Par José Lorenzo
Un groupe d’experts canonistes de l’Université de Bologne a déjà rédigé une constitution apostolique qui fournit des lignes directrices pour encourager la cohabitation et la communion entre le pape régnant et le pape émérite.
Selon le texte, le pape émérite « devra veiller tout particulièrement à ne pas interférer directement ou indirectement dans les activités propres au gouvernement de l’Église universelle » et s’abstenir d’apparaître dans les médias.
Au cours des derniers mois, on a assisté à une prolifération d’annonces (certaines avec l’intention claire de saper l’autorité du Pape) sur la démission plus ou moins imminente de François, qui s’est naturellement également exprimé sur ce déluge de rumeurs. La dernière en date, et aussi la plus claire, à son retour de son récent voyage au Canada, la dernière semaine de juillet :
« Je ne pense pas pouvoir aller au même rythme qu’avant. Je pense qu’à mon âge et avec cette limitation [la blessure au genou], je dois ménager mes forces pour pouvoir servir l’Église. Ou je pourrais aussi envisager de me retirer, ce qui, honnêtement, ne serait pas une catastrophe, car on peut changer le pape sans problème », a-t-il déclaré dans le vol de retour.
La nouvelle constitution apostolique Praedicate evangelium ne prévoit pas un tel cas. Cela ne semblait certainement pas non plus être l’endroit. La « transition » s’est déroulée relativement normalement après la démission de Benoît XVI en 2013, mais il est vrai que, malgré le respect et l’admiration mutuels qui existe entre Bergoglio et le pape émérite Ratzinger, cette coexistence, avec les deux résidences distantes de quelques mètres, a néanmoins provoqué certaines fausses notes et manipulations de la part de l’émérite, qui ont été interprétées comme un soutien aux secteurs critiques du pontificat de François.
Et si ces malentendus ont été dissipés, observateurs et spécialistes n’ont pas cessé d’analyser les inconvénients de cette « cohabitation », ce qui a même conduit un groupe d’experts canonistes de l’Université de Bologne à rédiger une sorte de projet de « statuts » de la figure du Pape émérite.
La visite le 28 août à la Basilique de L’Aquila à la tombe de Saint Célestin V (également visitée par le Pape Ratzinger), qui à la fin du 12e siècle a émis un décret déclarant le droit d’un Pape à démissionner volontairement, ont à nouveau suscité des spéculations selon lesquelles François pourrait se prononcer sur l’opportunité de réglementer cette question sept siècles plus tard et, surtout, formuler des règles sur ce que pourrait être la coexistence entre deux ou plusieurs papes émérites, à l’image de ce qui est actuellement le cas dans certains diocèses, où coexistent titulaires et émérites.
En ce sens, le projet de constitution apostolique de ces canonistes de la prestigieuse Université de Bologne, que l’on peut trouver sur https://www.statoechiese.it/images/uploads/articoli_pdf/Boni.M_Una_proposta.pdf?pdf=una-proposta-di-legge-frutto-della-collaborazione-della-scienza-canonistica), contient des normes très précises, concises et parfaitement intelligibles, qui sont donc peu propices à la recherche de failles interprétatives.
Ainsi, sur une question qui a provoqué des frictions durant la « cohabitation » entre Bergoglio et Ratzinger, comme ses apparitions publiques (peu nombreuses, cependant), le projet, « en raison de la position particulière de retraite et de prière qu’il assume, et en vue du bien commun, l’Église demande à l’évêque émérite de Rome :
1. de veiller tout particulièrement à ne pas s’immiscer directement ou indirectement dans les activités propres au gouvernement de l’Église universelle ;
2. de favoriser un lien étroit de communion et d’obéissance fraternelle avec le Pontife Romain ;
3. d’éviter d’être présent dans les médias ;
4. de consulter le Pontife Romain au sujet de la publication de tout écrit sur la doctrine et la vie de l’Église, sur les questions sociales, ou qui peut être compris comme des opinions en concurrence avec le magistère pontifical ;
5. d’aider la mission évangélisatrice par une vie de prière et de pénitence, nourrie par l’expérience et la connaissance des besoins spirituels et apostoliques de l’Église dans le monde ».
Elle stipule également que seul le Pontife romain « a le droit exclusif de juger l’évêque émérite de Rome », qui « peut continuer à porter dans ses apparitions publiques l’habit blanc » et résider « dans le lieu de son choix, y compris la ville de Rome et l’État de la Cité du Vatican », sous réserve d’une communication préalable au Pape. À cet égard, François a déclaré lors d’une récente interview sur Televisa que, s’il devait démissionner, « je ne retournerais pas en Argentine ». Je suis l’évêque de Rome, et dans ce cas, je serai l’évêque émérite de Rome » et qu’il irait vivre à Saint Jean du Latran.
Cela correspond bien aux dispositions du projet susmentionné, qui stipule que « une fois que la démission a pris effet, l’évêque démissionnaire n’assume ni ne récupère la dignité cardinalice ni les fonctions qui y sont attachées », ce qui n’enlève rien au fait que le pape « peut librement demander la collaboration et les conseils de l’évêque émérite de Rome dans les affaires qui touchent le bien de l’Église universelle ».
Les canonistes de l’Université de Bologne attachent une importance particulière à l’aspect des relations personnelles et publiques entre le nouveau Pontife Romain et son prédécesseur. Ils soulignent donc qu’« il est nécessaire d’établir certaines dispositions pour organiser ces relations, mais il est incontestable que le contenu humain et spirituel de la coexistence ne doit pas et ne peut pas être réglé par la loi. En tout cas, la fraternité et l’esprit de communion, qui doivent inspirer ces relations, sont compatibles avec l’obéissance toujours due à l’unique Successeur de Pierre ».
Et dans une réflexion évangélique sur les fondements de cet esprit d’obéissance, le texte souligne que « le Pontife romain qui renonce à sa charge est appelé à vivre de manière très particulière la maxime du Baptiste en référence à Jésus-Christ : “Il convient que lui croisse et que moi je décroisse” (Jn 3,30). Ainsi, il essaiera de vivre l’humilité d’être “le grain de blé qui meurt et devient ainsi fécond” (Jn 12, 24). La nouvelle situation du renonçant conseille clairement un retrait de la vie publique ecclésiastique et civile qui facilite le travail du Pontife Romain » afin « d’éviter des situations confuses, des malentendus ou de possibles incompréhensions ».