Qui sauvera l’honneur des catholiques pratiquants ?
Par Patrice Dunois-Canette
Selon une étude IFOP pour le journal La Croix, 40 % des catholiques pratiquants ont voté pour l’extrême droite. Plus que la moyenne nationale.
On pourrait se consoler en disant que les catholiques pratiquants ne représentent plus grand-chose, sont une toute petite minorité. Selon les données du même institut, seuls 6,6 % des Français, après tout, se disent catholiques pratiquants.
Ce vote-là pourtant est une gifle au pays, à l’Église, au Dieu de l’Évangile. Désigner la société, son modèle économique, ses modes de vie, ses choix sociétaux, l’oubli d’où elle vient, comme responsables, serait se défausser à bon compte. Parler de repli, trop facile, trop rassurant. Qualifier ce vote de « très en défense » relève de la dérobade.
Redisons les choses autrement : les catholiques qui vont à la messe sont parmi nos concitoyens ceux qui votent le plus pour un parti autoritaire et antidémocratique, un parti qui inscrit à son programme l’exclusion, la discrimination. Ce choix nauséeux, émétisant les rend difficilement fréquentables.
Il ne suffit pas de se demander ce que dit ce vote du regard porté sur la société par ces catholiques.
Il faut s’interroger sur ce que dit ce vote de l’institution, de sa vigilance, de la force de son enseignement, de la pertinence de ses célébrations, et des apprentissages de la vie fraternelle qu’elle génère ou pas.
Que dit ce vote des prêches et discours de l’Église, de ses mobilisations partisanes et zemouriennes contre la démocratisation de l’intime, de ses propos extravagants sur la messe en temps de pandémie ?
Que dit ce vote d’une « nouvelle évangélisation » qui interprète le Concile sous le mode de la « retractatio » ou de la « clôture » ? Qui encourage le clergé à se réapproprier ses privilèges tridentins ? confie ses sessions de remasculinisation, de revirilisation à des mouvements charismatiques ? laisse diffuser sur les blogs de prêtres certains de mener une bataille culturelle qui précède la victoire politique, les affirmations dénonciatrices, les plus fondamentalistes et réactionnaires ?
Faut-il continuer à citer les illustrations d’un retour en arrière accepté bon gré mal gré, proposé ou encouragé pour revitaliser l’Église ? Aller chercher les discours et écrits qui, benoîtement, laissent entendre que l’héritage – doctrine, rite, culte, structures de gouvernement, etc.- aurait été délaissé ou renié et suscitent crispations, frilosités et envies d’en découdre ?
Les candidats d’extrême droite ne sont pas devenus des candidats désirables et choisis par miracle. Ce vote a grandi dans une Église confessante et identitaire, une Église qui a peur de la réforme, peur de son temps, peur de la culture contemporaine et qui, pour celle qui est lucide, se protège en spiritualisant tout.
Les évêques si prompts à fustiger les choix de nos contemporains en matière de mœurs et qui ont légitimé cette fois le vote blanc, ont-ils maintenant même le droit de garder le silence.
Qui sauvera l’honneur des catholiques pratiquants ? Qui, avant qu’il soit minuit moins cinq, aura le courage de leur donner la « correction fraternelle » nécessaire, urgente, salutaire : « Si ton frère vient à pécher, va le trouver et reprends-le, seul à seul. S’il t’écoute, tu auras gagné ton frère.
S’il n’écoute pas, prends encore avec toi un ou deux autres, pour que toute affaire soit décidée sur la parole de deux ou trois témoins.
Que s’il refuse de les écouter, dis-le à la communauté. Et s’il refuse d’écouter même la communauté, qu’il soit pour toi comme le païen et le publicain.
En vérité je vous le dis : tout ce que vous lierez sur la terre sera tenu au ciel pour lié, et tout ce que vous délierez sur la terre sera tenu au ciel pour délié. » (Matthieu 18, versets 15 à 18)