Qui croire aujourd’hui ?
Par Christine Fontaine
Nous avons cru !
« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui ne sont pas mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez… »
Et nous y avons cru ! Nous avons cru que les apôtres et leurs successeurs étaient envoyés par Jésus-Christ comme lui-même était envoyé par le Père. Nous avons cru que L’Esprit Saint leur avait été donné. Nous avons cru que, grâce à l’Esprit, les successeurs des apôtres avaient le pouvoir de remettre les péchés, c’est-à-dire de ne pas retenir quelqu’un dans les actes mortifères commis dans son passé. Nous avons cru que cette remise des péchés ne pouvait pas aller, comme Jésus le dit, sans que « tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui soient maintenus ». Autrement dit que la remise des péchés ne pouvait pas aller sans un esprit de discernement. Nous avons cru qu’on pouvait faire confiance aux apôtres et à leurs successeurs pour discerner ceux qui ne veulent pas abandonner leurs comportements mortifères et ceux qui désirent en vérité s’en détacher.
Nous ne croyons plus !
Nous avons cru en cet évangile. Nous avons cru, comme l’Église nous le demandait, que les évêques et le Pape étaient les successeurs des apôtres. Nous y avons cru, mais aujourd’hui un grand nombre de catholiques ne le croient plus ! Combien de laïcs, mais aussi combien de prêtres ayant consacré toute leur vie au service de l’Église disent publiquement ou se disent secrètement qu’ils se sont fait berner par cette institution qui, à leurs yeux, n’est plus crédible ? Clercs et laïques, nous savons tous depuis toujours que l’Église est faite d’hommes pécheurs. Là n’est pas le problème. Mais nous croyions pouvoir quand même faire confiance à la hiérarchie pour guider l’ensemble des baptisés. Or nous constatons que des évêques ont caché la pédophilie de certains prêtres et les ont maintenus en poste sans avoir souci des victimes. Nous apprenons que des prêtres violent des religieuses et que lorsqu’elles sont enceintes il leur est proposé – voire imposé – d’avorter. Nous découvrons qu’au Vatican, mais aussi un peu partout dans l’Église, des parties de plaisir entre prêtres, évêques, cardinaux homosexuels ont régulièrement cours. Nous apprenons que les évêques et cardinaux qui interdisent le plus rigoureusement tout passage à l’acte aux homosexuels sont les mêmes qui passent à l’acte tous les jours. Nous sommes nombreux à penser que ces hommes qui prétendent avoir reçu l’Esprit Saint et être les successeurs des apôtres nous ont mentis ! Même ceux qui continuent à les croire ne peuvent nier la débâcle de l’institution.
Croyons en Jésus-Christ !
« Il y a encore beaucoup d’autres signes que Jésus a faits en présence des disciples et qui n’ont pas été mis par écrit dans ce livre. Mais ceux-là y ont été mis afin que vous croyiez que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et afin que, par votre foi, vous ayez la vie en son nom. »
L’évangéliste n’a pas écrit pour que nous croyions en la mission des apôtres et de leurs successeurs, mais pour que nous croyons en Jésus-Christ ressuscité d’entre les morts. Nous confondons les prélats et les disciples. Mais les premiers apôtres étaient de simples Galiléens, des hommes du peuple qui n’avaient ni titre de noblesse, ni crosse, ni mitre, ni diplôme. C’est eux que Jésus envoie pour parler en son nom. C’est à eux qu’il donne son esprit. Ce n’est pas du côté des grands, mais du côté des petits qu’il faut chercher les successeurs des apôtres. Ce sont toujours par les petits que Jésus passe pour faire l’Église et ceci depuis les origines. Saint Paul disait déjà aux Corinthiens : « Frères, vous qui avez été appelés par Dieu, regardez bien : parmi vous, il n’y a pas beaucoup de sages aux yeux des hommes, ni de gens puissants ou de haute naissance. Au contraire, ce qu’il y a de fou dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion les sages ; ce qu’il y a de faible dans le monde, voilà ce que Dieu a choisi pour couvrir de confusion ce qui est fort… »
Croyons sans avoir vu !
Pour les disciples, le soir du premier jour de la semaine, la cause était perdue. Jésus était mort. Ils l’avaient vu. Serons-nous assez fous pour croire ce qu’ont cru les disciples ? Serons-nous assez fous pour croire que Jésus compte sur ceux qui voient la ruine de l’Église et qui n’ont, par eux-mêmes, aucun pouvoir pour la ressusciter ? Serons-nous assez fous pour croire que Jésus leur donne son esprit ? Serons-nous assez fous pour croire que c’est à chaque baptisé qu’est donné le pouvoir de remettre et de maintenir les péchés ? Autrement dit que nous sommes tous appelés à pardonner à tout homme qui désire sincèrement ne pas être retenu dans un passé mortifère. Mais que nous sommes tous appelés également à discerner ceux dont on doit maintenir les péchés parce qu’il ne faut pas attendre d’eux une quelconque conversion. Aurons-nous suffisamment de discernement pour découvrir qu’il existe des petits, même parmi les grands de l’Église, et qu’il ne suffit pas d’appartenir au peuple pour être prémuni du danger de chercher le pouvoir comme certains grands ?
Jésus dit à Thomas : « Parce que tu m’as vu, tu crois. Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu. » À nous qui ne voyons pas, qu’il nous soit donné de croire ! L’institution telle que nous la connaissons ne date pas de Jésus-Christ. Elle peut mourir pour renaître sous une forme dont nous ignorons tout aujourd’hui. Les apôtres ignoraient totalement, le premier jour de la résurrection, où ils seraient conduits et quelle forme prendrait l’assemblée des croyants. Ils n’ont pas attendu de le voir pour connaître la joie de ressusciter avec le Christ. Peu importe où va l’Église, peu importe où nous allons. L’important est de nous aider mutuellement à discerner si c’est à la suite du Christ que nous marchons ! N’attendons pas que l’institution se réforme pour voir que la Vie est plus forte que la mort. « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu » ! Ils connaissent la joie de ressusciter dès maintenant !