Évangile et démocratie
Par Michel Dallaporta
Depuis l’appel lancé par Xavier Renard, je participe au Groupe de réflexion Avenir de Parvis. Lors d’une réunion par Zoom, je m’enflammais en exaltant les inspirations démocratiques de deux protestants : Nicolas de Condorcet, député girondin, ardent militant pour l’égalité du statut des femmes, l’abolition de l’esclavage, de la peine de mort ; et Michel Rocard, citoyen appelé pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie, qui demanda à ses camarades de promotion de l’ENA, enrôlés comme lui, à porter témoignage sur les camps de regroupement. Il en établit un rapport accablant qu’il fit parvenir à Paul Delouvrier, Gouverneur Général d’Algérie.
Ne modérant pas mon enthousiasme pour mes héros, j’annonçais : « Ces deux-là méritent bien d’être canonisés ! » À ces mots, Marie-Anne s’écria : « J’en connais un autre : Robert Badinter ! » Notre petite assemblée ne trouva rien à redire à de tels propos…
Pendant la guerre d’indépendance de l’Algérie, des citoyens appelés retournèrent des situations grâce à leurs convictions démocratiques : tourner le dos à une scène que l’on réprouve, courir vers un détenu qui va être exécuté et le prendre dans les bras, refuser d’approvisionner en eau un lieu où l’on torture avec de l’eau et l’électricité d’une gégène.
Les Conventions de Genève de 1949 sur la protection des populations civiles en temps de guerre sont là pour l’exiger de tout citoyen démocrate. Se servir de l’État de droit de notre démocratie, c’est, pour un ami de Jésus, faire rayonner ce qu’il est venu nous révéler : tous frères !
Notre démocratie donne aux chrétiens de multiples moyens pour faire avancer la liberté, l’égalité et la fraternité. L’État de droit d’une démocratie nous ouvre l’espace pour rejoindre une attitude proche de celle du Galiléen. Personnellement, j’ai tenté de faire ma part. Comme soldat et comme syndicaliste. L’idéal de démocrate oblige d’abord le chrétien que je suis. Mais quelle part prenons-nous à la création d’actions vers notre belle devise nationale ?
L’État promeut aujourd’hui l’Économie Sociale et Solidaire, élevée au rang d’un ministère. Les Restos du Cœur, la Banque alimentaire, Amnesty International, l’ACAT, Emmaüs, nombre d’associations témoignent en grand et en silence des mêmes forces qui animaient Jésus. Offrir la pratique de l’art, à même le sol, en plein vent, à la multitude des enfants de la rue, avec du beau papier, de belles couleurs et des humains inspirés… Belle provocation dans notre société mercantile ! Une maman enthousiaste : « Vous faites exister nos enfants ! »
Certaines associations attirent la protection de l’État laïc et son argent : subventions, prix de journée… Ignorer les aides de l’État à l’égard des associations et ne pas déployer nos capacités à créer, ne serait-ce pas se dérober aux inscriptions des frontons de nos bâtiments nationaux ? De nombreux hôpitaux, créés au siècle dernier par des associations de citoyens « bien-pensants », prospèrent aujourd’hui sous tutelle de l’État. Les « patronages » ont servi de modèle – entre autres – à l’Éducation populaire.
Nos anciens, les chrétiens sociaux, ont fondé l’Europe. Puisons nos ardeurs altruistes dans ce que fut le « Service National à la Coopération » et qui brilla après 1962, en Afrique, Asie et Amérique latine. L’Espace éthique dirigé par Emmanuel Hirsch est une création récente et les présidents de la République s’appuient sur ce philosophe et son équipe pour tracer une voie éthique dans les choix des lois à venir. En 2016, il écrivait : Valeurs du soin, Valeurs de la République. Un de ses adeptes amplifie l’intention : Prendre soin du prochain, Prendre soin du lointain. La Fondation La France s’engage promeut chaque année des associations convaincantes. Elle ouvre ses capacités de financement et d’accompagnement aux projets d’expansion.
Source : Les Réseaux des Parvis, n° 108 https://www.dropbox.com/s/s6eyk6amco77wwn/Dossier%20du%20n%C2%B0%20108.pdf?dl=0
Lire : https://nsae.fr/2022/01/07/les-reseaux-des-parvis-n-108-janvier-fevrier-2022/