L’Arche, les Dominicains et les frères Philippe
Sœur Véronique Margron, op, présidente et le Bureau de la CORREF
Communiqué de presse de la CORREF.
La CORREF a lu avec effroi et une infinie gravité les rapports accablants de l’Arche, « Emprise et abus, enquête sur Thomas Philippe, Jean Vanier et l’Arche », et de Tangi Cavalin « l’Affaire, Les dominicains face au scandale des frères Philippe. » (note 1) tous deux parus le 30 janvier dernier.
Avant tout, la Conférence des religieuses et religieux de France salue le très grand professionnalisme des chercheurs, leur indépendance, leur courage et celui des instances qui les ont mandatés, l’Arche et la Province de France des dominicains. Tous participent de ce « un peu de vérité » dont nous avons tant besoin face aux violences sexuelles commises dans l’Église et aux causes systémiques qui les ont rendues possibles.
Ces sommes de travail viennent confirmer – s’il en était encore besoin – la force et la justesse du travail accompli par la CIASE avec son rapport. La CORREF redit ici son admiration à son président, Jean Marc Sauvé et à l’ensemble de son équipe et des chercheurs associés.
Elles confirment aussi combien sans la parole des victimes rien n’est possible ni ne peut se comprendre. La CORREF rend hommage à nouveau au courage de celles qui prennent la parole et permettent à d’autres de la prendre un jour. Elle redit son engagement total afin que la reconnaissance des crimes subis et de leurs répercussions traumatiques soit prise en compte par les communautés concernées et au-delà d’elles, la vie religieuse en France. De même que le lent chemin de réparation indispensable à la restauration des personnes et à la prise de responsabilité de l’Église.
Notre Conférence souligne – avec gratitude pour ses membres – la place décisive de la « commission Reconnaissance et Réparation » présidée par Antoine Garapon et qui est à la disposition de toute victime d’une communauté religieuse. (https://www.reconnaissancereparation.org/qui-sommes-nous)
Ces deux volumes – qu’il faut désormais s’approprier pour en voir toutes les conséquences – manifestent combien sous couvert d’une doctrine – et même d’une défense de sa rigueur- de tels crimes ont pu se commettre. Combien aussi l’élan apostolique peut cacher une culture de l’emprise et un rigorisme moral, une perversion sexuelle et un retournement du mal en bien. C’est donc bien aujourd’hui toute une culture ecclésiale, théologique, pastorale qu’il faut interroger tant elle a été le terreau des abus, de la manipulation, de l’agression, du mensonge et même de la mort.
Comment aussi ne pas s’interroger de façon abyssale sur la façon dont le secret a rendu possible pour ces hommes la perpétuation du délire gnostique de ces hommes, de leur impunité, de leurs emprises et atteintes sexuelles. L’imposition d’un « grand silence » par les autorités romaines, jusqu’à ce que le secret se retourne en faveur des auteurs. Le rapport de la CIASE avait déjà alerté sur ces pratiques.
Il est aussi impossible de passer sous silence l’aveuglement – feint ou réel selon – de nombre d’autorités de l’Église comme de l’ordre de saint Dominique. Mais sans doute au-delà d’elles, de tout un peuple sincèrement croyant. Voilà qui doit encore et encore nous interroger sur notre capacité de jugement et sur la nécessité de rompre avec l’entre-soi pour espérer détecter les signaux – forts ou faibles – de dérives et réformer ce qui doit l’être de notre gouvernance.
Enfin il va falloir regarder de près l’ensemble des communautés et groupes religieux profondément marqués par les folies de ces hommes, tant ils eurent de relations avec nombre de communautés dites « nouvelles » de l’époque ou des lieux de tradition tels des monastères ou couvents. Nous n’en avons pas fini de chercher à élucider les conséquences de ces liens et leurs effets délétères aujourd’hui encore.
Un lourd travail est encore devant nous. Le rapport de la CIASE, les travaux remarquables des deux commissions d’études mandatées par l’Arche et les Dominicains, la parole et l’expertise des victimes nous obligent à le poursuivre, croyant que la vérité de l’Évangile nous y convoque et que la vie religieuse en sortira plus authentique, simplement humaine et à la recherche de son Dieu. Celui des humiliés.
https://www.viereligieuse.fr/communique-de-presse-de-la-corref/