Le pape François réforme la Curie romaine avec le lancement de la constitution du Vatican « Praedicate evangelium »
Le Vatican a publié samedi 19 mars un document très attendu mettant en œuvre la réforme du pape François sur l’organisation et la structure de la Curie romaine.
La constitution apostolique, Praedicate evangelium (« Prêchez l’Évangile »), a été publiée initialement uniquement en italien le 19 mars après neuf ans de travail du Conseil des cardinaux conseillers du pape.
La constitution souligne que « tout fidèle » peut diriger l’un des dicastères ou autres organismes du Vatican nouvellement constitués, « compte tenu de leur compétence particulière, de leur pouvoir de gouvernement et de leur fonction. »
Praedicate evangelium remplace Pastor bonus, la constitution apostolique sur la Curie romaine promulguée par le pape Jean-Paul II le 28 juin 1988, puis modifiée par les papes Benoît et François.
Avec la publication de la nouvelle constitution, Pastor bonus est « pleinement abrogé et remplacé ».
La constitution a été publiée en la solennité de saint Joseph, époux de la Vierge Marie, le neuvième anniversaire de l’inauguration du pontificat du pape François. Elle prendra pleinement effet le 5 juin, en la solennité de la Pentecôte.
Disparition des congrégations et des conseils pontificaux
En vertu de la nouvelle constitution, tous les principaux départements du Vatican sont désormais appelés « dicastères ». La puissante Congrégation du Vatican pour la doctrine de la foi, par exemple, s’appellera désormais « Dicastère pour la doctrine de la foi ».
En plus de supprimer le titre de « congrégation » des départements du Vatican, la nouvelle constitution renomme les conseils pontificaux en « dicastères ».
La constitution dit : « La Curie romaine est composée de la Secrétairerie d’État, des dicastères et d’autres organismes, tous juridiquement égaux les uns aux autres. »
Les 16 dicastères sont les suivants :
– Dicastère pour l’évangélisation
– Dicastère pour la Doctrine de la Foi
– Dicastère pour le service de la charité
– Dicastère pour les Églises orientales
– Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements
– Dicastère pour les Causes des Saints
– Dicastère pour les évêques
– Dicastère pour le clergé
– Dicastère pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique
– Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie
– Dicastère pour la promotion de l’unité des chrétiens
– Dicastère pour le dialogue interreligieux
– Dicastère pour la culture et l’éducation
– Dicastère pour la promotion du développement humain intégral
– Dicastère pour les textes législatifs
– Dicastère pour la Communication
Le document explique qu’« il est devenu nécessaire de réduire le nombre de départements, en réunissant ceux dont la finalité était très similaire ou complémentaire, et de rationaliser leurs fonctions dans le but d’éviter les chevauchements de compétences et de rendre leur travail plus efficace. »
L’évangélisation au centre
Dans un changement significatif, le Conseil pontifical pour la promotion de la nouvelle évangélisation et la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, responsables du travail missionnaire, sont fusionnés dans le Dicastère pour l’évangélisation, présidé directement par le pape.
Le dicastère pour l’évangélisation est cité en premier parmi les dicastères dans le document, ce qui indique sa centralité dans la nouvelle structure de la Curie romaine.
Le dicastère aura deux sections, l’une pour les « questions fondamentales de l’évangélisation dans le monde » et l’autre « pour la première évangélisation et les nouvelles Églises particulières dans les territoires de sa compétence. »
Chaque section sera dirigée, au nom du pape, par un « pro-préfet ».
Un Dicastère pour la Doctrine de la Foi
Le document confirme les changements apportés à l’ancienne Congrégation pour la doctrine de la foi dévoilés par le pape François en février.
Le pape a réorganisé la structure interne du bureau de la doctrine du Vatican en deux sections : une section doctrinale et une section disciplinaire.
Définissant les responsabilités de la section doctrinale, la nouvelle constitution indique qu’elle travaille en contact étroit avec les responsables de l’Église dans le monde entier « dans l’exercice de leur mission de maîtres authentiques et d’enseignants de la foi, pour laquelle ils sont tenus de sauvegarder et de promouvoir l’intégrité de cette foi ».
La section « examine les écrits et les opinions qui semblent contraires ou préjudiciables à la foi et aux bonnes mœurs ; elle recherche le dialogue avec leurs auteurs et présente les remèdes appropriés à apporter, conformément à ses propres normes. »
Elle « s’efforce également de veiller à ce qu’il y ait une réfutation adéquate des erreurs et des doctrines dangereuses qui sont répandues parmi le peuple chrétien. »
Sauvegarder le changement
Le document explique que la Commission pontificale pour la protection des mineurs est « établie au sein du Dicastère » pour la Doctrine de la Foi.
