Dieu, un océan insondable
Par Matthew Fox [1]
Eckhart dit : « La raison ne peut jamais saisir l’océan insondable qu’est Dieu. » Ceci dit-il quelque chose sur le mystère de la Divinité ? Dieu insondable, comme l’océan dans sa profondeur, comme les ténèbres et les mystères inexplorés !
Si oui, tant mieux. C’est la marque d’une pensée spirituelle profonde. Jean de la Croix ne disait-il pas : « plongez dans la profondeur ».
Ne restez pas sur le rivage, plongez dans les eaux profondes, celles du profond mystère – celles aussi des profonds dangers, celles du mal toujours présent en ce monde.
Certes cette démarche implique d’abandonner bien des habitudes sécurisantes. Mais n’est-ce pas justement ce que fait la nouvelle génération en quittant les églises ?
Si nos institutions échouent, allons plonger dans l’océan insondable, détournons-nous des affirmations religieuses bon marché et retrouvons notre âme dans la véritable profondeur de la contemplation et de l’émerveillement devant l’étincelle et la flamme que Dieu fait brûler en nous.
Thomas d’Aquin disait : « la cause de notre joie nous est cachée… le Dieu auquel nous sommes unis demeure l’Inconnu. Dieu seul connaît la profondeur et la richesse de sa divinité, et les secrets ne sont accessibles qu’à sa seule sagesse divine. »
Pour Thomas d’Aquin, notre plus grande réussite est de prendre conscience que Dieu est bien au-delà de tout ce que nous pensons. Le summum de la connaissance humaine est de savoir que nous ne pouvons connaître Dieu. Son immensité fait que la nature divine transcende tout ce que l’esprit humain peut atteindre.
Maître Eckhart disait : « Quoi que vous affirmiez de Dieu, c’est ce que Dieu n’est pas. Dieu n’est jamais ce que l’on dit de lui, il est ce que l’on ne dit pas de lui. »
La psychologue et mystique juive Estelle Frankel appelle dans son livre The Wisdom of Not Knowing (la Sagesse du non-savoir) à « se familiariser avec le non-savoir » et à « remplacer la certitude du savoir par le non-savoir ». Elle dit qu’être accessible à l’inconnu, sous toutes ses formes, donne sagesse et courage rendant ouvert, curieux et souple tant dans la vie privée que professionnelle, capable de découvertes nouvelles et de créativité.
Elle cite le Zohar : « La pensée ne peut pas saisir la nature divine » ce qu’elle retraduit par « on ne peut pas faire le tour de Dieu. »
La sagesse humaine doit demeurer dialectique et « impliquer toujours savoir et non-savoir, connaissance et mystère, action et immobilité, explications et silence. »
Note :
[1] Prêtre épiscopalien de CalifornieSource : http://protestantsdanslaville.org/gilles-castelnau-spiritualite/gc825.htm