Par le pasteur Alain Arnoux
« Je suis comme saint Thomas – déclare l’incroyant – je ne crois que ce que je vois. »
Bonne fille, la Bible – ne trouvez-vous pas ? – de procurer des phrases toutes faites à l’incroyant comme au croyant !
« Je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. »
Comme saint Thomas ? Voire !
Pour être comme saint Thomas, il faut aimer le Christ, car Thomas l’aimait ; il faut avoir mal parce que Jésus a été victime du mensonge et de la haine (et l’est toujours), et cela faisait mal à Thomas ; il faut être malade ou en colère de voir les paroles de Jésus ignorées, méprisées, moquées et rejetées, car ce rejet de Jésus transperçait Thomas…
Comme saint Thomas, vraiment ?
Pour être comme saint Thomas, il faut aimer le Christ, et se sentir transpercé.e d’avoir (eu) souvent honte de lui, de sa pauvreté et de son manque de look ; d’avoir volontairement oublié ses paroles ; de l’avoir souvent abandonné, trahi et renié ; de le laisser souvent seul…
Comme saint Thomas, vraiment ?
Pour être comme saint Thomas, il faut aimer le Christ Jésus et, parce qu’on l’aime, souffrir de ne pas pouvoir croire qu’il est vivant, souffrir de ne pas y parvenir tout en espérant de tout son être que ce soit vrai. Pour être comme saint Thomas, il ne faut pas demander des preuves dans un ricanement, mais parce qu’on souffre de ne pas croire, parce qu’on aimerait croire.
Comme saint Thomas, vraiment ?
Pour abdiquer, Thomas ne demandait pas à voir un Christ glorieux, éclatant et majestueux, intact et inatteignable, mais le Christ blessé vainqueur de ses blessures, un Christ encore semblable à lui Thomas qui saignait de la défaite de son espérance, de sa lâcheté et de son incapacité de croire, de sa solitude dans l’échec et la honte et la tristesse… Un Christ blessé, mais debout quand même ! Alors, comme saint Thomas, vraiment ?
Non, pas plus que le saint patron des croyants tranquilles et inébranlables, Thomas n’est le saint patron des incroyants tranquilles, sûrs d’eux, inoxydables, fiers de l’être, de ceux qu’on appelle – et pire, qui s’appellent eux-mêmes – les « esprits forts ».
Si saint patron il y a, Thomas est le saint patron de ceux qui aiment le Christ, et qui sont torturés et humiliés de ne pas arriver à croire qu’il est vivant ; il est le saint patron des croyants peu sûrs d’eux, des croyants faillibles, des croyants qui se jugent eux-mêmes (et à tort) « douteux », plus que des croyants tranquilles, sûrs d’eux, fiers de l’être. Si saint patron il y a, Thomas est celui des croyants pour qui la foi n’est pas la solution de facilité qui permet d’évacuer la réalité, et celui des incroyants pour qui l’incroyance n’est pas la solution de facilité qui permet d’évacuer l’incompréhensible.
Thomas, un saint patron, vraiment ?
Thomas est appelé le Didyme, c’est-à-dire le Jumeau… mais l’évangile ne dit pas le nom du jumeau de Thomas. Alors, Thomas, le Jumeau du Christ blessé ; celui de ceux qui aiment le Christ, incroyants intranquilles et croyants intranquilles ; celui de ceux pour qui la résurrection n’est ni une solution de facilité ni une « happy end »… Le nôtre ?

Source : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-libres-opinions/gl1525.htm