa Prépa au prestigieux Prytanée de La Flèche, intègre Saint-Cyr dont il sort officier parachutiste en 1983 avant de rejoindre le premier régiment des Hussards parachutistes à Tarbes. Il sert au Tchad, en Centrafrique, en Irak. Mais, de guerre lasse, Olivier de Germay de Cirfontaine sent bientôt résonner en lui une fibre amoureuse qui imprime à son cœur de nouveaux arpèges. Il a rencontré le Christ, plus question de rester à s’envoyer en l’air dans le désert. Mais pas question non plus de discerner à la Mission de France ; il suit d’abord une retraite chez les bénédictins tradis de Fontgombault, puis il entre au séminaire de Paray-le-Monial chapeauté par le pète-sec P. Fort, plus tard évêque d’Orléans, une vieille connaissance de Golias.
Ensuite la voie est classique : séminaire de Toulouse où son magnifique CV lui fait gagner le Séminaire français de Rome. Il va ensuite intégrer l’Institut pontifical Jean-Paul-II où il va s’abreuver de théologie du corps, cette fameuse « bombe théologique » qui va permettre à toute une génération d’évêques de pouvoir assouvir sa passion gourmande pour ce sujet sur lequel l’Église possède une sacrée expertise : le sexe. Le futur prélat ne dérogera pas à la règle en s’exprimant ainsi sur le préservatif : « Dire que l’Église est contre le préservatif relève de la désinformation. Elle a autre chose de plus profond à dire aux jeunes sur la beauté de la sexualité que le discours essentiellement hygiénique. La sexualité, c’est quelque chose de beau, de grand… » Bref, le plastique, c’est pas fantastique !
Ordonné prêtre en 1998 par l’archevêque sulpicien de Toulouse (1996-2006), Mgr Marcus, Olivier de Germay gravit rapidement les échelons : vicaire, curé puis doyen, les dents du P. de Germay finiront par rayer le parquet du Conseil épiscopal six ans après son ordination. Il se retrouve aussi avec une charge de professeur en théologie sacramentelle (on ne voit pas trop le lien, à dire vrai, avec sa licence en théologie morale obtenue à Rome), c’est l’époque où l’Opus Dei s’installe à Toulouse et convoite la faculté de théologie. Le P. de Germay fréquente beaucoup l’évêque auxiliaire de Toulouse, Mgr Gaschignard, ils sont faits du même bois, avec ce goût commun pour la tradition, les belles liturgies et les promenades à vélo. Sans surprise, le P Gaschignard emporte le siège d’Aire et Dax avant qu’Olivier de Germay ne remplace Mgr Brunin en 2012 en Corse. Quatorze ans après son ordination, on tient là une vraie marche en avant ! Le choix surprend tant les deux hommes sont aux antipodes l’un de l’autre.
Mais l’ile de Beauté n’est pas l’ile de Tout Repos. Mgr Brunin avait dû dénoncer à la justice, en 2010, le P. Antoine Videau, un escroc de haut vol qui avait filouté deux millions d’euros à l’association diocésaine et qui roulait en Ferrari en entretenant quelques maitresses et en multipliant les comptes en banque. Il y avait le cas de l’abbé Polge aussi, un franc-tireur couleur rose bonbon soutenu par Tradiland que Mgr Brunin releva de ses fonctions, or cette condamnation fut suspendue par Rome… Bref, Mgr Brunin n’était pas fâché de quitter Ajaccio pour Le Havre, tandis qu’Olivier de Germay arrivait, muni de son joujou extra, son arme absolue : sa capacité oratoire à anesthésier une foule entière. À Noël 2013, des pères divorcés s’estimant mal traités par la justice en ce qui concerne leurs droits de garde, s’enferment dans le clocher de Notre-Dame de Lourdes à Bastia. Pas de problème, l’évêque d’Ajaccio intervient et aussitôt les cinq « papas en souffrance » se rendent aux forces de police.
Lorsqu’en 2018, les confréries de Bonifacio, implantées depuis le XIIe siècle, finissent par avoir la peau de leur curé qui ne trouvait en eux que le reliquat d’un folklore désuet, aussitôt Olivier de Germay intervient, réunit tout le monde, ouvre la bouche et la crise disparaît. Mais ne nous y trompons pas, si cet évêque passe si bien auprès des franches les plus sectaires de la population corse, c’est qu’il est bâti lui-même dans le chêne du conservatisme le plus arqué – Le Canard enchaîné, dans un dossier intitulé « Corsa Nostra », le dépeignit même comme un quasi-facho. Du reste, il était tout heureux d’accueillir le cardinal-préfet du Tribunal de la signature apostolique, Mgr Mamberti, pas vraiment bergoglien, « paroissien » à la mode romaine venu fêter son cardinalat en 2015 dans son diocèse titulaire de Sagone… On sait aussi Mgr de Germay fort proche de l’imbuvable cardinal-préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Mgr Sarah, dont les prières et les délicates attentions doivent réchauffer son cœur. Lorsque l’évêque d’Ajaccio s’inquiète pour le sort des enfants quand l’homoparentalité et le mariage gay seront en vigueur, il ne tient pas que des propos heureux vu le contexte actuel : « Il y a un travail énorme à réaliser pour aider les enfants et les jeunes à s’éveiller à la beauté de leur corps et de leur sexualité… »
Bref, le bel Olivier approche doucement de la soixantaine, fustige toujours la libéralisation des mœurs post-soixante-huitarde derrière une façade qui enchevêtre habilement éloge de la vertu et rigidité. Et sous les propos lénifiants, on sent une vraie dureté morale, un tempérament verrouillé. Il est le symbole terrible d’une Eglise incapable de se penser autrement. Pas anodin qu’il ne cite jamais François sur le dossier du cléricalisme à combattre, l’évêque en Corse incarne à la perfection ce cléricalisme-là qui masque comme il peut ses secrets d’alcôve.
Source : https://www.golias-editions.fr/2020/10/22/mgr-olivier-de-germay-le-nouvel-archeveque-de-lyon/
Pour aller plus loin : https://www.golias-editions.fr/produit/trombinoscope-eveques-2020-2021-fichier-pdf/
Quand les homélies sont longues dès le début.