Les néo-chrétiens de gauche s’organisent en Belgique
De Théo Moy sur le site du journal La Croix.
Embryonnaires, mais déterminés, les néo-chrétiens de gauche s’organisent en Belgique
Du 29 au 31 juillet, une soixantaine de chrétiens attachés à la justice sociale se réunissent à Beauraing, en Belgique. Une université d’été qui intervient alors que des initiatives de jeunes croyants plus critiques du « système capitaliste » émergent ces dernières années, souvent encouragées par les crises que traverse l’Église.
Dans le mouvement des néo-chrétiens de gauche, la Belgique n’est pas en reste. Du 29 au 31 juillet, un groupe de doctorants et jeunes actifs impliqués dans l’Église organise une université d’été autour de la question : « Que peuvent faire les chrétiens pour œuvrer au bien commun ? ».
L’événement doit se tenir en pleine nature, à Quartier Gallet, un lieu de retraite créé dans l’esprit de la communion de La Viale et situé sur la commune de Beauraing, à 50 km au sud de Namur, à la frontière avec les Ardennes françaises. Pendant trois jours, la soixantaine de personnes attendues doit assister à des conférences sur le capitalisme ou la théologie de la libération, partager des « moments de fraternité et de prière » et tisser des liens entre chrétiens attachés à la justice sociale.
Renouer avec la tradition sociale
L’idée de ce rassemblement a germé dans l’esprit de Jean-Baptiste, Matthias, Julien et quelques autres, tous amis de longue date, à partir du constat d’un « manque » dans les propositions de l’Église catholique. « Dans les retraites ou les camps, il peut y avoir des topos sur l’engagement moral dans la société, mais ça ne va pas plus loin », regrette Jean-Baptiste, doctorant en philosophie de la technologie à l’Université catholique de Louvain et catéchiste dans sa paroisse. Eux partagent le constat d’une « origine structurelle de la pauvreté, de la crise écologique », et pensent que les ressources chrétiennes fournissent des outils conceptuels permettant de construire une critique cohérente du « système capitaliste ».
L’enjeu, pour Jean-Baptiste, est de « penser comment l’Église peut renouer avec sa tradition sociale alors qu’elle s’embourgeoise ». Parmi les événements qui les ont poussés à lancer cette initiative, ils citent en premier la crise des abus révélés par la Ciase. « J’ai l’impression que les scandales m’ont désinhibé », explique Matthias, doctorant en droit engagé sur les enjeux de justice environnementale. « Avant, je ne me sentais pas légitime à ouvrir certains débats, mais je pense que désormais les laïcs doivent prendre la parole, explique-t-il, on ne peut plus laisser aux seuls clercs la gouvernance de l’Église. »
Durant le week-end, ils veulent discuter de la dimension systémique de ces abus, mais aussi de la « misogynie tenace lovée dans l’institution ». « On ne veut plus collaborer à une institution coupable sans se faire entendre », résume Jean-Baptiste.
Si la majorité des organisateurs sont de confession catholique, on compte parmi eux un protestant, et la volonté de s’adresser à tous les anime. Un œcuménisme qui serait plus évident pour les Belges que pour leurs voisins français, explique Jean-Baptiste. « On n’a pas, comme en France, un milieu catholique suffisamment étendu pour que les événements de ce type ne rassemblent que des catholiques pratiquants », explique-t-il. Et cet état de fait rejoint une volonté de « fédérer les chrétiens ».
Malgré cette volonté affichée, ils reconnaissent volontiers les limites de leur entreprise : le public attendu sera très majoritairement catholique et composé de moins de 30 ans, aux idées politiques convergentes. De fait, ces initiatives de jeunes chrétiens surdiplômés et enracinés à gauche laissent entière la question du dialogue entre chrétiens de toute sensibilité. La sociologue Danièle Hervieu-Léger, dans son dernier ouvrage [1], montre bien comment les croyants se réunissent surtout en groupes affinitaires, au sein de communautés de plus en plus fermées.
La montée d’un « christianisme identitaire »
Cette tendance veut s’opposer à une autre, celle d’un « christianisme identitaire », incarné par la candidature d’Éric Zemmour en France qui, malgré son échec, attire des catholiques pratiquants. Face à ce phénomène, ces jeunes sentent le besoin de faire entendre un autre discours, qui puise ses racines dans le catholicisme social. En France, c’est le collectif Anastasis qui incarne cette tendance encore embryonnaire.
« On fait partie d’une dynamique alternative dans l’Église, qui veut proposer un discours fondé sur la solidarité et l’écologie », confirme Julien, volontaire permanent d’ATD Quart Monde et membre de la colocation Lazare de Bruxelles. Ils ont invité Anne Waeles, coautrice de l’essai La Communion qui vient et membre d’Anastasis, pour donner une conférence sur la « puissance politique des Évangiles ».
Au-delà de propositions de réflexion, comme celle du professeur d’économie Jean-Christophe Defraigne selon lequel le capitalisme est une « structure d’exploitation », les organisateurs espèrent « tisser des liens » entre eux. Le lieu, « sobre et rustique », tenu par un jésuite en pleine nature et composé d’une ancienne ferme, de quelques petites maisons et d’une chapelle, devrait y participer, tout comme les « moments de travail collectif ».
Note :
[1] Vers l’implosion ? Entretiens sur le présent et l’avenir du catholicisme, de Danièle Hervieu-Léger et Jean-Louis Schlegel, Éd. du Seuil, 400 p., 23,50 €.Source : blog de réinformation proposé par des laïcs catholiques belges : belgicatho