Par Peio Ospital [1]
Il m’a paru opportun cette fois de vous partager le texte de Jacques Neirynck [2] paru dans la revue PAVES N° 70 du premier trimestre 2022 (Source CCBF). Dans ce texte très mesuré, J. Neirynck exprime malgré tout sa confiance dans l’avenir, mais en énonçant un certain nombre de conditions qui recoupent les analyses lues chez beaucoup de théologiens et de groupes : concernant la « gouvernance » par exemple, deux mesures sont considérées comme minimales, un système d’élections et une séparation des pouvoirs législatif et exécutif…
L’étymologie du substantif synode renvoie au grec et se traduit par la « marche ensemble ». Jusqu’à présent, un synode catholique est un organe consultatif permettant aux évêques de se rassembler afin de réfléchir. Ce n’est pas le lieu d’un dialogue entre clergé et laïcs. Il est composé uniquement de clercs, hommes célibataires nommés par le Vatican. Il n’a pas de pouvoir de décision. Ce n’est en rien une forme de parlement représentant l’ensemble des fidèles.
On parle aussi beaucoup de synodalité, terme qui mérite d’être précisé. La synodalité est présentée comme un processus afin de discerner la volonté de Dieu pour l’Église de ce temps, en impliquant la totalité des baptisés.
Cependant, dans certaines Églises réformées, le terme synode a une tout autre signification. Puisqu’il n’y a pas d’évêque, chaque communauté élit une assemblée comportant, par exemple, autant de pasteurs que de laïcs. Celle-ci possède tous les pouvoirs, y compris celui de désigner en son sein un exécutif chargé d’appliquer les décisions qu’elle prend. En contraste avec les synodes catholiques actuels, cette institution réformée pratique le concept de démocratie. Tous les pouvoirs ne sont plus concentrés entre les mains d’une personne, évêque ou curé.
L’expérience récente a dévoilé que la concentration de tous les pouvoirs dans le clergé – et particulièrement les évêques – n’était ni efficace ni réaliste. Ce régime autoritaire a autorisé la dissimulation systémique des crimes pédophiles et des abus spirituels.
Dans le monde développé, la démocratie est devenue un réflexe : les gouvernements tiennent le plus grand compte des mouvements de l’opinion publique. L’Église catholique devrait respecter cette coutume dans une part importante de son fonctionnement.
Dès lors prendre au sérieux ce qu’est un synode implique deux conditions indispensables : il doit être élu et pas nommé ; il doit disposer d’un pouvoir réel de décision. Au niveau d’un diocèse, il assumerait ainsi le rôle d’un législatif tandis que l’évêque et le clergé rempliraient celui d’exécutif des décisions prises. Si ces deux conditions ne sont pas réunies, la synodalité est une dérision : elle met en place des assemblées qui ne représentent que celui qui les a nommées et leurs débats resteront au niveau académique. Or, le plus important dans leur fonction serait d’aller rechercher ceux qui se sont éloignés de l’Église, d’écouter les raisons de leur distanciation, en les incitant à participer au processus d’élection.
En 1789, les États Généraux réunis à l’initiative du roi se sont constitués en Assemblée Nationale en mettant un terme à l’absolutisme. Ce fut le départ d’une période laborieuse. Le clergé de l’Église catholique est placé maintenant devant le même défi : abandonner le pouvoir monopolisé par le clergé et le remettre à tous les fidèles, prêtres, religieux et laïcs, hommes et femmes à égalité. Une telle mutation présente des risques qui doivent être courus, car ils sont moindres que celui d’en demeurer au statu quo.
Il s’agit donc d’une réforme majeure qui doit être entreprise sans hâte ni tergiversation. Si elle ne l’est pas, les maux systémiques de l’Église catholique persisteront. Si elle l’est, des questions subalternes, ne touchant ni le dogme ni la morale, se résoudront spontanément. Une assemblée comportant autant de femmes que d’hommes, majoritairement des personnes mariées, acceptera naturellement la possibilité du mariage des prêtres, puisque les Églises catholiques de rite oriental l’appliquent. De même la question de l’ordination des femmes ne posera pas de difficulté majeure. De la sorte l’Église catholique occidentale se rapprochera en toute humilité des Églises orthodoxes, anglicanes et réformées.
Voilà le véritable enjeu de la consultation en cours.
Notes :
[1]Traduction de l’article paru dans HERRIA du 28-04-2022 [2] Jacques Neirynck, né le 17 août 1931 à Uccle (Belgique), est une personnalité politique, un scientifique, professeur honoraire de l’École polytechnique fédérale de Lausanne.Lire aussi : https://nsae.fr/2022/04/30/pour-une-eglise-synodale-contribution-des-reseaux-du-parvis/