Échos de l’atelier de Parvis : « Dire Dieu, Jésus, la foi aujourd’hui »
Par Jacques Musset et Serge Couderc
Plusieurs personnes constatant qu’elles ne se retrouvaient plus dans la doctrine et l’organisation hiérarchique de leur Église ont décidé de créer, entre novembre 2021 et octobre 2022, un atelier sur le thème Dire Dieu, Jésus, la foi aujourd’hui. Une vingtaine de personnes y sont inscrites individuellement ou en groupe. Dans une première étape, chacun(e) était invité(e) à répondre aux questions suivantes : « Qu’est-ce qui concrètement pour moi « ne colle plus », n’est plus crédible aux niveaux dogmatique, théologique, biblique, liturgique… et dans les discours et les pratiques des responsables de l’Église catholique ? Pourquoi n’est-ce plus crédible ? ». Voici quelques échos des contributions partagées avec en italiques quelques citations.
Ce qui n’est plus crédible pour nous aujourd’hui
En dogmatique, ne sont plus crédibles les dogmes considérés comme immuables, notamment ceux des IVe et Ve siècles, définissant la nature divine de Jésus et la Trinité. Ils ont été élaborés par des évêques de culture grecque, qui ont fait une lecture littérale des évangiles relevant de la culture juive : ils ont ainsi commis d’énormes contre-sens. De plus, pour nous qui vivons au XXIe siècle, ces dogmes sont périmés car ils s’expriment avec des représentations pré-scientifiques. Les autres dogmes – le péché originel, la conception virginale, l’immaculée conception, l’assomption de Marie, l’infaillibilité pontificale – sont aussi inacceptables pour les mêmes raisons. Ils sont très éloignés de l’enseignement de Jésus. Certains d’entre nous interrogent aussi le credo – qui reprend les dogmes des premiers conciles -, ainsi que la hiérarchie religieuse et son magistère « qui prétendent avoir l’autorité d’être les seuls à pouvoir faire une interprétation authentique de la Bible, et à être garant de la vérité unique, absolue, définitive, vérité qui ne peut résider que dans l’Église catholique ».
En théologie, ne sont plus crédibles la représentation d’un Dieu théiste (« Dieu tout puissant, surplombant, pouvant agir à sa guise sur le monde, gouvernant les humains et les sociétés ; conçu comme une personne, Père sécurisant et infantilisant, culpabilisant, bien exploité par des clercs pour exercer leur pouvoir »), la représentation de Jésus comme fils unique de Dieu, préexistant de toute éternité, de même nature que le Père, envoyé par lui pour expier la faute originelle par son sacrifice sanglant sur la croix, la conception déresponsabilisante de la prière de demande, la conception de l’Eucharistie avec sa vision sacrificielle et l’affirmation d’une différence ontologique entre clercs et laïcs.
Dans le domaine biblique, concernant la conception de la révélation de Dieu aux hommes, « il m’est devenu impossible de lire la bible comme la Parole de Dieu. C’est un livre rapportant l’histoire d’un peuple, manifestant sa culture et ses croyances – et aussi les évolutions de ces croyances. Disciple de Jésus, qui avait foi en Dieu qu’il nomme Père, je reçois la bible (et les évangiles) comme un témoignage qui me provoque et me pose la question. ». De plus,« l’Église (catholique) s’obstine, malgré tous les travaux de l’exégèse, à faire une lecture littérale des textes, lecture dont dépend le discours théologique. Or, la méthode historico-critique a bouleversé l’interprétation que nous pouvons en faire. Je suis souvent troublée par les homélies que l’on continue d’entendre ».
En liturgie, ne sont plus crédibles l’omniprésence du péché, le baptême « vu comme un lavage » de la faute originelle, la confession « puisqu’il est intolérable que quelqu’un ait accès à ma vie privée », l’eucharistie catholique avec « son langage imprégné d’une vision théiste d’un “Dieu” tout puissant et régnant au-dessus du monde, une vision pessimiste de l’humain vu d’abord comme pécheur tout au long de la célébration (Jésus n’est-il pas venu pour que nous ayons la vie, la vie en abondance ? Jean 10/10), une conception sacrificielle de la vie et de la mission de Jésus (Jésus mort pour racheter la faute originelle et nos péchés selon la volonté d’un Père, qui est pourtant Amour). La contradiction est-elle soutenable ? Cette conception touche bien sûr au dogme du péché originel qui est complètement dépassé depuis Darwin et avec Teilhard de Chardin : il n’y a jamais eu de monde parfait ni de “paradis terrestre.” » « On y fait mémoire de la mort et de résurrection de Jésus. Il manque quelque chose. Certes “il a souffert, il est mort” mais avant il a VÉCU, a fait des choses merveilleuses, qui sont racontées dans les neuf-dixièmes de l’Évangile. Pourquoi on ne les chante pas ? »
Un groupe fait remarquer que « tout se tient et fait en quelque sorte système : les dogmes, la théologie, la lecture de la Bible, la liturgie et, donc, il est vain d’espérer des modifications partielles, par exemple, sur uniquement la liturgie ».
