La crise s’aggrave à Cologne tandis que le cardinal met ses espoirs dans le rapport sur les abus attendu en mars
L’archidiocèse de Cologne, qui compte le plus grand nombre de membres dans le monde germanophone avec près de 2 millions de catholiques, est en train de glisser vers une crise de confiance.
L’agence de presse catholique allemande KNA (Katholische Nachrichten-Agentur) rapporte que les conseils paroissiaux, les prêtres et plus récemment le conseil diocésain ont critiqué le cardinal Rainer Maria Woelki pour sa façon de mener une enquête sur les abus, et la dureté de leurs critiques est inhabituelle.
Tim Kurzbach, président du conseil archidiocésain, a déclaré fin janvier que Woelki avait « échoué en tant qu’autorité morale » et n’a pas fait face au problème. En signe de protestation, le conseil, composé de représentants élus des laïcs catholiques, a déclaré qu’il suspendait sa coopération sur les réformes diocésaines.
Il s’agit là d’une mesure rare, qui a été prise malgré l’engagement du cardinal de mener une enquête rigoureuse.
Fin 2018, le cardinal avait chargé un cabinet d’avocats munichois d’examiner la manière dont la direction de l’archidiocèse traitait les cas de violence sexuelle. Après que des professeurs de droit supplémentaires aient été consultés sur le rapport complet et aient déclaré en octobre qu’il contenait des « lacunes méthodologiques », l’archevêque a annulé sa coopération avec le cabinet d’avocats et a commandé un nouveau rapport à l’avocat pénal de Cologne Björn Gercke. Celui-ci doit présenter ses conclusions le 18 mars, et Woelki semble avoir l’intention d’écarter les critiques d’ici là.
Entre-temps, de plus en plus de personnes quittent l’Église de Cologne et les protestations s’intensifient, rapporte la KNA. Les dix représentants du conseil diocésain au sein de l’organe consultatif le plus élevé de l’archevêque, le conseil pastoral de l’archevêché – qui comprend des religieux ainsi que des laïcs – ne sont plus prêts à discuter de la fusion prévue des paroisses et bloquent un processus qui a déjà un important potentiel de conflit. Woelki veut fusionner les quelque 500 paroisses, pour la plupart plus petites, en 50 à 60 grandes paroisses. Les paroissiens ont longtemps critiqué la réforme structurelle prévue, et maintenant l’indignation est aggravée par le traitement des cas d’abus.
Le conseil laïc de l’archidiocèse a exigé la publication du rapport de Munich. En outre, ses représentants souhaitent que les membres anciens et actuels de la direction du diocèse fassent connaître leurs manquements à leurs devoirs dans le traitement des cas d’abus, indépendamment de tout rapport d’expert.
Le doyen de la ville de Cologne, Mgr Robert Kleine, soutient également cette demande. « Ceux qui savent que leurs actions font actuellement l’objet d’une enquête devraient admettre leurs erreurs dès maintenant », a-t-il dit. « On devra au minimum tirer les conséquences immédiatement après la présentation du rapport », a-t-il ajouté. « En tout cas, nous ne pouvons pas attendre après le 18 mars pour que cela soit discuté dans quelque cercle que ce soit ».
Deux groupes de prêtres catholiques ont écrit des lettres de colère à Woelki, rapporte la KNA. Dans l’une d’elles, 34 prêtres se sont plaints du fait que de plus en plus de croyants prenaient leurs distances avec l’Église en raison de « l’incapacité à reconnaître les abus ». La loyauté des catholiques envers l’Église a été mise à rude épreuve, met en garde la lettre. Vingt autres ecclésiastiques ont exprimé des sentiments similaires dans une lettre distincte, et plusieurs évêques d’autres diocèses ont également exprimé des critiques. En décembre, l’évêque Georg Bätzing, président de la Conférence des évêques allemands, a déclaré : « Il n’est pas bon que cela ait maintenant conduit à une véritable catastrophe et que cela déteigne sur nous tous ».
En janvier, un mouvement de protestation des femmes catholiques a fait appel au pape François et a demandé un visiteur apostolique « afin que vous puissiez vous faire une idée de la situation et que nous puissions chercher ensemble de nouvelles voies ».
Les critiques ont été renforcées par un certain nombre d’incidents qui ont montré les dirigeants du diocèse sous un mauvais jour. Après qu’un prêtre ait demandé à Woelki de démissionner, l’archevêché l’a menacé de poursuites judiciaires, puis il a retiré sa menace.
A également été critiquée la décision de l’archevêché de bloquer la page d’accueil de l’aumônerie catholique des étudiants de Cologne, parce qu’une prise de position contenant de fortes critiques sur la morale sexuelle de l’église n’a pas été retirée.
Ensuite, l’évêque auxiliaire de Cologne, Ansgar Puff, a été critiqué pour avoir utilisé une citation mal choisie du chef de la propagande nazie Joseph Goebbels [1] pour critiquer non seulement les fausses déclarations de l’ancien président américain Donald Trump, mais aussi les rapports répétés sur la « prétendue mauvaise conduite des évêques » – ce dont il s’est excusé par la suite.
Puff est le seul membre de la direction de l’archidiocèse qui réponde encore aux questions des journalistes. S’adressant à la radio publique régionale WDR [2], il a exclu que le cardinal démissionne. Cependant, sur le site du diocèse, domradio.de, il a exprimé sa compréhension des critiques et regretté les erreurs de communication ou « peut-être aussi dans la commande du rapport d’expertise ».
En même temps, Mgr Puff s’est dit convaincu que Mgr Woelki s’engageait à enquêter sur les abus passés. Il a exhorté le public à attendre le nouveau rapport. Il a déclaré qu’il avait été interrogé par les deux cabinets d’avocats sur son époque à la tête du personnel de mai 2012 à août 2013 – et que Gercke, le nouvel expert juridique mandaté, avait été beaucoup plus précis dans ses questions de suivi.
Puff a déclaré que la direction du diocèse s’est concentrée sur l’organisation de discussions dans de petits cercles de personnes à l’approche de la publication du rapport : « Je sais aussi que le cardinal sort et rend visite à des prêtres ». « Nous devrions vraiment nous parler, sans vouloir d’une manière ou d’une autre humilier l’autre. »
Notes de la rédaction :
[1] « Il suffit de répéter un mensonge assez souvent pour qu’il soit cru ».
[2] Westdeutscher Rundfunk Köln
Source : https://www.ncronline.org/news/accountability/crisis-deepens-cologne-cardinal-pins-hopes-march-abuse-report
Traduction : Lucienne Gouguenheim