« Sa tâche est de fournir au Pontife romain des avis et des conseils et de proposer les initiatives les plus appropriées pour la protection des mineurs et des personnes vulnérables », précise le document.
Le cardinal Seán O’Malley, président de la commission pontificale, a salué ce changement.
Il a déclaré : « Le pape François a fait pour la première fois, de la sauvegarde et de la protection des mineurs un élément fondamental de la structure du gouvernement central de l’Église : la Curie romaine. »
« Lier plus étroitement la commission au travail du nouveau Dicastère pour la Doctrine de la Foi représente une avancée significative dans l’amélioration de la place et du mandat de la commission, ce qui ne peut que conduire à une culture plus forte de la sauvegarde dans toute la Curie et dans toute l’Église. »
« Conservant son statut d’organe distinct au sein du dicastère qui jouit d’un accès direct au Saint-Père et disposant de sa propre direction et de son propre personnel, la Commission pontificale renouvelée et réaffirmée jouera un rôle de plus en plus incisif pour garantir que l’Église est un lieu sûr pour les enfants et les personnes vulnérables. »
Mgr O’Malley, archevêque de Boston, est membre du Conseil des cardinaux conseillers qui a conseillé le pape sur la nouvelle constitution.
Accent sur la charité
Le bureau des œuvres de charité du pape, dirigé par le cardinal Konrad Krajewski, aumônier du pape, devient le nouveau dicastère pour le service de la charité.
Selon Vatican News, ces changements confèrent à ce bureau « un rôle plus important au sein de la Curie ».
Culte, livres liturgiques et forme extraordinaire
Selon la constitution, le nouveau Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements est chargé d’organiser « la rédaction ou la révision et la mise à jour des éditions typiques [latin original] des livres liturgiques ».
« Le dicastère confirme les traductions des livres liturgiques dans les langues courantes et donne recognitio [reconnaissance formelle] à leurs adaptations appropriées aux cultures locales, légitimement approuvées par les conférences épiscopales », est-il précisé.
Il ajoute que « le dicastère s’occupe de la réglementation et de la discipline de la sainte liturgie en ce qui concerne la forme extraordinaire du rite romain. »
Le pape François a imposé des restrictions strictes sur la célébration des messes de forme extraordinaire – également connues sous le nom de messes traditionnelles en latin – dans sa lettre apostolique Traditionis custodes de juillet 2021.
Autres innovations
En ce qui concerne l’organisme désormais connu sous le nom de Dicastère pour les causes des saints, la nouvelle constitution indique : « Il appartient au dicastère de juger de l’attribution du titre de docteur de l’Église à un saint, après avoir obtenu le vote du Dicastère pour la doctrine de la foi concernant leur éminente doctrine. »
Le Conseil pontifical pour la culture et la Congrégation pour l’éducation catholique sont réunis dans le Dicastère pour la culture et l’éducation, qui est divisé en deux sections.
Les pouvoirs de la Secrétairerie d’État
Les premières versions de la constitution auraient donné de larges pouvoirs à la Secrétairerie d’État du Vatican, qui occupait déjà une position centrale au sein de la Curie romaine. Dans la version finale, la Secrétairerie d’État figure avant les 16 dicastères.
Le document publié indique que l’institution, supervisée par le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin, « assiste étroitement le Pontife romain dans l’exercice de sa mission suprême. »
Il décrit les tâches des trois sections du Secrétariat : la section des affaires générales, la section des relations avec les États et les organisations internationales et la section du personnel diplomatique du Saint-Siège.
La première section a de larges responsabilités, notamment celle de « s’occuper des affaires concernant le service quotidien du Pontife Romain », de coordonner le travail des dicastères « sans préjudice de leur autonomie », de rédiger les documents pontificaux tels que les lettres apostoliques, et de donner « des indications au Dicastère pour la Communication concernant les communications officielles relatives tant aux actes du Pontife Romain qu’à l’activité du Saint-Siège ».
Autres nouveautés
Soulignant d’autres nouveautés dans le texte, Vatican News note que la Secrétairerie d’État est définie comme un « secrétariat pontifical », que le Bureau du personnel de la Curie est transféré au Secrétariat à l’économie, et que « l’Administration du patrimoine du Siège apostolique (APSA) doit réaliser son travail à travers l’activité instrumentale de l’Institut pour les œuvres de religion », également connu sous le nom de « banque du Vatican. »
« La constitution établit également que pour les clercs et les religieux en poste à la Curie romaine, le mandat est de cinq ans et peut être renouvelé pour un second mandat de cinq ans, à l’issue duquel ils retournent dans leurs diocèses et communautés d’origine », précise le portail d’information en ligne du Vatican.
