La lettre aux Galates, un des textes les plus extraordinaires du Nouveau Testament
Par Dominique Collin
I – Rappel des séquences précédentes :
La lettre s’adresse à une communauté de Celtes émigrés au centre de la Turquie que Paul a fondée : ce sont des païens convertis et ils sont sur le point de céder à l’injonction provenant de chrétiens de Jérusalem, d’origine juive, de passer par les marqueurs d’identité de la foi et de la loi juives pour être « véritablement sauvés ». Pourquoi, s’indigne Paul, veulent-ils revenir à un système d’esclavage, de servitude, de dépendance de la loi de Moïse, alors qu’ils ont été libérés par la foi au Christ ? [1]
La lettre s’adresse aussi à nous, aujourd’hui.
La liberté est une quête. Qu’est-ce qu’on fait pour ne pas retomber dans les esclavages et la dépendance ?
Nous avons fait comme les Galates : le christianisme est devenu une religion de la loi, alors qu’il est né comme une libération de la loi.
Pour Paul, il ne faut jamais obéir : la seule obéissance qui se justifie, c’est celle sous la conduite de l’Esprit. Toute autre forme d’obéissance fait retomber de la liberté obtenue par la foi au Christ à l’esclavage de la loi. [2]
La lettre a trois parties [3] :
1- Section narrative : l’itinéraire de Paul (1,6 à 2,21)
Jacques, le frère de Jésus, a envoyé aux Galates, convertis par Paul, des missionnaires chargés de leur rappeler qu’ils doivent respecter la loi (on ne peut pas adhérer au Messie sans passer par la loi juive) et de les mettre en garde contre Paul à qui est dénié le titre d’apôtre.
Paul répond que ce qui fait de lui un apôtre, ce n’est pas une délégation, mais sa vie changée par la croix du Christ.
Annoncer l’Évangile, c’est prêcher le Messie crucifié. Le Christ s’est rendu dépendant de la croix au nom de la loi, pour nous libérer de la loi. Quand on croit au Christ, on reçoit cette même expérience d’affranchissement et de liberté. [4]
2- Section « enseignement » (3,1 à 5,1) : ce n’est pas de la loi, mais de la foi que nous recevons la filiation divine. C’est par la foi et non par l’observance religieuse qu’on devient libre.
Refuser la loi, ce n’est pas réduire à néant la promesse faite à Abraham. Ce n’est pas la circoncision qui marque l’Alliance, c’est la foi et seule la foi justifie.
La loi ne fait que vérifier nos trahisons et nos infidélités, elle nous condamne. La loi révèle notre culpabilité.
Si on revient à la loi, on désactive la foi au Christ.
Nous sommes justifiés par une bienveillance absolue. [5]
3- Section « éthique de la liberté » (5,2 à 6,18) : la foi qui libère. Ce n’est pas de la chair, mais de l’Esprit que nous recevons la vie éternelle.
La liberté se confond à « être conduit par l’Esprit ».
Il n’y a pas d’amour plus grand que de rendre l’autre libre, c’est-à-dire indépendant.
On ne doit rien à Dieu, on ne se doit rien les uns aux autres, hormis la liberté, qui est l’amour. [6]
II – Conclusion
Paul parle et se fait apôtre au nom de la vérité de l’Évangile, qu’il nous fait partager. Ce n’est pas un contenu, mais c’est la liberté, notre propre liberté. En faire quelque chose qui nous conduit à obéir est un contresens catastrophique : « Vous avez renversé l’Évangile, vous l’avez mis sens dessus dessous ; de l’Évangile qui est la liberté, vous avez fait une dépendance, une obéissance à la circoncision, à la loi de Moïse » se résume l’introduction de la Lettre.
La loi dit : tu es coupable. L’Esprit dit : tu es innocent, tu es né engendré d’une bienveillance absolue. Elle te rend libre.
Pourquoi vouloir dépendre de ce à quoi on obéit, que Paul appelle « la voix de la chair » ? Se confrontent en nous la voix de l’Esprit, qui est la voix de la liberté, et la voix de la chair, qui est la voix de la dépendance, de la sujétion à ce qui nous fait être esclave de la loi, des marqueurs tels la circoncision ou l’observance de cycles liturgiques, d’une dépendance où on ne fait que répéter ce que d’autres nous disent qu’on doit faire.
On trouvera toujours une communauté de gens pour justifier l’obéissance et la trouver bonne. Mais Paul nous dit « il ne faut jamais obéir ». Notre liberté est plus libre que nous. Et ce qui me fait découvrir en moi plus libre que moi, c’est la foi du Christ qui nous a montré ce que c’est qu’être libre, en l’étant jusqu’au bout.
En travaillant un thème très moderne, très contemporain, qui est celui de la liberté, cette épitre nous renvoie ailleurs de ce que l’on pense être la liberté. Qui n’est pas faire ce que l’on veut, ni même vouloir ce que l’on fait, car on peut être assujetti à une dépendance. Elle nous oblige à un discernement en soi de la voix de l’Esprit.
Une liberté inouïe, qui n’est ni la liberté philosophique, ni la liberté morale, ni la liberté citoyenne ; une liberté qui reste scandaleuse pour tous ceux qui pensent qu’elle obéit à une certaine forme de soumission à des règles, des doctrines, des institutions.
Ce qui fait de l’Épitre aux Galates un des textes les plus extraordinaires du Nouveau Testament.
Épisodes précédents :
[1] Ils sont fous, ces Galates [1] [2] La vérité de l’Évangile, c’est la liberté [2] [3] Ce n’est pas des hommes, mais de Dieu, que nous avons reçu l’Évangile. [3] [4] La Croix du Christ, vérité de l’Évangile [4] [5] La loi et la foi [5] [6] La vraie liberté des croyants [6]