Le pape François peut-il survivre aux manigances des « schismatiques » ?
Par Phyllis Zagano
« Les schismatiques » n’est pas le nom d’une nouvelle comédie musicale de Broadway, mais cela pourrait tout aussi bien l’être. Certains cardinaux de haut rang, profondément mécontents du cycle 2021-2022 du synode mondial de l’Église catholique sur la synodalité, semblent vouloir que le projet tout entier disparaisse.
Il n’en sera rien.
Le synode est censé être une nouvelle façon d’être « l’Église », un rétablissement permanent de la façon dont l’Église a commencé et s’est développée. Le pape François l’envisage comme un changement qui survivra à sa papauté.
Malgré cela, trop de catholiques n’ont toujours aucune idée de ce que signifie la « synodalité ». Quoi qu’en disent les opposants, il ne s’agit pas d’un événement parlementaire visant à voter sur des questions doctrinales de foi et de morale. Enracinée dans les enseignements et le processus du Concile Vatican II, la synodalité est comprise comme un « chemin parcouru ensemble » – une recherche de consensus – sur le renouveau entamé à la suite du Concile Vatican II.
Bien sûr, la synodalité ne signifie rien si une conférence nationale d’évêques, des évêques individuels ou des pasteurs en ignorent toute l’idée. Certains d’entre eux croient qu’en ignorant le processus synodal, ils pourront récupérer le passé. Ce sont les ecclésiastiques qui préfèrent les vêtements ecclésiastiques et les messes en latin de leur passé réel ou imaginaire. Ils veulent que les femmes ne soient pas admises dans le sanctuaire. Ils veulent que les laïcs restent à leur place.
Ces hommes espèrent simplement que le synode disparaîtra. Ils l’ont peut-être suivi pour la forme, avec des réunions synodales secrètes, uniquement sur invitation et des rapports superficiels. Ils ont peut-être pensé qu’il ne leur restait qu’un an environ avant qu’un nouveau pontificat ne vienne effacer toute cette histoire de consultation des laïcs.
Ils se sont trompés.
Bien sûr, un nouveau pontificat est précisément ce qu’espère l’opposition à François. Il ne fait aucun doute que la campagne électorale a commencé. Les chefs de file, ou du moins les principaux accusateurs de la synodalité, sont le cardinal australien George Pell et le cardinal allemand Gerhard Müller, tous deux à la retraite. Chacun dispose d’un palais de résidence d’où il peut conspirer juste derrière l’une des portes du Vatican.
Pell est ancien archevêque de Sydney, formé à Rome et a été un certain temps le superviseur économique du Vatican. Dans un récent article du National Catholic Reporter, il a rejeté les processus synodaux actuels, présentant les 21 conseils de l’Église comme des « exemples du Saint-Esprit à l’œuvre ». Son point de vue : seuls les clercs peuvent discerner et décider. Il qualifie le processus synodal allemand de « suicidaire ».
Gerhard Müller, dont le mandat à la tête de l’organe doctrinal du Vatican s’est terminé au moment de la rédaction de son document sur la synodalité, a longtemps critiqué le concept de synodalité de François. Il a récemment qualifié le synode de « prise de contrôle hostile de l’Église de Jésus-Christ », ajoutant : « Nous devons résister ».
Müller s’en est pris au secrétaire du synode, le cardinal Mario Grech, dont il a dit qu’il n’avait « aucune stature dans la théologie académique », l’accusant de « présenter une nouvelle herméneutique de la foi catholique ». Il a souligné son argumentation en disant que seuls les cardinaux savent ce qu’il faut faire à la Curie, et que les laïcs ne devraient pas être impliqués dans le choix des évêques.
Pourquoi toute cette controverse ?
Les thèmes du synode sont bien connus – les femmes dans le ministère, un sacerdoce marié, le statut des personnes divorcées-remariées et les considérations sur l’homosexualité. Ce sont les préoccupations des catholiques du monde entier. Ce sont également les préoccupations des opposants au synode. Ils espèrent un nouveau pape.
Cependant, si François aura 86 ans en décembre prochain, les membres de l’opposition vieillissent également. Pell, à 81 ans, est trop vieux pour voter dans un conclave ; Müller a 74 ans. Mais comme ils conservent leurs résidences, ils sont bien placés pour rassembler des cardinaux partageant les mêmes idées dans un genre de réunions conspiratrices que l’on n’avait plus connues depuis le Moyen Âge.
Considérez ceci : Müller et Pell font tous deux partie des 13 cardinaux signataires d’une lettre d’opposition aux travaux du Synode sur la famille de 2015. Six de leurs collègues cardinaux signataires sont encore en vie.
Ils ne plaisantent pas. Ils veulent sincèrement annuler la synodalité. Ils semblent prêts à mener leurs adeptes au schisme juste pour ne pas avoir à traiter les questions des laïcs.
Et leurs partisans, une infime partie des 1,3 milliards de catholiques dans le monde, les soutiennent joyeusement par le biais de leurs médias et, plus important encore, avec leur argent. François, quant à lui, compte sur l’Esprit Saint.
Source : https://www.ncronline.org/opinion/ncr-voices/can-pope-francis-survive-scheming-schismatics