Tony Anatrella, ancien conseiller du Vatican, sera jugé par l’Église pour des accusations d’abus sexuels
Par Élisabeth Auvillain.
L’archevêché de Paris a confirmé que ce prêtre et psychothérapeute français de premier plan, qui a été un conseiller influent du Vatican sur les questions relatives à la sexualité humaine, sera jugé par un tribunal ecclésiastique après avoir été accusé de relations sexuelles inappropriées avec des clients masculins.
Les charges retenues contre Mgr Tony Anatrella n’ont pas été annoncées. La date du début de la procédure n’a pas non plus été communiquée. Les procédures canoniques de l’Église catholique sont souvent tenues au secret.
Des rumeurs d’abus sexuels commis par Mgr Anatrella circulent depuis près de deux décennies. Les diocèses français envoyaient souvent des séminaristes soupçonnés d’être homosexuels chez le thérapeute, qui prétendait savoir comment aider les jeunes hommes à supprimer leur homosexualité.
Aujourd’hui âgé de 80 ans, Anatrella, a été interdit d’exercer son ministère en tant que prêtre par l’archevêque de Paris Michel Aupetit en 2018. La « réprimande » canonique l’a empêché de célébrer la messe, d’entendre des confessions ou de pratiquer une thérapie. Anatrella a également dû renoncer à prendre la parole en public sans l’accord de l’évêque.
Anatrella a vigoureusement nié les accusations portées contre lui.
Cette procédure à venir pourrait aboutir à la réduction d’Anatrella à l’état laïque, ce qui serait une chute choquante pour quelqu’un qui a autrefois évolué dans les plus hautes sphères de l’église française. Anatrella a même aidé la conférence des évêques français à rédiger ses premières directives contre les abus sexuels en 2000.
En 2005, il aurait participé à l’élaboration des directives du Vatican visant à écarter les homosexuels de la prêtrise.
Les premières accusations contre Anatrella semblent avoir été formulées au début des années 2000. Daniel Lamarca, ancien séminariste envoyé en thérapie chez Anatrella dans les années 1980, a affirmé en 2006 que le prêtre l’avait soumis à des abus sexuels.
Trois plaintes ont été déposées contre Anatrella devant les tribunaux français en 2008. Deux ont été rejetées en raison de l’expiration des délais de prescription respectifs. Une autre a été rejetée pour manque de preuves.
Plusieurs victimes se sont ensuite tournées vers l’église. La plupart d’entre elles ne veulent toujours pas être nommées. Lamarca est une exception. Lamarca a déclaré au Nederlands Dagblad en 2006 qu’Anatrella avait dit à Lamarca qu’il pouvait « guérir » son homosexualité en ayant des relations sexuelles avec le prêtre.
De nouvelles accusations contre Anatrella ont été mises en lumière en 2016. Le cardinal André Vingt-Trois, alors archevêque de Paris, a d’abord ouvert une enquête canonique, qui a conduit à l’admonestation d’Aupetit, le successeur de Vingt-Trois.
Un signalement au parquet de Paris concernant des faits d’agression sexuelle sur un mineur de 14 ans a été effectué en 2019.
Aujourd’hui grand-père, le plaignant a raconté en mai 2019 au quotidien catholique La Croix qu’il a traversé une période difficile à l’adolescence et que sa mère l’a envoyé chez Anatrella, alors aumônier de son lycée public à Paris. Le prêtre lui a demandé de se déshabiller et lui a imposé des rapports sexuels, a raconté le plaignant.
Le plaignant a déclaré qu’il s’était finalement présenté pour signaler ses abus à l’archevêché de Paris en février 2019, et a dit qu’on lui avait dit que « son témoignage avait été pris en compte, que les autorités civiles avaient été informées et que son témoignage avait été envoyé à Rome. »
Le père Philippe Lefebvre, dominicain français et théologien, a mis en garde contre Anatrella au cours des 14 dernières années, le décrivant comme un idéologue plus qu’un thérapeute ou un théologien.
« En 2006, j’ai écrit un article contestant certains des arguments théologiques d’Anatrella », a déclaré Lefebvre à l’hebdomadaire français Le Point en juillet 2018. « Certaines personnes qui ont lu mon article m’ont écrit pour me dire qu’elles avaient été soumises à des traitements “corporels” par Tony Anatrella. »
Lefebvre a déclaré avoir rencontré certaines des personnes qui ont fait ces rapports et a estimé que « leur parole ne pouvait pas être mise en doute. »
« J’en ai parlé à sept évêques français et au président de la Conférence des évêques de France », a déclaré Lefebvre. « Je n’ai reçu aucune réponse. Il ne s’est rien passé. Ce qui s’est passé, c’est que, lorsque mon nom est apparu dans la presse, on m’a dit de faire attention et de ne pas critiquer Tony Anatrella parce que c’était quelqu’un d’important au Vatican. »
Lefebvre, qui enseigne à la faculté de théologie de l’université Miséricorde en Suisse depuis 2005, a affirmé qu’il y avait une « omerta organisée » pour protéger Anatrella.
Anatrella a écrit une douzaine de livres, principalement sur le sexe et l’homosexualité.
On peut lire aussi :
https://nsae.fr/2017/12/01/affaire-anatrella-le-dossier-senlise/
https://nsae.fr/2016/02/18/abus-sexuels-ce-qui-est-dit-et-ce-qui-nest-pas-dit-aux-nouveaux-eveques-catholiques