René Sournac
Peut-être, amis lecteurs, vous souviendrez-vous de la signature discrète du traducteur de beaux textes que René découvrait et traduisait pour nous les partager.
ll vient de nous quitter et nous sommes entre la tristesse et le bonheur d’avoir été ses amis. Ce que nous dit l’équipe NSAE de Montpellier.
René, tu appartiens à l’équipe « Nous Sommes Aussi l’Église » de Montpellier, partie prenante de la Fédération des Réseaux du Parvis qui travaillent à bâtir un monde plus juste et plus fraternel, et qui veulent non pas une autre Église, mais une Église autre.
Avant cela, prêtre-ouvrier, tu as vécu douloureusement leur interdiction par Rome, et tu es toujours resté en lien avec tes collègues, dans toute la France.
Par bonheur, tu as continué ta route, main dans la main avec Marie-Jo, ton épouse bien-aimée, tout en restant passionnément chrétien !
Tu nous as toujours impressionnés par ton interprétation lumineuse des textes et des faits de société. Sois-en remercié !
René, tu nous disais : « Heureux ceux qui parlent avec le sourire ! »… Alors, aujourd’hui, malgré notre tristesse, permets-nous de te dire :
« Adieu, René ! »… avec un sourire…
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Tout donner pour tout gagner : la poupée de sel [1]
Par Leonardo Boff
Ces derniers temps, nous avons consacré nos réflexions presque exclusivement au Covid-19, à son contexte, qui est la surexploitation de la Terre vivante et de la nature par le capitalisme mondialisé, y compris la Chine. Ils se sont défendus en nous envoyant toute une série de virus (Zika, Ebola, fièvre aviaire et porcine et autres) et maintenant celui-ci qui s’attaque à toute l’humanité, à l’exception des autres êtres vivants. La course effrénée de l’accumulation inégale est entrée en crise et nous avons tous dû nous arrêter, nous isoler socialement, éviter les foules et porter des masques inconfortables. Nous accueillons ces limitations en solidarité les uns avec les autres et avec ceux qui souffrent dans le monde entier.
Cela ne signifie pas que nous devons vivre tristement ou sans possibilité de croissance. Nous devons nous résigner, nous résigner de façon créative. Au lieu de croître vers l’extérieur, nous pouvons croître vers l’intérieur en créant un centre où les choses sont unifiées et en découvrant comment nous pouvons apprendre de tout. La sagesse de l’Orient dit : « Si quelqu’un ressent profondément l’autre, il le ressentira même s’il est à des milliers de kilomètres. Si vous changez de centre, une source de lumière naîtra en vous et rayonnera vers les autres ».
L’autre tâche est la recherche de la réalisation de soi. Il s’agit essentiellement de la capacité à se détacher de soi-même. Le bouddhisme zen utilise la capacité à se détacher et à dire au revoir comme un test de maturité personnelle et de liberté intérieure. Si l’on observe bien, le détachement appartient à la logique de la vie : on dit au revoir au ventre de la mère, puis à l’enfance, à la jeunesse, à l’école, à la maison du père, aux parents et aux amis. À l’âge adulte, nous disons adieu aux emplois, aux professions, à la vigueur du corps et à la lucidité de l’esprit, qui diminuent de façon irréversible jusqu’à leur disparition, et là nous disons adieu à la vie elle-même. Dans ces adieux, nous grandissons dans notre identité, mais au prix de laisser derrière nous un peu de nous-mêmes.
Quel est le sens de ce lent adieu au monde, une simple fatalité irréversible de la loi universelle de l’entropie ? Cette dimension est irréfutable, mais ne conservera-t-elle pas un sens existentiel à rechercher par l’esprit ? Si nous sommes en réalité un projet infini et un vide abyssal qui réclame la plénitude, ne serait-ce pas que ce détachement signifie créer les conditions pour qu’un Plus Grand vienne nous combler ? Ne serait-ce pas l’Être suprême, fait d’amour et de miséricorde, qui nous prend tout pour que nous puissions tout gagner, dans l’au-delà, quand notre recherche reposera enfin, comme le cœur agité de Saint Augustin ?
En perdant, on gagne et en se vidant, on se retrouve plein. On dit que ce fut le chemin de Jésus, Bouddha, François d’Assise, Gandhi, Mère Térésa, Sœur Dulce et je pense aussi au Pape François, un grand humain d’aujourd’hui.
Cette histoire des anciens maîtres spirituels nous éclairera peut-être sur la signification d’une perte qui produit un gain.
Il était une fois une poupée de sel. Après avoir erré à travers des terres arides, elle vint découvrir la mer, qu’elle n’avait jamais vue auparavant, et qu’elle ne pouvait donc pas comprendre. La poupée de sel a demandé : « Qui es-tu ? » Et la mer a répondu : « Je suis la mer. » La poupée de sel a demandé à nouveau : « Qu’est-ce que la mer ? » Et la mer a répondu : « Je suis la mer. » « Je ne comprends pas, dit la poupée de sel, mais j’aimerais beaucoup te comprendre, comment faire » ? La mer répondit simplement : « Touche-moi ».
Et la poupée de sel a commencé à s’enfoncer lentement dans la mer, lentement et solennellement, comme quelqu’un qui va faire la chose la plus importante de sa vie. Et à mesure qu’elle entrait, elle devenait de plus en plus mince et comprenait de mieux en mieux la mer. Et la poupée n’arrêtait pas de demander : « Qu’est-ce que la mer ? » Jusqu’à ce qu’une vague la recouvre complètement. Elle pouvait encore dire, au dernier moment, avant qu’elle ne soit diluée dans la mer, « C’est moi ».
Elle s’est détachée de tout et a tout gagné : son vrai moi.
Source : http://www.redescristianas.net/despojarse-de-todo-para-ganar-todo-el-muneco-de-salleonardo-boff/
Traduction par René Sournac, publié le 27-10 2021