Les discours et les pratiques qui ne collent plus…
Pour plusieurs membres de l’atelier, ne collent plus, les discours et les pratiques des responsables de l’Église catholique, « leur prétention répétitive de se considérer comme les gardiens des dogmes » (« Il nous est demandé d’abandonner toute rationalité et tout besoin de cohérence. »), « leur grande difficulté à prendre en compte les recherches scientifiques et les recherches bibliques de ces deux-cents dernières années ce qui fait que l’écart se creuse de plus en plus entre les résultats de ces recherches et ce qui est dit et célébré dans cette Église. Avec tout ce que nous savons aujourd’hui, et à l’époque où nous vivons, avec notre univers mental très différent de celui des premiers siècles après Jésus, il faudrait revisiter et interroger honnêtement, courageusement ce qui s’appelle les dogmes et les piliers de notre foi, bref les fondamentaux », « leur tendance à rendre la modernité responsable du départ sur “la pointe des pieds” (schisme silencieux) de beaucoup de croyants. C’est trop facile d’accuser “la modernité” ou “le monde” sans remettre en cause sa manière de dire, de faire et d’être ». « Avec sa façon de procéder, l’Église fabrique ses propres exclus. »
Sont inacceptables la loi du silence et du secret, l’hypocrisie pour sauver les apparences (« Les relations maritales homo ou hétéro sexuelles sont condamnées dès qu’elles sont connues officiellement et tolérées quand on a une vie double. Par ailleurs, on ne divorce pas, mais on peut déclarer un mariage nul. », le manque de dialogue des responsables d’Église (« Plus on est placé haut dans la hiérarchie et plus on est près de la vérité. »), la pratique de l’indulgence plénière, « la canonisation des “Saints”, une injustice discriminatoire. », le manque d’attention, d’accueil, d’aide, de soutien des personnes en souffrance.
L’Église s’acharne à vouloir conserver la fameuse « loi naturelle. « La place des femmes [est] minimisée et la supériorité des personnes de sexe masculin affichée ; les seules habilitées à être en charge de ministères sacrés qui en font des êtres à part dotés d’un pouvoir sur les esprits et les comportements sous couvert d’être au service de la communauté ». « L’Église s’obstine à s’opposer à toutes les avancées sociétales et à continuer à nous traiter comme des enfants auxquels on se doit de dire ce qu’il faut penser et faire. » Il est « difficile de rejoindre la communauté paroissiale » et d’« entendre un discours théologique devenu insupportable. »
Ce qui a permis de prendre conscience de ce qui n’est plus crédible…
Ce sont des livres de théologiens (Moingt, Spong, Musset, Granger, Légaut, Lenaers, Bellet, Robinson, Maisonneuve, Drewermann, Arregi, Collin…), d’exégètes (Léon-Dufour, Perrot, Marguerat, Vouga, Cousin…), d’historiens (Veyne). Ce sont également des rencontres avec des prêtres ou des religieuses honnêtes et critiques, la participation active à des groupes de réflexion qui cultive l’esprit critique, « le travail de rédaction d’une revue chrétienne avec ses aspects de discussions collectives, plusieurs séjours en Afrique du Sahara pour animer des retraites auprès des missionnaires et du clergé local. Une vie quotidienne hors communauté, la participation à une petite communauté de base [qui] ont déclenché progressivement en moi de profonds doutes sur ma foi, ma vie religieuse, ma formation et sur les pratiques de l’Église catholique ». L’une des participantes souligne : « mon évolution a été facilitée par le fait que très tôt j’ai évolué dans des milieux œcuméniques ».
En conclusion, plusieurs membres de l’atelier se sont réunis avec Zoom le 13 avril dernier. Des questions ont été posées : Que faire, que faire pour reconstruire ? Comment vivre aujourd’hui notre foi ? Que voudrions-nous garder ? À quoi tenons-nous ? Un deuxième temps personnel ou en groupe est lancé avec les questions suivantes : Quel est, pour nous ou pour notre groupe, le message central de Jésus – « Et vous, que dites-vous que je suis ? » – En qui et en quoi croyons-nous aujourd’hui ? Qu’est-ce qui nous fait vivre ?
Source : https://www.reseaux-parvis.fr/2022/05/12/echos-de-latelier-1-etape-1-de-parvis/