Objectifs de la réforme
Les objectifs de la réforme sont énoncés dans une section de la nouvelle constitution intitulée « Principes et critères pour le service de la Curie romaine ».
Elle énonce 11 principes directeurs : « Service à la mission du Pape », « Coresponsabilité dans la communio », « Service à la mission des évêques », « Soutien aux Églises particulières et à leurs conférences épiscopales et structures hiérarchiques orientales », « Caractère vicaire de la Curie romaine », « Spiritualité », « Intégrité personnelle et professionnalisme », « Collaboration entre les dicastères », « Rencontres interdicastérielles et intradicastérielles », « Expression de la catholicité » et « Réduction des dicastères ».
En plus de définir les compétences des 16 dicastères, la constitution de 54 pages décrit le rôle des autres institutions du Vatican, y compris les organes judiciaires comme la Pénitencerie apostolique, les organisations économiques comme le Bureau de l’Auditeur général, et d’autres bureaux comme la Préfecture de la Maison papale.
Il énumère les fonctions du Camerlingue de la Sainte Église romaine, actuellement le cardinal Kevin Farrell, qui supervise le fonctionnement du Vatican pendant un interrègne papal.
Il définit également les qualités attendues des juristes travaillant pour le Saint-Siège, qui sont tenus « de mener une vie chrétienne intégrale et exemplaire et d’accomplir les tâches qui leur sont confiées avec la plus grande conscience et pour le bien de l’Église. »
Un parcours de 9 ans jusqu’à la publication
Lors de son élection en 2013, le pape François était largement considéré comme ayant le mandat de réformer la Curie romaine. Au cours des neuf premières années de son pontificat, il a publié des décrets modifiant le droit et les structures du Vatican, qui se reflètent dans le texte de la nouvelle constitution.
Le Conseil des cardinaux a terminé la première version de la nouvelle constitution en 2018. Le texte a ensuite été diffusé auprès des présidents des conférences épiscopales nationales, des dicastères de la Curie romaine, des synodes des Églises orientales, des conférences des supérieurs majeurs et de certaines universités pontificales, afin de recueillir leurs commentaires en 2019.
Les cardinaux se sont réunis en février 2020 pour « une relecture et une révision en profondeur » du document.
Au milieu de la pandémie de coronavirus, ils ont continué à examiner le texte lors de réunions virtuelles avec le pape François.
Sept cardinaux siègent actuellement au Conseil des cardinaux, aidés par le secrétaire, Mgr Marco Mellino : le cardinal hondurien Óscar Andrés Rodríguez Maradiaga, qui fait office de coordinateur ; le secrétaire d’État du Vatican, le cardinal Pietro Parolin ; le cardinal Giuseppe Bertello, président de la Commission pontificale pour l’État de la Cité du Vatican ; le cardinal indien Oswald Gracias, de Bombay ; le cardinal allemand Reinhard Marx, de Munich et Freising ; le cardinal américain O. Malley ; et le cardinal congolais Fridolin Ambongo Besungu, de Kinshasa.
En janvier 2021, P. Parolin a déclaré que des « progrès considérables » avaient déjà été réalisés dans la réforme de la Curie romaine engagée par le pape, notamment en ce qui concerne les finances du Vatican, soulignant la création du Conseil pour l’économie, du Secrétariat pour l’économie et du Bureau du réviseur général.
Il a ajouté que d’autres réformes pourraient inclure la fusion de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples avec le Conseil pontifical pour la nouvelle évangélisation et la combinaison de la Congrégation pour l’éducation catholique avec le Conseil pontifical pour la culture.
« Mais ce sont des actions mineures par rapport à ce qui a déjà été fait », a-t-il déclaré. « Il s’agit maintenant de donner une homogénéité à toutes les réformes qui ont été faites, par le biais de la nouvelle constitution apostolique. »
Dévoilement formel
Le Vatican présentera formellement la nouvelle constitution lors d’une conférence de presse le lundi 21 mars.
Parmi les intervenants figureront le cardinal Marcello Semeraro, préfet de la Congrégation pour les causes des saints, Mgr Mellino et le père Gianfranco Ghirlanda, S.J., expert en droit canonique.
La nouvelle constitution fait référence aux réformes précédentes de la Curie romaine au cours des siècles passés. Elle souligne les réformes instituées au 20e siècle par les papes Paul VI et Jean-Paul II.
Elle dit : « Dans la continuité de ces deux réformes récentes et avec gratitude pour le service généreux et compétent qu’au fil du temps tant de membres de la Curie ont offert au Pontife romain et à l’Église universelle, cette nouvelle constitution apostolique se propose de mieux harmoniser l’exercice actuel du service de la Curie avec le chemin d’évangélisation que l’Église, surtout en cette période, est en train de vivre. »