La Pâque du Fils ou le sacrifice inversé
Par Pascal Janin
Pâques est un jour unique. Dieu crée le monde et dit : « Cela est très bon » ! La création est la première bonne nouvelle parce que nous sommes nés d’un amour. Mais, pour reprendre les mots de François, le monde est devenu une poubelle. Violences, persécutions, dans de nombreux pays, pandémie dont on ne voit pas la fin, crise climatique que nous refusons trop souvent de voir. Le cri de la Terre et le cri du pauvre, titre d’un livre de Léonardo Boff avant d’être ceux du pape, n’en finit pas de retentir.
C’est dans ce contexte que nous entendons que l’homme de Nazareth n’a pas été retenu prisonnier de la mort. Inouï… et pas encore entendu ? Certes, l’Église nous a bien transmis cette Bonne Nouvelle et de nombreux disciples l’ont vécue et continuent d’en témoigner. Mais la révélation de crimes commis par des clercs laisse un goût amer. Comme celui du calice du Christ ?
C’est bien lui que nous sommes invités à suivre. Reste à bien lire les Évangiles pour ne pas faire du sacrifice du Christ une offrande à Dieu, mais une offrande de Dieu. Le mouvement est descendant et non pas ascendant. C’est Jésus qui se donne à nous, ouvrant ainsi l’humanité à une réconciliation possible par le pardon, et non le Fils qui s’offrirait au Père. Or la lettre aux Hébreux nous offre une interprétation différente que l’exégète jésuite Martin Pochon résume : « Dans les synoptiques et Jean, la croix est la conséquence d’un amour qui ressemble à celui du Père, la conséquence de la ressemblance du Christ à son Père. Dans l’épître aux Hébreux, elle est le moyen qui permet au Père de faire parvenir son fils à la perfection ». La lettre aux Hébreux est un texte du canon des Écritures. Certes, il contient de nombreux passages qui invitent à l’espérance et à la foi en Christ. « C’est un paradoxe de l’Épître, écrit notre jésuite, elle promet une alliance nouvelle qui se caractérise par la connaissance intime et personnelle du Seigneur, une inhabitation de sa parole dans les cœurs, mais dans le même temps elle dessine une figure du Père si redoutable qu’elle n’invite guère à entrer directement en contact avec lui. »
La méditation de cette lettre est peut-être une incitation à contempler le chemin de Jésus. Il a subi la violence, au nom de la loi de Dieu. Il a pardonné. Et Dieu, par la résurrection, lui a donné raison. Nous n’avons sans doute pas encore fini de découvrir ce que cela signifie dans notre vie personnelle. Et la théologie n’a pas fini de nous surprendre pour découvrir de nouvelles harmoniques d’un salut offert gratuitement, de manière inouïe.
Une petite citation pour la route. C’est Martin Pochon qui nous la partage dans un petit livre très facile à lire. Il cite Joseph Ratzinger, avant qu’il ne devienne évêque : « Dans le Nouveau Testament, la croix apparaît avant tout comme un mouvement de haut en bas. Elle n’est pas l’œuvre de réconciliation que l’humanité offre au Dieu courroucé, mais l’expression de l’amour insensé de Dieu qui se livre, qui s’abaisse pour sauver l’homme ; elle est sa venue auprès de nous et non l’inverse. À partir de cette révolution dans l’idée d’expiation, et donc dans l’axe même de la réalité religieuse, le culte chrétien et l’existence chrétienne reçoivent eux aussi une nouvelle orientation. L’adoration dans le christianisme consiste d’abord dans l’accueil reconnaissant de l’action salvifique de Dieu. Dans le culte, ce ne sont pas des actions humaines qui sont offertes à Dieu ; il consiste plutôt en ce que l’homme se laisse combler. » (L’offrande de Dieu, édition Vie Chrétienne, 2016. Petit livre à lire en cette semaine). Bonnes Pâques !
Pour aller plus loin : 666. Golias Hebdo n° 666 (Fichier pdf)