Par Martin Thielen [1](traduction Gilles Castelnau)

Étant pasteur moi-même, je suis témoin du fait que certains de mes collègues perdent la foi. J’ai personnellement fait mon instruction religieuse à l’âge adolescent dans une église évangélique, mais j’ai, depuis, perdu une bonne partie de la foi de mon enfance.
Perte de foi
J’ai perdu la foi en la vérité littérale de la Bible : La création du monde en six jours il y a moins de 10 000 ans ! Un serpent qui parle ! Un déluge provoquant un génocide mondial ! Un Dieu qui approuve la polygamie, l’esclavage, la soumission des femmes, les génocides militaires ! Un fer de hache qui flotte sur l’eau ! Un Dieu qui fait sortir un ours du bois pour tuer les petits garçons qui se sont moqués d’un prophète chauve ! La peine de mort infligée aux gays, aux adultères, aux travailleurs du sabbat, aux adolescents irrespectueux !
Je prends tout à fait la Bible au sérieux, mais certainement pas littéralement.
En fait, j’ai perdu la foi en un Dieu dont les interventions seraient surnaturelles.
Si Dieu peut intervenir de manière surnaturelle dans le monde, comment expliquer que des enfants meurent de leucémie ? Pourquoi des pandémies se produisent-elles ? Pourquoi certains sont-ils atteints de la maladie de Charcot ou de démence ?
Pourquoi les cyclones, les tornades et les tsunamis sont-ils destructeurs ?
Pourquoi Dieu permet-il les guerres, le terrorisme et toutes les injustices ?
Quelle image nous ferions-nous d’un Dieu qui aurait le pouvoir d’intervenir en toutes ces choses, mais choisirait systématiquement de ne pas le faire ?
Durant toutes mes années de ministère, je n’ai jamais été témoin d’un seul miracle surnaturel.
La seule conclusion que je pense on puisse en tirer est que Dieu n’intervient pas de façon surnaturelle dans le monde.
Cela ne signifie pas que je suis déiste et que je récuse toute activité de Dieu dans le monde. Je crois que Dieu agit dans le monde en s’y incarnant, qu’il agit par l’intermédiaire des hommes et certainement aussi de manière que nos esprits humains limités ne sont pas capables de saisir. Notamment par le processus de l’évolution.
Plutôt que d’un Dieu « surnaturel », il serait plus juste de parler d‘un Dieu « sur-naturel ».
J’ai aussi perdu la foi sur d’autres points. Ainsi, je ne crois plus au salut par le sacrifice substitutif de la Croix. Ce concept avait du sens dans l‘ancien monde où l’on pratiquait des sacrifices d’animaux. Mais je trouve offensant pour la personne de Dieu de le reprendre aujourd’hui en laissant penser que Dieu exige le sacrifice sanglant de son Fils pour lui permettre de pardonner l’humanité. Cela fait désormais penser à de la maltraitance d’enfant.
J’ai aussi perdu la foi au châtiment éternel dans l’enfer du diable, à l’idée que Dieu rejette toutes les religions à l’exception du christianisme. J’ai perdu la foi en l’idée que Dieu est un Être supérieur demeurant « au ciel ».
Je ne conçois plus Dieu comme une divinité surhumaine, mais plutôt comme la mystérieuse force de vie et d’amour.
Garder la foi
Le fait que j’ai perdu la foi en beaucoup de croyances traditionnelles suffit à certains du clan conservateur pour déclarer que je ne suis plus chrétien. Pourtant j’adhère toujours à beaucoup d’importantes affirmations de la foi chrétienne.
• J’ai foi en l’histoire de Jésus.
Certes, j’ignore la véracité historique des récits des évangiles : ils ont été écrits de quatre à sept décennies après la mort de Jésus, en un temps préscientifique et où le surnaturel était courant. Il est clair que ces histoires ont été amplifiées au cours du temps. Jésus est-il réellement né d’une vierge ? A-t-il marché sur l’eau ? a-t-il rendu la vue à des aveugles ? que s’est-il vraiment passé le matin de la Résurrection ? Est-il physiquement monté au ciel ? Mais ces questions n’ont guère d’importance et les récits concernant Jésus demeurent saisissants. Sa naissance indique que Dieu s’implique matériellement dans le monde, son baptême que Dieu nous considère comme ses enfants, ses enseignements nous apprennent à aimer notre prochain comme nous-mêmes, son exemple que nous sommes appelés à servir les autres. Sa crucifixion nous montre que Dieu participe à nos souffrances les plus profondes et sa Résurrection que l’espérance nous est toujours donnée.
L’histoire de Jésus est mon histoire avec toute sa puissance et ses multiples significations.
• J’ai foi en les valeurs chrétiennes comme l’amour, le pardon, la bonté, la justice, le service, la reconnaissance, l’intégrité, la vérité, l’humilité, la fidélité conjugale. J’ai foi en la communauté chrétienne (saine), en sa mission de faire progresser le Royaume de Dieu « sur la terre comme au ciel ».
J’ai donc perdu, au cours des années, certaines croyances traditionnelles, mais j’ai aussi conservé des éléments importants de la foi authentique.
La foi en évolution
Nous vivons une époque de grande évolution religieuse dans le monde et en particulier aux États-Unis. L’adhésion à l’Église et la fréquentation du culte diminuent rapidement en Amérique, surtout depuis le Covid. Les jeunes quittent l’église en masse. Le groupe religieux qui connaît la croissance la plus rapide dans notre pays est celui des personnes sans religion.
Des sondages récents montrent qu’un Américain sur deux ne croit plus au Dieu traditionnel ou en un Christ divin. Par exemple, en 1990, trois Américains sur quatre croyaient en un « Créateur tout-puissant, omniscient, parfait et juste gouvernant toujours le monde ». Ils ne sont plus aujourd’hui qu’un sur deux.
Un important sondage de 2020 rapporte que 52 % d’Américains ont déclaré : « Jésus était un grand maître, mais il n’était pas Dieu ». Il est surprenant de remarquer que 30 % des évangéliques ont également été d’accord, alors que ceci est pourtant absolument contraire à leur position traditionnelle.
Cela signifie que nombreux sont les membres du clergé ou les laïcs qui vivent dans l’ambiguïté la recherche de leur foi et qui s’en trouvent parfois mal à l’aise. Mon opinion est que cette évolution de la foi n’est pas près de son point final. Personnellement je m’y suis confronté pendant des années et j’ai, finalement, trouvé la paix, en admettant savoir moins de Dieu aujourd’hui qu’autrefois, ce qui est finalement une bonne chose. J’accepte pleinement désormais de vivre dans cette ambiguïté. Et cette foi, mêlée d’ambiguïtés, me suffit.
Notes :
[1] Pasteur de l’Église Unie du Christ États-UnisSource : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc823.htm
Source originale : https://doubtersparish.com/articles/on-losing-and-keeping-faith/