Par Alexandre Ballario
Les 14 et 15 juin 2022, les évêques français étaient réunis à Lyon en assemblée extraordinaire pour finaliser le synode sur la synodalité. Après sept mois de réflexion, les équipes synodales locales, qui avaient réuni plus de 150 000 fidèles à travers la France, ont remis les fruits de leurs travaux en avril dernier à la Conférence des évêques de France. Une équipe dirigée par Alexandre Joly, évêque de Troyes. La synthèse qui en a été faite par la Conférence des évêques tire trois « aspirations » des synthèses locales : une plus grande diversification des liturgies au profit de célébrations de la Parole et de temps de prière, une formation liturgique renouvelée pour rendre le langage liturgique compréhensible par tous et une attention renouvelée par les pèlerinages et les dévotions populaires.
Le traitement de ce synode et les conclusions qui en ont été tirées ont été relayés par plusieurs médias, parmi lesquels se distingue Le Figaro. Le quotidien s’est fourvoyé dans la désinformation en publiant le 15 juin dernier, un article de Jean-Marie Guénois qui titre « Les évêques de France prêts à un big bang de l’Église », avant de développer : « Mariage des prêtres, ordination des femmes, révision de la liturgie… Les propositions de réforme, issues de réunions synodales, sont aussi inédites que radicales. » En poursuivant : « Les propositions issues des diocèses de France pour le Synode sur la synodalité voulu par le pape, pourraient bouleverser l’ordre établi dans le sacerdoce des prêtres. » Pourtant, rien dans le document qui vient rassembler des propositions éparses, dissonantes, remontées du terrain, ne dit que le célibat des prêtres ou l’ordination de femmes prêtres seraient une nécessité pour l’avenir de l’Église. Les évêques français ont réagi à l’article du Figaro en précisant qu’ils n’ont fait que transmettre des demandes de réforme à Rome. Ce qu’il leur a permis par ailleurs de botter en touche, une spécialité. Dans leur réponse aux informations du Figaro, les évêques français, fidèles à leurs habitudes, à l’exception de l’archevêque de Poitiers (lire ci-après), ont déclaré que c’était la génération âgée qui avait fait remonter les textes demandant des réformes profondes, et que ceci ne les engageait pas. Ils n’avaient fait que les transmettre au Vatican… Et les évêques de porter une dernière estocade aux catholiques de la génération conciliaire dite « âgée » en signalant au passage que la jeune génération catholique (en creux plus conservatrice et moins contestataire) n’avait pas investi les assemblées synodales monopolisées par la génération des vieux catholiques. On l’aura compris, les réformes ce sont des caprices de vieux.
Dans ce climat de tiédeur et de désinformation, s’est distingué comme souvent Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers. Dans une tribune publiée par La Croix, il met en avant la nécessité d’une collégialité plus forte et d’une prise en compte des fidèles : « Une parole d’évêque est une parole qui se fait d’abord avec l’Église : chacune ne peut qu’y gagner en pertinence et en force. La belle organisation de ces journées, la volonté de chacune et de chacun de rechercher un terrain commun, l’écoute des signes de l’Esprit Saint ont suscité la joie dans les cœurs. Ces attitudes et ces procédures sont un appel et un encouragement pour des pratiques similaires dans nos vies diocésaines et locales. » N’en déplaise au Figaro qui tente de se servir du travail entrepris par les évêques pour nourrir sa croisade anti-François et à de nombreux prélats bien attachés à leur petit pouvoir et leur conservatisme.
Rome à l’heure de la reprise en main
Dans un rescrit publié le 15 juin 2022, signé par le cardinal brésilien João Braz de Aviz, le Vatican annonce que certaines associations publiques de fidèles ne pourront plus être créées sans une approbation de Rome. Une décision technique à première vue, mais qui revêt une importance certaine dans le contexte de la suspension des ordinations dans le diocèse de Fréjus-Toulon de Dominique Rey, débordé par l’influence des associations publiques de fidèles, qui ont échappé à son contrôle (cf. Golias Hebdo n° 725).
Ce texte, approuvé par le pape François le 7 février, mais qui vient seulement d’être publié, acte le fait qu’une telle association, dont l’objectif serait de devenir plus tard institut de vie consacrée ou société de vie apostolique, ne pourra plus être créée sans le feu vert de Rome. Définie par le droit canonique, une association publique de fidèles peut agir publiquement au nom de l’Église. Elle est notamment autorisée à enseigner la doctrine catholique et peut promouvoir le culte public. Si elle ne peut incardiner ses propres prêtres, les clercs peuvent en revanche en être membres. Le pape poursuit sa logique de reprise en main de certaines associations ou instituts diocésains. En novembre 2020, il avait déjà rendu obligatoire la validation par le Saint-Siège de tout nouvel institut de vie consacrée. Jusqu’à cette date, un évêque pouvait décider de reconnaître, seul, de nouveaux instituts. Il pouvait également décider de la reconnaissance d’associations publiques de fidèles : c’est désormais terminé. Le fait de laisser les évêques décider de la création de ces instituts ou de ces associations était un fruit du concile Vatican II, qui a voulu donner plus de pouvoirs et de responsabilités aux évêques. Mais au fil des années, beaucoup de diocèses n’ont pas été vigilants et ont accueilli à tour de bras, fermant les yeux sur des dérives souvent évidentes. Conséquence : les dicastères romains gèrent de nombreux dossiers d’abus liés à ces associations, qu’il s’agisse d’abus de pouvoir ou d’abus sexuels. Pour remettre les choses en ordre, la tâche est ardue et demandera une réelle volonté sur le long terme.
Source : https://www.golias-editions.fr/2022/06/29/caprices-de-vieux-et-nettoyage-romain/